Le recours aux ordonnances de l'article 38
Dissertation : Le recours aux ordonnances de l'article 38. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Floriane Lmd • 29 Novembre 2020 • Dissertation • 3 540 Mots (15 Pages) • 1 746 Vues
LAUMOND Floriane – groupe 5
Dissertation
-Droit administration-
-Le recours aux ordonnances de l’article 38-
Le 4 février 1960, le Parlement établit en vertu de l’article 38 de la Constitution de 1958, une loi d’habilitation autorisant le gouvernement à prendre des mesures relatives au maintien de l’ordre, à la sauvegarde de l’Etat, à la pacification et à l’administration de l’Algérie. De cette loi naît alors la première ordonnance de la Ve République. Déjà utilisée sous les IIIe et IVe République, l’ordonnance se trouve être de nouveau un outil de la Ve République permettant au gouvernement de s’immiscer dans le domaine de la loi.
Le recours aux ordonnances est en effet prévu par l’article 38 de la Constitution de la Ve République sous les termes suivants : « Le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi.
Les ordonnances sont prises en Conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat. Elles entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation. Elles ne peuvent être ratifiées que de manière expresse.
A l'expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent article, les ordonnances ne peuvent plus être modifiées que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif. »
En somme, l’ordonnance permet au gouvernement, sur autorisation du Parlement d’intervenir dans un domaine de la loi précisé et pendant un délai déterminé.
Historiquement, l’ordonnance était appelée décret-loi sous la IIIe et IV République. Si elle permettait à aux gouvernements d’étendre leur pouvoir réglementaire dans un domaine relevant de la loi sur habilitation du parlement, elle était néanmoins interdite dans la Constitution de la IVe République et contestée dans son utilisation sous la IIIe République.
La question est de comprendre pourquoi encore aujourd’hui sous la Ve République, l’article 38 ou le recours à l’ordonnance peut être amenée à faire parler de lui bien qu’il soit ancré dans la Constitution de la Ve République depuis le début et utilisé couramment. C’est en ces termes de « gouvernement », « parlement », et « domaine de la loi » que l’article 38 de la Constitution fait émerger des paradoxes.
La premier paradoxe repose sur les différents organes qui entrent en jeu. A la fois le gouvernement et à la fois le Parlement, pour un seul objet : le domaine de la loi. Il apparaît que la séparation des pouvoirs, législatif et exécutif voire réglementaire fait face à une perturbation. Chaque organe doit détenir une fonction (législative ou exécutive), ainsi qu’une faculté de statuer (légiférer, émettre des règlements) et d’empêcher (démettre le gouvernement ou dissoudre le parlement). En effet, la déclaration des droits de l’homme et du citoyen stipule dans son article 16 que : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Ce texte a une valeur constitutionnel car il fait partie du préambule de la Constitution de 1958 et appartient en ce sens au bloc de constitutionnalité. Il en est donc de savoir comment l’article 38 a « déterminé la séparation des pouvoirs », comment il l’a quelques peu aménagée ou modifiée voire s’il a su s’y adapter.
Le second paradoxe est toujours fondé sur le triptyque Parlement, gouvernement et domaine de la loi émanant de l’article 38. S’il la séparation des pouvoirs peut être troublée, elle n’est a priori pas remise en cause par l’article 38. En revanche, puisque les frontières entre les différents pouvoir se brouillent au regard de cet article, la valeur des actes qui naissent laisse planer l’incertitude. L’ordonnance, est-elle législative car elle interfère dans le domaine de la loi ou au contraire est-ce un acte réglementaire car il est pris par le gouvernement ? Si implicitement, par le jeu des délais imposés par l’article 38, on peut penser que l’acte est d’abord réglementaire avant de devenir législatif, il n’en demeure pas moins que le passage de l’une à l’autre de ses formes juridiques fait émerger des tensions jusqu’au Conseil Constitutionnel et au Conseil d’Etat. Ce d’autant, que pour l’une comme pour l’autre des juridictions, cela étend ou réduit son champ de compétence, mais ce sont surtout le parlement et le justiciable qui peuvent être lésés. Devenir un acte législatif trop tôt, réduirait le champ d’action du premier (l’étape de la ratification notamment), mais également rendrait plus difficile d’accès en recours au second puisque la procédure est bien différente qu’il s’agisse de constater l’inconstitutionnalité devant la Conseil Constitutionnel ou simplement l’excès de pouvoir ou l’exception d’illégalité devant la Conseil d’Etat. L’article 38 de la Constitution ne dit rien explicitement concernant cela.
Les termes de recours aux ordonnances de l’article 38 font donc émerger deux sens : la prise d’ordonnances par le gouvernement et le recours en justice devant les juridictions de celles-ci.
On en vient alors à se demander d’une part comment le recours aux ordonnances prévu par l’article 38 compose avec le principe de la séparation des pouvoirs mais également d’autre part, comment il compose avec les juridictions constitutionnelles et administratives pour harmoniser ou non la non-clarification de l’article 38 sur le type d’acte que devient l’ordonnance prise.
Ce travail démontrera que si le recours à l’émission d’ordonnance de l’article 38 ne déroge pas théoriquement mais plus empiriquement au principe de séparation des pouvoirs (I). Il n’en demeure pas moins que le type d’acte émis n’est pas prévu explicitement par l’article 38 de la Constitution et donc que son recours entraîne la confusion jurisprudentiel entre les juridictions suprêmes (II).
- Le recours aux ordonnances de l’article 38 : une séparation des pouvoirs contrôlée mais affaiblie
Pour établir un recours aux ordonnances avec l’article 38, il a fallu composer avec le principe de la séparation des pouvoirs, lui aussi constitutionnel. Si ce principe semble directement attaqué et s’opposer à ce recours parce qu’il permet au gouvernement de s’immiscer dans le domaine de la loi, il n’en demeure pas moins qu’il est contrôlé parce que détaillé dans l’article 38 (I). Toutefois, dans la réalité empirique, le principe de séparation des pouvoirs est affaibli par cette prérogative du gouvernement qui élargit ses pouvoirs tout en réduisant ceux du parlement (II).
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