Le nantissement en matière de propriété intellectuelle dans l'espace OHADA
Mémoire : Le nantissement en matière de propriété intellectuelle dans l'espace OHADA. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar juris-aboli • 15 Juillet 2016 • Mémoire • 22 908 Mots (92 Pages) • 1 478 Vues
INTRODUCTION GENERALE
Les idées et les créations intellectuelles représentent une part de plus en plus importante du commerce et du crédit. Elles font l’objet d’une dénomination générique de ‘droits intellectuels’[1].
Ces droits, inconnus ou méconnus, il y a quelques années, ont connu un essor fulgurant avec des enjeux économiques tellement importants qu’ils font l’objet d’un traitement particulier. Ils représentent la première catégorie d’actifs sur la planète, soit 5,5 Trillions USD et environ 80% de la valeur des entreprises cotées[2]. C’est un avantage considérable pour les entreprises des secteurs des hautes technologies et des biotechnologies en démarrage, qui sont à la recherche de financement avec pour seul bien certains de leurs actifs intangibles comme les droits de propriété intellectuelle[3]. Ils ont donc été pris en compte par le droit des sûretés. L’usage des droits de propriété intellectuelle comme assiette de sûreté, s’est imposé dans les esprits au 20ème siècle. D’abord, ils n’étaient connus que comme un complément facultatif du fonds de commerce[4]. Ensuite, les droits de propriété intellectuelle ont été employés comme objet propre de sûreté eu égard à la place que joue cette matière dans l’économie mondiale actuelle. Il a fallu donc pour reprendre les termes du Rapport de la commission Grimaldi[5]« moderniser les sûretés afin de les rendre lisibles et efficaces tant pour les acteurs économiques que pour les citoyens tout en préservant les intérêts en présence ».Ainsi avec l’importance grandissante de ces droits des commissions ont été mis en place, à l’instar de la Commission Grimaldi, afin de les intégrer dans les corpus juridiques modernes. Aussi, l’OHADA[6], en tant qu’organisation travaillant à l’harmonisation du droit des affaires sur le continent africain a pris conscience du rôle primordiale des sûretés en organisant dans un Acte Uniforme[7] le régime des différentes sûretés que peut offrir le débiteur au créancier pour renforcer la confiance que ce dernier lui fait en acceptant de lui accorder un crédit. Ces sûretés représentent ainsi des garanties facilitant l’accès au crédit tout en réduisant les pertes potentielles dues au risque de non-paiement que pourrait subir le prêteur.
Les sûretés y sont définies comme « les moyens accordés au créancier par la loi de chaque Etat partie ou la convention des parties pour garantir l’exécution des obligations quelle que soit la nature juridique de celles-ci »[8]. Les sûretés sont variées et sont par conséquent susceptibles de plusieurs classifications, mais la distinction majeure est celle opposant les sûretés personnelles[9] aux sûretés réelles, qui sont des sûretés qui reposent sur des biens pouvant être des immeubles ou des meubles et renvoyant aux sûretés immobilières ou mobilières. S’agissant précisément des sûretés mobilières, les différentes analyses ont fait ressortir moult innovations : la redéfinition du domaine du droit de rétention ainsi que ses conditions d’exercice ; l’introduction de trois (03) nouvelles sûretés à savoir le nantissement de compte bancaire, le nantissement de titre financier et le nantissement des droits de propriété intellectuelle objet de notre étude. Ainsi, en plus des anciennes suretés sur des biens incorporels déjà réglementées et qui ont été modernisées, le droit des sûretés OHADA s’est enrichit de nouvelles sûretés. Au fur et à mesure que des espèces de biens nouveaux viennent à entrer dans le commerce, il semble qu’ils appellent une législation spéciale permettant de les offrir en garantie. Il est donc apparu nécessaire d’étendre l’assiette des sûretés pour y introduire les droits de propriété intellectuelle, car ils représentent souvent une valeur substantielle permettant au propriétaire d’obtenir des subventions. En ce sens, le droit est toujours en développement face au rôle que doit jouer la propriété intellectuelle en relation avec les sûretés et la recherche de financement. La croissance économique suppose le crédit, et le crédit n’est raisonnablement possible qu’avec une prise de garantie. Pour favoriser l’activité du crédit, une étape majeure a été le développement de sûretés nouvelles. En particulier, à partir du moment où il est devenu possible de constituer aisément des garanties sur les fruits attendus de la croissance financée ou sur les actifs actuels sans en bloquer l’usage.
Ce besoin de sûretés mobilières supposait une évolution du droit[10]. La considération de nouvelles sûretés réelles, notamment celles portant sur les droits de propriété intellectuelle en droit OHADA, illustre bien ce phénomène. Elle marque une innovation réelle dont l’efficacité n’est guère contestée dans la sécurisation des droits du créancier.
Le nantissement des droits de propriété intellectuelle, qui était autrefois un démembrement du nantissement du fonds de commerce, est désormais consacré par le législateur en droit uniforme. Sa consécration n’est pas neutre ; elle répond à la volonté de permettre l’accès au crédit au plus grand nombre en contrepartie de la mise en garantie d’un bien.
L’apparition des propriétés intellectuelles dans les patrimoines, depuis quelques dizaines d’années, ne pouvait laisser longtemps le droit de sûretés indifférent, eu égard à leur intégration dans le droit OHADA. Leur actualité s’impose avec récurrence d’où l’affirmation de P. Roubier « l’histoire des droits intellectuels est une histoire moderne »[11]. La pratique a donc imaginé des sûretés qui se sont généralisées et ont reçu la consécration du législateur.
Dans notre analyse, il s’agira de mettre en lumière les sûretés réelles mobilières grevant des biens meubles incorporels ; l’intérêt portera sur le nantissement en matière de propriété intellectuelle.
Les droits de propriété intellectuelle par le mécanisme du nantissement peuvent donc servir d’assiette de garantie. En effet, aux termes de l’art. 156 Al. 1 « le nantissement des droits de propriété intellectuelle… des dessins et modèles »
Sans nul doute, ce mécanisme tel qu’il est organisé est profondément innovant et original car, contrairement au droit positif français, le mérite du droit uniforme OHADA est d’avoir fait du nantissement des droits de propriété intellectuelle une sûreté autonome qui se suffit à elle-même comme garantie dans toutes les transactions. En France, le régime applicable suit le régime général du gage[12] (Art 2355).Le mécanisme ainsi établi permet de sécuriser les bailleurs et par ricochet, de favoriser l’octroi de crédit ou prêt comme observait L. Yondo Black, spécialiste appui au secteur privé du département Climat des Investissements du Groupe Banque Mondiale « les sûretés constituent l’un des piliers de l’économie moderne du crédit »[13].
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