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Le commonitoire du Bréviaire d'Alaric

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Par   •  6 Décembre 2021  •  Commentaire de texte  •  1 793 Mots (8 Pages)  •  488 Vues

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HISTOIRE DU DROIT

RAPHAEL GRZEGORCZYK

COMMONITOIRE DE L’EXEMPLAIRE OFFICIEL DU BREVIAIRE D’ALARIC ADRESSE AU COMTE TIMOTHEE,

Ed. G. HANEL, LEX ROMANA VISIGOTHORUM, Aalen, 1962

« C’est du Bréviaire d’Alaric que nous tenons le principe fondamental ‘’Nul n’est censé ignorer la loi’’ » affirmèrent Michel Rouche et Bruno Dumézil dans leur ouvrage Le Bréviaire d’Alaric. Aux origines du Code civil, paru en 2008. En effet, ainsi défini comme un ouvrage législatif, le Bréviaire d'Alaric paru en 506 a vocation à remplacer les différentes sources du droit romain en circulation dans le royaume wisigoths alors dirigés par le roi éponyme Alaric II. Ce dernier, qui régna de 484 à 507 sur la presque totalité de l'Espagne, une majorité des territoires au sud de la Loire et sur la plus grande partie de la Provence, entendait par ce processus mettre fin au système de coexistence qui réunissait à la fois les droits romains, gallo-romains et wisigoths sur le même territoire. Dans l’entreprise de cette œuvre législative, le roi a dès lors envoyé à chacun des comtes, chargés d’administrer et de faire appliquer le droit sur une partie de son territoire, une copie de ce bréviaire accompagné d’un commonitoire, c’est-à-dire, une instruction donné par un roi à un envoyé qui doit le représenter. Ici, l’exemplaire du bréviaire est envoyé au comte Timothée, qui reçoit conjointement l’ordre de faire appliquer les lois du bréviaire d’Alaric dans le territoire qui lui est accordé. Or, si comme l’appuyaient Michel Rouche et Bruno Dumézil le Bréviaire semblait être une œuvre législative en apparence, ce commonitoire envoyé par Alaric II rappel qu’en réalité cette entreprise s'inscrit dans une période troublée. En effet, dans le contexte d’un royaume aquitain avorté sur fond de questions religieuses, Alaric II suscite le mécontentement des rois voisins -notamment Clovis, roi des Francs- et la division de sa population. Ainsi, la jonction d’un commonitoire au Bréviaire en 506, appelle à s'interroger sur les motivations d'Alaric II qui pourraient s’inscrire en réalité dans des ambitions politiques et sociales plus larges.

Derrière la présentation formelle d’une œuvre législative, le commonitoire du Bréviaire d’Alaric trahit-il paradoxalement la dissimulation d’une entreprise politique et sociale majeur dans l’œuvre ?

Si la portée législative du Bréviaire d’Alaric présentée dans le commonitoire semble incontestable (I), en réalité elle s’inscrit dans une entreprise politique plus large révélée progressivement au spectre d’un contexte socio-politique troublé (II).

  1. La présentation formelle d’une œuvre législative

        Cette instruction, formelle en apparence, précise avant tout l'utilisation d'un droit romain rationalisé et, prenant elle-même une forme législative, semble révéler incontestablement la dimension législative du Bréviaire d’Alaric.

        A – Une codification des lois romaines

        Dans un premier temps, le commonitoire s’adonne totalement à une dimension législative par la précision de l’utilisation du droit romain, qui semble rejeté. En effet, il semble abroger les lois romaines qualifiées d’ « injustes » (l.5) et d’ « obscures » (l. 6), s’affirmant dès lors comme seule source du droit. Le commonitoire précise en réalité une reprise très large du droit romain par le Bréviaire d’Alaric puisant sa source dans les lois du « Code Théodosien » (l. 2) qui, rédigé en 438 sous l’ordre de l’empereur Théodose II, rassemblait lui-même les lois romaines promulguées depuis 313 sous le règne de Constantin le Grand. Cependant, l’enjeu de ce commonitoire va être d’appuyer la rationalisation de ce droit romain – en somme d’appuyer la dimension législative du Bréviaire. En effet, le contexte d’évolution sociale dans lequel s’inscrit cette œuvre a imposé de nécessaires adaptations législatives et le commonitoire relève cette évolution des notions romaines qui sont désormais triée, clarifiée et « exposée à la lumière d’une meilleure compréhension » (l. 7). Il ouvre ainsi la voie à une révolution juridique et législative majeure à l’époque en permettant aux populations de droit romain de faire usage de ce droit déjà pléthorique, mais désormais mis en harmonie avec le droit goth. A tel point qu’il est même possible de se demander si ce n’est pas le droit goth qui s’est calibré sur le droit romain, constituant un « droit romain vulgaire » (Ernst Levy) en adaptant les usages et coutumes barbares au droit romain en vigueur. Ainsi, cette précision et unification de l’utilisation du droit romain semble présenter le Bréviaire d’Alaric comme une œuvre législative.

        B – La force législative du commonitoire

        Cette dimension législative de l’œuvre est d’autant appuyée que le commonitoire prend lui-même la forme d’une loi. En effet, par cette instruction, Alaric II désigne Timothée comme l’un des applicateurs du Bréviaire et réaffirme dans un même temps la structure hiérarchique de son royaume. Si Anianius est qualifié d’ « homme honorable » (l. 20), ce titre le place au-dessus de Goiaricus désigné comme « homme illustre » (l. 3) du latin vir illuster, lui assurant la subordination du spectabilis vir qu'est Timothée. A cette époques, les comtes tel que Timothée sont ainsi les chefs locaux de l’administration, titulaires d’un titre de noblesse qui remonte aux premiers empereurs romains, auxquels Alaric va faire recours afin qu’ils appliquent les lois du Bréviaire dans leur territoire respectif : : « Il t’appartient donc de veiller à ce que dans ta juridiction, aucun loi ni aucune autre formule de droit ne puiss être alléguée ou reçue » (l. 16). Mais le commonitoire va définitivement prendre une forme législative en appliquant une contrainte à la réalisation de cette tâche, menaçant le comte d’être « remplacé dans tes fonctions, au péril de ta tête ou au dommage de tes facultés » (l. 17). Ce découpage administratif répondant ainsi du domaine de la loi, le commonitoire préfigure le caractère législatif du Bréviaire.

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