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La révolution légicentriste

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Par   •  10 Novembre 2021  •  Cours  •  22 363 Mots (90 Pages)  •  441 Vues

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Chapitre III – La révolution légicentriste

Le présent chapitre porte sur une période très riche en événements. Il s’agit de la période de la Révolution, du consulat et de l’Empire, soit entre 1789 et 1799 la Révolution et entre 1799 et 1815 le Consulat et l’Empire.

Au début de l'année 1789, les cahiers de doléances étaient encore partagés par les aspirations à l'unité du droit et l'attachement aux particularismes locaux.

Suite à la métamorphose des États généraux en Assemblée nationale constituante, l'abolition des privilèges (4 août 1789) et la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (26 août 1789) marquent l'avènement du règne de la loi avec ses caractères nouveaux d'omniscience et d'uniformité.

Les Constituants sont, en majorité, favorables à une codification du droit privé qui correspond à leur projet rationnel de régénération de la nation par le législateur. Mirabeau s'était intéressé à la codification prussienne et Siéyès avait défini la nation comme un « corps d'associés vivant sous une loi commune et représentés par la même législature ».

A la distinction opérée entre droit politiques et droits civils devait logiquement correspondre la rédaction parallèle d'une constitution et de codes de lois. Ainsi, la Constitution de 1791, reprenant un article de la loi judiciaire des 16-24 août 1790, affirmait dès son titre premier :

«Il sera fait un Code de lois civiles communes à tout le royaume».

Mais la Révolution, au moins dans sa première phase, qui s'achève avec la chute de Robespierre le 9 thermidor an II, a été le temps de l'idéologie, de l'utopie.

Idéologie qui s'inspire, en le déformant, en le gauchissant, de l'esprit des « Lumières », des idées émises par les « Philosophes » du XVIIIè s., Montesquieu, Voltaire, Diderot, Mably, Rousseau, en elles-mêmes diverses et contradictoires, mais qui ont donné naissance à un fond d'opinions moyennes relativement cohérentes, à un sentiment diffus répandu dans les milieux cultivés, l'« esprit du siècle ».

Réformiste à défaut d'être révolutionnaire, l'« esprit du siècle » plaçait toute sa confiance dans la raison abstraite, rejetait les croyances, les traditions, l'expérience du passé, ravalés au rang d' « abus », de « préjugés » inutiles et nuisibles.

Utilitariste, pour certains matérialiste, cet esprit du siècle exaltait le progrès et faisait du bonheur, ramené à la satisfaction des sens, le but suprême des sociétés humaines. Il voyait dans

ces sociétés non des corps naturels modelés par l'histoire mais des mécanismes artificiels, des horloges construites par une sorte d'ingénieur social selon des principes purement rationnels.

Si ces idées ne peuvent suffire à expliquer la Révolution, si celle-ci fut bien autre chose que leur simple mise en œuvre, il est cependant incontestable qu'elles ont pesé sur les transformations de la forme et du fond du droit. Transformations qui ont touché les sources : au pluralisme juridique a succédé un monisme radical, au moins en intention, reposant sur la loi.

Appliqués au droit, le rationalisme et l'utilitarisme de l'« esprit du siècle » ont contribué à élever la loi et à dévaloriser les autres sources.

Ici, seront envisagés tout d’abord le triomphe de la loi (section 2), puis les codifications (section 2).

Section 1 – Le triomphe de la loi

Montesquieu et Rousseau ont placé la loi au centre de leurs réflexions politiques. Pour les esprits « éclairés» » elle apparaissait comme le pur produit de la raison, de la volonté, à l'inverse des coutumes dont les origines incertaines, la diversité et la complexité constituaient les preuves manifestes de l'irrationalité. Pour Diderot, pour Rousseau et ses nombreux disciples, elle était l'expression de la volonté générale, présumée irréfragablement bonne et infaillible.

Traduites en actes, ces idées ont conduit au légicentrisme absolu, tempéré seulement par le poids des réalités et l'impuissance des révolutionnaires à codifier le droit.

§ 1 – L’influence des Lumières

La révolution légicentriste, qui place la loi au centre, comme seule source du droit, est causée par le courant intellectuel européen des Lumières. D’abord réservées à une élite peu nombreuse, ces idées se répandent, profitant du relâchement de la censure sous Louis xvi et du perfectionnement des instruments de diffusion de la pensée, grâce à des techniques comme celle de l’impression et grâce à la tenue de salons, d’académies, etc.

Ces idées trouvent un écho favorable dans la bourgeoisie, c’est-à-dire la partie aisée du Tiers-État. Cultivée, riche, détentrice des leviers de l’économie, la bourgeoisie se sent à l’étroit dans une structure sociale sclérosée qui, face aux ordres privilégiés, la confond avec les masses laborieuses dans le Tiers-État. Elle critique le régime absolutiste et souhaite des réformes, notamment pour l’économie.

Or, une seule source du droit exprime cet espoir réforme : la loi. Seule la loi possède les atouts pour changer le monde, pour l’organiser conformément à la raison, contrairement aux coutumes qui sont là pour préserver la tradition et les droits des nobles, des seigneurs et du clergé. Le levier, l’instrument de ces réformes, ce sera la loi.

En effet, selon les philosophes des Lumières, la loi possède des atouts spécifiques par rapport aux autres sources : elle est l’expression de la « raison » et du « progrès », par opposition aux autres sources – et en particulier la coutume - qui ne sont pas pensées mais sont le résultat de l’histoire et de la tradition, de l’habitude.

Une fois établi que la loi doit être la seule source du droit, il reste à déterminer quel organe va être légitime pour l’exprimer. Qui sera l’auteur de la loi ? Les philosophes établissent que ce doit être le peuple, qui doit devenir le peuple législateur et remplacer le prince législateur. Mais qui va exprimer la volonté du peuple législateur ? Un sage législateur ? Une assemblée ? Le roi ET l’assemblée ? Telles sont les questions auxquelles ont réfléchi les philosophes des Lumières.

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