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La Lettre à Charlemagne d'Alcuin

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Par   •  3 Avril 2022  •  Commentaire de texte  •  3 224 Mots (13 Pages)  •  615 Vues

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Commentaire HDI séance 7

Alcuin, Lettre à Charlemagne, juin 799.

C’est à la fin du VIIIème siècle que cette lettre est rédigée, c’est-à-dire au cours de la dynastie des Carolingiens, plus précisément sous le règne de Charlemagne, fils de Pépin le Bref.

Cette dynastie succède à celle des Mérovingiens, fondée par Clovis à la fin du Vème siècle. Ces Carolingiens ont pris le pouvoir au cours d'un processus par étapes. En effet, le passage d’une dynastie à l’autre les rend dans un premier temps contestés, et ce n’est qu’après un long processus que la dynastie est enfin reconnue comme légitime. Dans un premier temps, Charles Martel, maire du palais du roi mérovingien, gagne un prestige exceptionnel après avoir stoppé les musulmans à Poitiers en 732. Après la mort du roi de l’époque, il ne lui cherche pas de successeur, assurant donc le bon fonctionnement du royaume sans chercher à prétendre au titre de roi. Ce sont ensuite ses deux fils Carloman et Pépin qui assurent ce rôle, en plaçant toutefois un mérovingien sur le trône: Childéric III. Pépin se retrouve seul dans son rôle et procède à un coup d'État en 751. Il réussit à asseoir sa légitimité grâce à une habileté politique remarquable, notamment grâce au soutien de l’Eglise. Il se fait par exemple sacrer deux fois, dont une deuxième avec ses fils, afin de véritablement fonder une race royale: la dynastie carolingienne. Celle-ci règne pendant un peu plus de deux siècles. Les Carolingiens sont conduits par leur politique, incarnée par la personne de Charlemagne, le fils de Pépin, à poursuivre un processus d’unification de l’occident, avec notamment le soutien de l’Eglise. Charlemagne sauvegarde l’unité du royaume, et procède à une série de conquêtes, qui étendent la domination des Francs au-delà des frontières du royaume mérovingien. De plus, à l’époque, une véritable renaissance culturelle se crée autour de la personne de Charlemagne: des hommes de lettres le conseillent, et lui établissent une politique très ambitieuse. Ils développent une conception théocratique du pouvoir royal, et l'incitent à reprendre l’héritage impérial romain.

C’est notamment le cas d’Alcuin, qui est un clerc anglais originaire de Northumbrie. Né vers 732, il devient le chef de l’école cathédrale d’York. Après un voyage à Rome, il rencontre Charlemagne qui est frappé par son intelligence et lui propose le poste de chef de l’école du palais d’Aix la Chapelle, qu’il accepte. Ce n’est pas le seul, Charlemagne s’entoure d’un cercle de lettrés, d’une véritable académie palatine. Alcuin développe en particulier l’idéologie impériale pour les rois Francs, et inspire la restauration de l’Empire à Charlemagne, dans une lettre datant de juin 799. C’est plus d’un an et demi avant le couronnement de Charlemagne en tant qu’empereur d’Occident. Alcuin est en effet le conseiller le plus proche du roi, et ses conseils ont une influence sur celui-ci.

Dans cette lettre, il dépeint la situation actuelle du monde, notamment les différentes personnalités à sa tête. Il expose en particulier la faiblesse des grandes puissances habituelles régnant sur les différentes parties du monde, du moins ce qu’ils en connaissent, et compare cette faiblesse avec la puissance grandissante de la royauté carolingienne, incarnée en la personne de Charlemagne. Il en profite pour rappeler le rôle de guide de la chrétienté de celui-ci, et sous-entend que cette situation est idéale pour restaurer un Empire d’Occident, dans une démarche toujours universaliste et d’évangélisation.

Comment Alcuin présente-t-il Charlemagne comme la seule autorité capable de rétablir la chrétienté en Occident?

Après avoir constaté la supériorité de Charlemagne sur les autres puissances du monde (I), Alcuin l’incite implicitement à affirmer son autorité en rétablissant un Empire romain d’Occident (II).

I. La supériorité de Charlemagne sur les autres puissances du monde

Alcuin présente ici les autorités qui sont à leur plus bas, dans un premier temps la papauté qui est contestée et demande son aide au roi Franc (A), et dans un deuxième temps le pouvoir impérial de Constantinople, qui est remis en question après une prise de pouvoir de l’ancienne mère régente (B).

A) Une papauté contestée et humiliée

La première est celle du pape, qui est à la tête du monde chrétien. Il rappelle que “Jusqu’alors, trois personnes ont été au sommet de la sublimité apostolique, vicaire du bienheureux Pierre, prince des apôtres dont il occupe le siège”. Le pape est donc le descendant de Saint Pierre, un des douze apôtres du Christ et sûrement le plus connu, car il a chargé celui-ci de “bâtir son Eglise”: c’est donc un rôle de chef de l’Eglise chrétienne que remplit le Pape, une fonction ou plutôt un véritable apostolat sacré. Le terme de “sublimité apostolique” montre la sacralité de cet apostolat, l’importance et le respect en général que portent les Francs chrétiens à ce titre. Trois papes ont donc déjà rempli cet apostolat à l’époque d’Alcuin: il a connu Étienne III, Hadrien Ier, et le pape titulaire de cette fonction à son époque est Léon III. Léon III est pape de 795 à 816. Cependant, sa légitimité est fortement contestée. Tout d’abord, il est l’objet de rumeurs sur sa moralité. De plus, il n’est pas descendant de la plus haute aristocratie romaine, comme tous les papes jusque-là. Il manque donc de légitimité aux yeux de beaucoup de personnes, notamment la famille de son prédécesseur Hadrien Ier, qui tente de récupérer le pouvoir. Son statut est véritablement remis en question lors d’un événement funeste: “Ce qui est advenu au détenteur actuel de ce siège, votre bonté a pris soin de me le faire savoir.” Le 25 avril 799, il est victime d’un attentat par la famille de ce dernier: on tente de lui crever les yeux, de lui couper la langue, sans pour autant l’assassiner. Les assaillants veulent le forcer à abdiquer. Léon s’échappe, et est accueilli par Charlemagne, qui l’écoute et ordonne qu’il soit reconduit à Rome. Il ordonne également qu’une enquête soit menée, en tant que patrice des romains. En novembre 800, il se rend à Rome lui-même, et est reçu selon protocole réservé à l’empereur, ce qui montre les conceptions déjà ancrées dans les esprits d’un Charlemagne empereur romain. Il préside un concile à Saint-Pierre, une assemblée d'archevêques, d'évêques,

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