L'immunité de l'Etat, un principe révolu?
Dissertation : L'immunité de l'Etat, un principe révolu?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar motnt27 • 7 Avril 2017 • Dissertation • 2 758 Mots (12 Pages) • 2 158 Vues
L'immunité de l’État, un principe révolu?
"Par in parem non habet imperium", qui signifie qu'un État ne saurait être jugé par son égal, est à la base du principe d'immunité des États. Celui-ci est rattaché aux principes d’indépendance, de souveraineté et d’égalité des États.
Ce principe peut être défini comme "l’obligation faite à un État donné, en vertu du droit international public de ne pas exercer sa juridiction, entendue comme l'ensemble de ses compétences internes, contre un État étranger". Il consiste donc en une exemption pour les États afin d'échapper à des procédures judiciaires relevant du droit commun.
Il est cependant nécessaire de distinguer l’immunité de juridiction, qui a pour effet de soustraire le bénéficiaire de l’immunité à la compétence des tribunaux nationaux, et l’immunité d’exécution qui permet à son bénéficiaire d’échapper à toute contrainte résultant de l’application d’un jugement.
Ce principe trouve son fondement dans le respect dû aux souverainetés. Jusqu'à la fin du 19e siècle l'immunité était absolue, aucune instance ne pouvait être introduite contre un État étranger. La disparition de la conception absolutiste de l'immunité de juridiction s'est faite en concomitance avec la diversification des fonctions étatiques, en particulier commerçantes. Les immunités font de plus l'objet de nombreuses critiques, amplifiées par le développement du droit pénal international et la multiplication des procédures pour crimes internationaux.
En droit français, ce principe a été posé pour la première fois par la Cour de cassation dans un arrêt du 22 janvier 1849 "Gouvernement espagnol c. Lambeze et Pujol" et relève toujours de l'appréciation des tribunaux. La réglementation de l'immunité d'exécution a, quant à elle, toujours été plus stricte. La Cour de cassation, dans son arrêt "Veuve Cartier-Terrasson" en 1885, lui reconnaissait ainsi toujours un caractère absolu. C'est en 1929 que la France est définitivement passée d'une conception absolutiste à une conception relative des immunités.
Si la matière est historiquement régie par des règles coutumières, ces règles ont depuis été reprises dans diverses conventions. Celle des Nations Unies de 2004 reste cependant un texte exhaustif à ce jour, n'ayant pas été adoptée par suffisamment d’États. Le caractère restreint des immunités continue surtout à se développer avec des règles jurisprudentielles de droit interne.
Peut-on aller jusqu'à considérer ce principe, de par le passage d'une immunité absolue à une immunité relative et des récentes restrictions en la matière, comme appartenant au passé?
Si l'on constate bien une tendance à la restriction du principe d'immunité des États (I), une ligne plus conservatrice est également maintenue, notamment en matière de droits de l'homme (II).
I La tendance restrictive au principe d'immunité des États
Le développement de l'immunité relative a impliqué une évolution restrictive des immunités de juridiction et d’exécution en droit interne (a). Cette évolution a pris un tournant radical avec la remise en cause de l'immunité de juridiction par la loi JASTA ("Justice Against Sponsors of Terrorism Act") aux États-Unis (b).
a) L'évolution des immunités de juridiction et d’exécution
Le caractère restreint de l'immunité de juridiction est fondé sur la distinction entre les activités souveraines de l’État, pour lesquelles il bénéficie toujours de l’immunité, et les activités de gestion de celui-ci pour lesquelles il n’est pas protégé.
Cette immunité s’est ainsi cantonnée aux seules activités de puissance publique.
La distinction a été admise pour la première fois en France par la Cour de cassation le 19 février 1929 dans l'affaire "URSS c. Association France Export".
Il revient au juge d'opérer la distinction entre ces activités et l'accord ou non de l'immunité.
En droit du travail, par exemple, la Cour de cassation a jugé le 20 juin 2003, dans l'affaire "Mme Soliman c. École saoudienne de Paris", que l'État saoudien ne pouvait se prévaloir du principe d'immunité pour ne pas déclarer à un régime français de protection sociale, le professeur qu'il avait engagé, considérant cet acte comme un acte de gestion. Cet arrêt a de plus participé à l'amélioration de la délimitation de l'immunité de juridiction en retenant implicitement que la participation à l'exercice de la souveraineté d'un État peut être jugée par sa nature comme par sa finalité. L'immunité est en générale retenue pour des actes relatifs aux conditions de travail des agents exerçant des fonctions à caractère plus politique mais pas pour les salariés qui exercent des fonctions n’impliquant pas de responsabilité particulière.
La jurisprudence interne de la Grèce est allée plus loin avec l'arrêt de la Cour suprême grecque du 4 mai 2000 relatif au massacre de la population du village de Distomo en 1944 par les troupes allemandes. Celle-ci a refusé d’accorder l’immunité pour des actes de souveraineté au motif, qu’en violant les règles impératives du droit international, l’Allemagne avait renoncé tacitement à son immunité. L'exécution du jugement a été refusée et la tentative de faire échec à l’immunité des États pour des actions en réparation de crimes de guerre s’est révélée infructueuse. La Cour de cassation italienne, dans son arrêt "Ferrini" du 11 mars 2004, s'est fondée sur ce précédent, à propos d'une action civile intentée par un ancien déporté de la 2nd guerre mondiale, en déclarant exécutoires les décisions des juridictions grecques prononçant des condamnations civiles à l’encontre de l’Allemagne. La Cour Internationale de Justice finira par donner raison à l’Allemagne le 3 février 2012. Ces précédents ne permettent pas d’ignorer l’immunité des États mais démontrent que la règle de l’immunité de juridiction est de plus en plus contestée.
L’immunité d’exécution des États, qui interdit l’exercice des voies d’exécution, suit l’évolution générale du droit des immunités mais reste plus compliquée à restreindre que l'immunité de juridiction. En effet, l'atteinte à l'indépendance matérielle
...