Existe-t-il une notion de service public ?
Dissertation : Existe-t-il une notion de service public ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar mercicaca • 28 Février 2022 • Dissertation • 2 401 Mots (10 Pages) • 564 Vues
TD 12 – droit admin
Sujet : Existe-t-il une notion de service public ?
Le juriste Duguit affirmait « De deux choses l’une, ou une activité est un service public ou elle ne l’est pas. Si elle est un service public, elle a toujours les mêmes caractères ; toutes les conséquences qui se rattachent à ce qu’elle est un service public doivent s’appliquer ». Cependant cette conception du service public n’est plus d’actualité. En effet, les évolutions de la société et du droit administratif ont fait du service public une notion souple au régime pluriel.
Selon René Chapu, le service public se définit comme une activité d’intérêt général maîtrisé par une personne publique. Certains auteurs rajoute également comme condition le régime exorbitant, c’est-à-dire la soumission aux « lois de Rolland » du service public via l’utilisation de prérogatives de puissances publiques. Aussi, il n’existe pas de définition unanime, absolue, de ce qu’est le service public : cette notion, bien qu’ayant un rôle crucial, et malgré son utilisation constante n’est définie, ni légalement, ni jurisprudentiellement.
La notion de service public a été mise en lumière à la fin du 19e s par Léon Duguit avec l’École du service public, lequel en a fait un fondement de droit administratif. En effet, la finalité globale de l’action des personnes publiques présente une originalité forte : l’intérêt général, les personnes publiques agissant dans la plupart des cas dans l’intérêt de la collectivité. Cette finalité, étrangère au secteur privé, explique et justifie tout le droit administratif. De cette spécificité d’objectif, découle un régime juridique particulier. Toutefois, cette théorie fût mise à mal par l’évolution jurisprudentielle, notamment certains arrêts tels que l’arrêt du Conseil d’Etat Vezia de 1935, admettant que des personnes privées puissent avoir des activités d’utilité publique, ou l’arrêt du Bac d’Eloka du Tribunal des conflits de 1921 instituant un régime binaire des service publics, certains soumis au droit privé.
Aussi, la conception de service public a évolué n’est pas unique et a évolué au cours du temps. Ainsi, la question « existe-t-il une notion de service public » renvoyant à l’idée d’une unique définition et régime doit se répondre par la négative. Toutefois, il convient de s’intéresser aux fondements de cette théorie du service public et aux besoins de son évolution.
Dès lors, en quoi la souplesse de la conception de service public permet-elle de suivre les objectifs du droit administratif ?
Il s’agira d’étudier une définition de service public caractérisée par la diversité (I), puis son régime souple répondant aux évolutions des besoins du droit (II).
Unité apparente -> diversité
- Diversité de la notion de service public, reflet des caractères du droit administratif
La définition du service publique a évolué au fil du temps, son fondement se basant sur les caractéristiques du droit administratif (A), et aboutissant à une variabilité des activités du service public (B).
- Fondement de la théorie
Duguit et l’École du service public font du fondement de la notion de service public les caractéristiques du droit administratifs, notamment la mission d’intérêt général. Gaston Jèze aida aussi théoriquement à la construction du service public et à justifier le régime juridique spécifique de ces activités. Cherchant à affirmer l’autonomie du droit administratif, ces auteurs ont donc lié son existence à la finalité extraordinaire de l’action administrative : le service public. Leur démonstration s’appuie sur une relecture littérale et tardive de l’arrêt Blanco du Tribunal des conflits de 1873. Ainsi, au début du XXème siècle, s’est développé un courant doctrinal qui considérait qu’il fallait déduire de la position du Tribunal des conflits que le service public était la clé d’explication du droit administratif. Reposant selon eux sur une notion propre, étrangère à la sphère privée, le droit administratif ne devait plus être présenté comme dérogatoire au droit privé. L’intérêt pour ces auteurs était de légitimer le droit administratif, de lui assigner une fonction au service public et de justifier ses moyens exorbitants. Cette école a toutefois eu le mérite de révéler le rôle fondamental de la notion de service public en droit public français.
Toutefois, la pensée de cette école fût très vite mise à mal par certains éléments qui démentaient déjà l’application exclusive du droit administratif au service public. En effet, dans un arrêt du Tribunal des conflits de 1921, Bac d’Eloka, ce dernier a développé la catégorie des Services publics industriels et commerciaux (SPIC), soumis par principe au droit privé. Il y eu ainsi une « crise du service public », controverse doctrinale par rapport au sens du service public, se demandant si cette notion était encore pertinente au vu de l’apparition de ces nouvelles catégories de service public. Cette crise aboutit dans les années 1960 à l’adoption de nouveaux critères du service public, lesquels sont donnés dans un arrêt du Conseil d’Etat de 1963, Narcy. Par ailleurs, cette notion de service public fût aussi fragilisée par le développement de l’Union européenne, ayant comme objectif d’assurer une libre circulation au sein d’un espace unique. Or, à cette époque, de nombreuses entreprises avaient des activités importantes et ne pouvaient pas, jusque-là bénéficier de la libre circulation et de la libre concurrence. Ceci provoqua des tensions sous-jacentes avec la nécessité de mettre un terme aux monopoles étatiques et libéraliser les services publics.
Aussi, la période des années 1990 est une période de crispation caractérisée par la crainte que l’Union européenne ne détruise le service public. Ainsi, les fondements du service public sont toujours remis en question aujourd’hui dans le cadre d’une économie capitaliste.
- Variabilité des activités
Cette recherche de fondement de la notion de service public a pour avantage d’en faire une conception évolutive et variable, ce qui permet de répondre aux besoins de la population, ce correspond à la mission d’intérêt général du droit administratif. En effet, dans tous les pays et depuis longtemps, la puissance publique prend en charge certains besoins de la population. Et, dès qu’un État apparaît, il y a reconnaissance de cet État par le fait qu’il exerce un certain nombre de missions de service public, les services publics régaliens : justice, police (sécurité intérieure), défense (sécurité extérieure), impôt, diplomatie. Ainsi, certaines activités de service public sont assez stables, ce sont notamment les services publics régaliens, mais au-delà de ceux-là, d’autres services publics sont plus évolutifs. Voilà aussi pourquoi le Conseil d’Etat ne s’est jamais risqué à donner une définition du service public : cela laisse une certaine marge de manœuvre dans l’attribution de la qualité de service public à certaines activités.
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