Dissertation : vers un ordre public immatériel?
Dissertation : Dissertation : vers un ordre public immatériel?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Carla De Paoli • 12 Novembre 2019 • Dissertation • 1 885 Mots (8 Pages) • 1 936 Vues
TD 1 : Droit administratif
Dissertation : Vers un ordre public immatériel ?
Selon l’article 10 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen : « Nul ne peut être inquiété pour ses opinions , même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ». Outre le fait que sont consacrées ici la liberté d’expression et la liberté religieuse, l’article nous pose le principe que ces deux libertés fondamentales se doivent de respecter l’ordre public. L’ordre public apparait alors comme la seule limite aux libertés individuelles.
Il est définit par les textes. Les éléments constitutifs de l’ordre public sont cités à l’article L2212-2 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) tiré de la loi de 1789 sur les communes. Celui-ci dispose que « la police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sureté, la sécurité et la stabilité publique ». Cet ordre public est alors garanti en pratique par la police administrative qui est définie comme toutes les mesures prises par une autorité de police afin de préserver l’ordre public. De plus le terme « immatériel » renvoie à tout ce qui n’est pas constitué de manière tangible.
Ces éléments constitutifs ont beaucoup évolué au cours du temps. Ce qu’était moralité en 1789 n’est plus la moralité d’aujourd’hui, tout comme les considérations environnementales, rattachées à la salubrité publique, qui sont aujourd'hui beaucoup plus prises en compte. Il existe alors une constante évolution dans les éléments qui rentrent, ou non, dans l’ordre public. Mais cette évolution pose problème d’un point de vue juridique puisque ces éléments constitutifs de l’ordre public restent assez vastes. Il convient alors au juge administratif de déterminer souverainement, dans chaque cas, s’il s’agit d’un acte relevant d’une des composantes de l’ordre public ou non.
Il conviendra de se demander quels sont les éléments matériels et immatériels de l’ordre public? Quels sont aujourd'hui les évolutions qu’a connu l’ordre public dans ses composantes? Et quelles sont les garanties de la préservation des libertés individuelles face aux mesures de police administrative mises en place pour le maintient de l’ordre public?
Dans un premier temps, nous verrons les composantes classiques de l’ordre public, puis nous analyserons les évolutions qu’a connu celles-ci ainsi que les garanties du respect des libertés individuelles.
I. Les éléments classiques composant l’ordre public
L’ordre public est défini dans le Code général des collectivités territoriales comme ayant quatre composantes. Les trois premières d’entre elles citées à l’article 2212-2 sont des éléments matériels (A). La quatrième, quant à elle, est la seule composante immatérielle de la définition (B).
La sécurité, la salubrité et la tranquillité : le triptyque traditionnel formant la notion d’ordre public
L’article 2212-2 du CGCT définit les composantes matérielles de l’ordre public comme étant la sécurité, la salubrité et la tranquillité.
La sécurité est l’idée que les citoyens ne doivent pas vivre dans la crainte par rapport à leur intégrité physique et à leurs biens. C’est ici le rôle que la police administrative va jouer. Elle va veiller à ce que chaque citoyen vive dans la sécurité. Son rôle n’est pas répressif mais il est ici préventif. La sécurité se manifeste dans des mesures de police administrative qui seraient par exemple les couloirs de bus présents dans la ville, garantie de sécurité à la fois pour les conducteurs comme pour les cyclistes.
De plus, on trouve comme composante matérielle, la salubrité. C’est ici le fait de s’assurer que les administrés ne vont pas tomber malade par manque d’hygiène. Les mesures de police en matière de salubrité sont nombreuses et variées. Il peut à la fois s’agir d’interdiction de chiens errants sur la plage, comme des mesures de dératisations ou de ramassage des ordures ménagères.
Enfin, la dernière composante matérielle est la tranquillité. Son but serait par exemple d’éviter les troubles de rue ou toutes autres nuisances sonores. De nombreux textes ont été consacrés aux troubles que causaient pour certains habitants les cloches des églises. Le juge va alors interpréter la situation en fonction de la volonté des administrés et les traditions locales.
Ces trois composantes de l’ordre public ont un point en commun : ce sont les composantes matérielles traditionnelles de l’ordre public. Mais une quatrième composante a été consacrée par les textes : il s’agit de la moralité, élément immatériel.
La moralité, la composante immatérielle de l’ordre public consacrée dans les textes
La moralité, malgré le fait qu’elle n’ait pas toujours été considérée comme une des composantes traditionnelles de l’ordre public, a désormais été consacrée dans les textes. En effet, selon l’alinéa 6 de l’article 2212-2 du CGCT, la moralité fait désormais partie intégrante des éléments constitutifs de l’ordre public. Elle peut être définie comme un ensemble de valeurs, de devoirs qu’une société se donne et qu’elle peut imposer à la conscience individuelle et collective. À l’analyse, l’idée est d’interdire toute activité qui pourrait choquer un « individu moyen » (bonnus pater familias). La moralité est une composante immatérielle, c’est pourquoi il est très récurrent de faire référence à des circonstances locales.
La véritable consécration de la moralité au sein de l’ordre public provient de la jurisprudence et de l’arrêt du Conseil d’État du 18 décembre 1959, « Société des films Lutécia ». Cet arrêt est l’objet d’un film sorti en 1954 s’intitulant « Le feu dans la peau » ayant une dimension érotique non cachée. Les habitants de la ville de Nice, choqués, poussent le maire à interdire le film dans la commune. Or, ce film avait reçu du ministre de la culture, un visa d’exploitation (étant une mesure de police administrative spéciale) permettant au film d’être diffusé sur tout le territoire national. Le Conseil d’État
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