Conseil d'Etat et séparation des pouvoirs
Dissertation : Conseil d'Etat et séparation des pouvoirs. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar emmasba • 23 Mars 2021 • Dissertation • 2 715 Mots (11 Pages) • 583 Vues
Subra de bieusses Emma
Dissertation : Le Conseil d’Etat et la séparation des pouvoirs
La participation du Conseil d’Etat au débat politique en tant que conseiller du gouvernement a pu s’illustrer à travers le projet de loi de moralisation de la vie publique porté par Francois Bayrou. Ce projet de loi est une illustration du positionnement délicat du Conseil d’Etat dans la fabrique de la loi. Ainsi, dans le cadre du projet de loi sur la moralisation publique, le Conseil d’Etat a émis un avis favorable tout en émettant des réserves, notamment sur le titre du projet de loi. Cependant, Francois Bayrou avait indiqué qu’il ne tiendrait pas compte de l’avis du Conseil d’Etat. C’est là l’une des limites constitutionnelles du rôle de conseiller de l’institution, l’avis du Conseil d’Etat n’est en principe que consultatif.
L’origine du Conseil d’Etat est ancienne, il est l’une des institutions héritières de la Curia régis qui, constituée de grands personnages proches du Roi, assistait celui-ci dans le gouvernement du royaume au Moyen-Age. C’est avec la Révolution française que le Conseil d’Etat revêt son aspect actuel sous l’impulsion des révolutionnaires défenseurs d’une séparation des pouvoirs. En effet, en 1790, l’Assemblée constituante décide que l’administration ne doit plus être soumise à l’autorité judiciaire; les affaires relatives à la puissance publique doivent être nécessairement examinées par une juridiction particulière. Le Conseil d’Etat est alors institué avec l’article 52 de la Constitution du 13 décembre 1799 en qualité d’instance administrative mais aussi en tant que juridiction. Cependant c’est réellement la loi du 24 mai 1872 qui donne au Conseil d’Etat sa forme actuelle. C’est à cette même période que le juge administratif commence à fixer les grands principes du droit administratif français contribuant à la construction de l’Etat de droit en France. Le Conseil d’Etat s’est donc progressivement affirmé comme garant des libertés et du bon fonctionnement de l’administration à travers la conciliation des intérêts publics et de ceux des justiciables. Il est aujourd’hui la plus haute juridiction administrative en France en ce qu’il est le juge de cassation des arrêts des cours administratives d’appel, mais également compétent pour connaitre en premier et dernier ressort des litiges tel que les recours en excès de pouvoir dirigés contre des décrets. Il est également habilité en tant que conseiller du gouvernement aux termes des articles 38 et 39 de la Constitution. La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 permet la saisine pour avis du Conseil d’Etat par le Président de l’Assemblée nationale ou du Sénat de toute proposition de loi. Son rôle de filtre dans la procédure de la question prioritaire de constitutionnalité est également essentiel. Cette révision à d’autre part confirmer ce rôle de défenseur du bon fonctionnement de l’administration en établissant une stricte séparation entre les formations consultatives et les formations juridictionnelles du Conseil.
Les deux théories classiques les plus célèbres ayant posé les fondements doctrinaux de la séparation des pouvoirs sont celles de Locke et Montesquieu. Ils ont tout deux posé l’idée d’une séparation ordonnée des pouvoirs comme fondement de la liberté civile et politique. Montesquieu à quant à lui, au travers de l’analyse qu’il fit de la constitution d’Angleterre dans L’Esprit des lois, affirmé que la séparation des trois « puissances », ainsi qu’il les nommait, est le fondement de la liberté. Ainsi, ce principe de séparation a été consacré par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Hommes et du citoyen en ce qu’il est nécessaire dans une société démocratique. « La conception française de la séparation des pouvoirs » est quant à elle issue de la décision rendue le 23 janvier 1987 par le Conseil Constitutionnel, se distinguant ainsi de la théorie classique. En effet, cette décision a octroyé au pouvoir législatif et au pouvoir exécutif un rôle de contrôle des juridictions judiciaires, pouvoir qui sera progressivement élargit. De fait, cette conception française de la séparation des pouvoirs est donc associée à l’existence d’une dualité de juridictions dans notre système institutionnel. Il est davantage question aujourd’hui d’une collaboration des pouvoirs.
Ainsi, dans la vision française, la justice n’est pas considérée comme un pouvoir politique mais plutôt comme un ensemble d’institutions indépendantes des forces politiques qui le détiennent. Cette autorité est exercée au nom du peuple français. De fait, le Conseil d’Etat de par sa double fonction, juridictionnelle et conseiller du Gouvernement, doit trouver un équilibre dans le but de faire respecter le droit tout en fluidifiant l’action de l’Administration. Néanmoins, le Conseil d’Etat est un organe très proche du Gouvernement ce qui peut parfois questionner sur le respect de cette séparation des pouvoirs et la non ingérence de cette organe juridictionnel au sein de l’exécutif. Dans les faits, le respect de la séparation des pouvoirs n’est pas aisé, ne serait-ce en raison des actes de gouvernement qui échappent au contrôle du juge administratif tel que les actes de gouvernement.Il y a donc une ambiguïté du rôle du Conseil d’Etat de part sa double fonction qui peut rendre difficile la conciliation de différents objectifs.
Les relations étroites qu’entretient le Conseil d’Etat avec l’exécutif de par sa fonction de conseil peut conduire à s’interroger sur la façon dont ce dernier peut assurer un respect effectif de la séparation des pouvoirs aussi bien au travers de sa fonction consultative que judiciaire. Quels sont les moyens mis en place pour veiller au respect de la hiérarchie des normes et contrôler l’action de l’administration, pouvoir charnière entretenant des relations étroites avec les autres pouvoirs. S’il apparait que le Conseil d’Etat revet un rôle d’arbitre entre les différents pouvoirs au service du respect de la hiérarchie des normes (I) cet organe doit également concilier les différentes attributions relatives aux trois différents pouvoirs (II)
I. Le Conseil d’Etat : un arbitre entre les différents pouvoirs au service du respect de la hiérarchie des normes
En tant qu’arbitre, le Conseil d’Etat établit deux types de contrôle. Si le contrôle relatif aux actes administratif issu de l’exécutif est certain et assumé (A), il n’en demeure pas moins flou et partagé concernant les actes législatifs (B)
A. Un contrôle certain et assumé à l’égard des actes de l’exécutif
- La détermination de la qualité de la juridiction administrative repose en effet sur un critère matériel qui est la nature des litiges soumis à la juridiction. Un arrêt d’assemblée du 7 février 1947 fonde la compétence du Conseil d’Etat en consacrant le principe selon lequel pour être une juridiction administrative, celle-ci doit être saisie d’une question de droit public. L’indépendance de ces juridictions vis à vis des pouvoirs législatif et exécutif a été érigé en principe constitutionnel dans une décision du 22 juillet 1980. Ainsi le Conseil d’Etat est la juridiction suprême de l’ordre administratif ayant une double fonction. Le Conseil d’Etat est avant tout une juridiction, toute décision rendue par une juridiction administrative est susceptible d’être portée devant le Conseil d’Etat par voie de recours.
- Le Conseil d’Etat est également un organe de conseil du Gouvernement dont l’attribution est consultative, bien que son rôle ne lui permette pas d’obliger, ses décisions peuvent avoir une portée morale et influencer le Gouvernement à suivre son avis. En effet, un arrêt rendu le 17 juillet 2013 dit « Syndical national des professionnels de santé au travail » par le Conseil d’Etat affirme que dans le cas ou le Gouvernement était tenu de consulter le Conseil d’Etat pour avis et qu’il ne l’avait pas fait, l’acte serait entaché d’un vice constitutif d’un moyen d’ordre public et ce, même si cet avis ne lie pas le Gouvernement.
- Dans un premier temps la séparation des pouvoirs a pu être remise en cause par l’arrêt d’Assemblée rendu par le Conseil d’Etat le 2 juillet 1982 « Huglot » en ce qu’il consacre le caractère exécutoire des décisions administratives. Ainsi, l’action de l’administration s’exerçait sans aucune contrainte du fait de son autonomie, induisant une absence de contrôle a priori. Cet arrêt offre un privilège exorbitant à l’administration qui sera contrebalancé dans un arrêt d’Assemblée rendu le 17 février 1950 dit « Dame Lamotte ». En effet, cet arrêt érige en principe général du droit la possibilité d’exercer un recours en excès de pouvoir contre les décisions administratives, même sans texte. La consécration de ce contrôle rétablit le principe de séparation des pouvoirs. De plus, la possibilité de recours en excès de pouvoir est même rendue possible pour les personnes morales notamment les associations et ce depuis un arrêt rendu le 28 décembre 1906. De fait, les recours en excès de pouvoir permettent d’invoquer des actes administratifs, et auquel cas, de les annuler lorsqu’ils portent atteinte à des libertés individuelles.
B. Un contrôle incertain et flou des actes législatifs
- Contrairement au contrôle établit du Conseil d’Etat vis à vis des actes administratifs émanant de l’exécutif, le contrôle de la loi par le juge administratif est bien plus incertain et nuancé. En principe, le juge administratif n’est pas le juge de la loi considérée comme « l’expression de la volonté générale ». Dans un arrêt d’Assemblée rendu le 8 février 2007, arrêt Gardedieu, le Conseil d’Etat se refuse à juger le législateur en cas de faute de celui-ci en raison de l’atteinte que cela constituerait au principe de séparation des pouvoirs. Ce contrôle est laissé au Conseil constitutionnel
- Selon la théorie de la loi écran, le juge administratif ne peut pas être le juge de la constitutionnalité des lois en vertu du respect de la séparation des pouvoirs. En effet, la loi en tant qu’expression de la volonté générale ne peut être remise en cause par les juges. Cette limite du contrôle de la constitutionnalité des lois a été posée par le Conseil d’Etat lui même dans l’arrêt de section Arrighi rendu le 6 novembre 1936. En réalité on assiste à un déclin de cette théorie notamment par l’apparition de la QPC suite à la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui vient contourner la loi-écran car le Conseil d’Etat s’est vu confié la mission de filtrer ces questions de constitutionnalité. Ce mécanisme permet d’éviter la barrière de l’inconstitutionnalité de la loi.
- Cette théorie de la loi écran a également été remise en cause par la possibilité qui a été reconnue au juge administratif de vérifier que la loi est conforme aux conventions internationales. Le Conseil d’Etat s’est effectivement reconnu compétent pour juger de la conventionnalité des lois dans un arrêt du 20 octobre 1989, l’arrêt Nicolo.
En tant que détenteur du pouvoir juridictionnel, le Conseil d’Etat apparait comme un organe de contrôle des différents pouvoirs au service du respect de la hiérarchie des normes; ce dernier est en effet saisi de toutes les questions de droit public. D’autre part, sa fonction de conseil est essentielle et traduit une réelle collaboration des pouvoirs. Cependant, le Conseil d’Etat doit au delà d’assurer un contrôle, faire face à différents enjeux propres aux trois différents pouvoirs. Le Conseil d’Etat va alors veiller à la bonne application du droit de part sa double fonction, bien qu’il ne doit pas le seul détenteur du pouvoir juridictionnel.
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