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Commentaire de l'article 5 du Code civil

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Par   •  21 Mars 2019  •  Commentaire d'arrêt  •  2 554 Mots (11 Pages)  •  939 Vues

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« Les juges de la nation ne sont que la bouche qui prononce les paroles de la loi, des êtres inanimés, qui n’en peuvent modérer ni la force ni la rigueur. ». Par ces mots, Montesquieu énonce le principe de limitation du rôle du juge, ce dernier n’étant pas capable, selon le philosophe, d’interpréter la loi sans abuser de son pouvoir. Ce principe a été repris à travers l’article 5 du Code civil, relatif à la prohibition des arrêts de règlement. Ce dernier dispose qu’ « il est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises ». Cet article possède un intérêt majeur en droit français, il pose l’interdiction formelle pour les juges d’exercer un pouvoir de conception de règles générales et impersonnelles, cette fonction revient exclusivement aux organes législatifs.

L’article 5, créé par la loi 1803-03-05, appartient au Code civil. On le retrouve dans le Titre préliminaire : De la publication, des effets et de l’application des lois en général.

Le Code civil des Français, plus communément appelé Code civil, a été promulgué en 1804 par l’empereur Napoléon, c’est pour cette raison qu’il est aussi surnommé Code napoléonien. Il regroupe l’ensemble des règles relatives au droit civil c’est à dire, toutes les règles en lien avec les personnes, les biens, la propriété et la sureté. L’objet de ces règles est explicité à travers les cinq livres et cinquante six titres du Code civil. En 2013 est ajouté le cinquième livre, comportant les dispositions applicables à Mayotte.

Ce Code est promulgué le 30 ventôse de l’an XII, soit le 21 mars 1804 selon le calendrier grégorien. Il est le fruit d’un long travail d’élaboration, ce travail débute au XVIIIème siècle sous l’influence des Lumières. Le philosophe Montesquieu, magistrat libéral et admiratif du système anglo-saxon, affirmait en 1748 dans son ouvrage De l’Esprit des lois l’importance de l’indépendance des puissances législative, exécutive et judiciaire. Selon le baron de la Brède, chacune de ces puissance doit être distincte et autonome, et si par malheur ces trois puissances se retrouvaient confondues entre de même mains, s’instaurerait alors un régime de tyrannie et de despotisme fondé sur l’arbitraire. Le philosophe est aussi tout à fait méfiant quant à l’exercice du pouvoir du juge, en raison des nombreux abus commis par le pouvoir judiciaire durant des siècles.

C’est en suivant ces principes posés par les Lumières que Bigot de Préameneu, Maleville, Tronchet et Portalis s’emparent du projet d’élaboration du Code civil. En il ne s’agit pas en réalité d’un véritable travail de rédaction mais plutôt d’une tâche de rassemblement des droits coutumier et écrit, des compilations de l’empereur Justinien, de la Coutume de Paris et de tout un ensemble de sources du droit, afin de constituer un ouvrage, dont l’objectif est de détruire l’ordre ancien abhorré et de rebâtir une société nouvelle fondée sur un droit unifié. Pour ce faire, les quatre rédacteurs du Code civil ont estimé qu’il était nécessaire d’introduire des dispositions telles que l’article 5 afin de rendre la justice meilleure.

Dans quelle mesure peut-on affirmer que l’article 5 du Code civil a pour vocation de limiter l’activité des juges ?

Après avoir démontré l’importance de contrôler le rôle du juge (I), nous aborderons la discutable limitation de l’activité prétorienne (II).

I/ La nécessaire et légitime limitation rôle du juge

En lisant l’article 5 du Code civil, il semble important de se poser la question d’une telle loi, et de s’interroger sur les conditions qui ont conduit à l’adoption de cet article. Le juge ne se prononce uniquement sur des cas d’espèces (B), l’article 5 permet donc de protéger l’ordre judiciaire (A).

A) Pour garantir la sécurité juridique

L’article 5 du Code civil dispose qu’ « il est défendu au juge de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leu sont soumises ». Il est interessant d’emprunter le raisonnement inverse et de se demander ce qu’il se passerait si les juges avaient aussi le pouvoir de légiférer.

Sous l’Ancien régime, les juridictions avaient souvent recours à l’équité pour fonder leurs décisions. La jurisprudence, peu explicite voire immotivée, servait les ambitions politiques des gens de robe. Cette façade d’équité servait à couvrir l’arbitraire judiciaire, ainsi que les nombreuse tentatives de corruption et autres abus de l’époque.

Le chancelier de Louis XV, Henri-François d’Aguesseau, tenta de nombreuses fois de rappeler les magistrats au respect de la loi royale, plutôt qu’à se prononcer selon leur propres règles et volontés. C’est ainsi que naitra le célèbre adage : « Que Dieu nous préserve de l’équité des Parlements ! », équité qui servait de déguisement à l’arbitraire des juges. Par ailleurs, les cours souveraines jouissaient d’un pouvoir fort au XVIIème siècle, et il n’était pas rare que le Parlement s’oppose à une ordonnance royale en refusant son enregistrement et en adressant des remontrances au roi.

L’abolition de ces pratiques de l'Ancien droit français, connues sous le nom d'arrêts de règlement, apparait donc nécessaire. D’après la définition du Cornu, ces arrêts de règlement désignent les décisions par lesquelles un juge, excédant son pouvoir, s’arrogerait de prononcer par voie de disposition générale et règlementaire sur les causes qui lui sont soumises. Il s’agit de décisions qui attribuent autorité, en dehors du litige dont est saisi le juge dans les litiges futurs de même nature.

En effet, les Parlements de l'Ancien Régime, qui deviendront par la suite nos Cour d’appel, avaient obtenu le droit de prendre des décisions obligatoires pour l'avenir et pour le peuple, dans leur ressort respectif. Ces arrêts de règlement pouvaient être pris à l'occasion de procès, mais pouvait tout aussi bien être imposés par le pouvoir judiciaire en dehors d’un cadre de conflit. Ces arrêts de règlement constituaient de véritables lois,

Compte-tenu de la grande variété des juges en exercice de nos jours, il serait impensable de les autoriser chacun à rendre des décisions considérées comme arrêts de principe, des arrêt dans lesquels sont posé des principes d’application générale qui permettront de régir des cas futurs analogues. Cela pourrait s’apparenter à un véritable chaos juridique.

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