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Commentaire d’arrêt : Cass. Crim., 8 juillet 2020, arrêt n° 1400, Pourvoir n° 20-81.739

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Par   •  22 Mars 2021  •  Commentaire d'arrêt  •  2 045 Mots (9 Pages)  •  2 169 Vues

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Isaellen Oliveira

20184365                GROUPE 1

Commentaire d’arrêt : Cass. Crim., 8 juillet 2020, arrêt n° 1400, Pourvoir n° 20-81.739

Par un arrêt du 8 juillet 2020, la Chambre criminelle apporte un changement sérieux à sa jurisprudence antérieure concernant le traitement indigne de détenus en France et les moyens de mettre fin aux atteintes à la dignité des détenus.

En l’espèce, un individu a été mis en examen des chefs de meurtre commis en bande organisée, tentative de meurtre commis en bande organisée et participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un crime. Il a été placé en détention provisoire par ordonnance du juge des libertés et de la détention. Il a par la suite présenté une demande de mise en liberté qui a été rejetée par le juge des libertés et de la détention en janvier 2020. Après avoir fait appel de cette décision alléguant que les conditions de sa détention représentaient un traitement inhumain et dégradant, il a vu la décision du juge des libertés et de la détention confirmée par la chambre d'instruction de la cour d'appel de Rennes dans une décision du 13 février 2020.

Il se pourvoit donc en cassation et dépose une demande de question prioritaire de constitutionnalité (QPC). La Cour de cassation accepte de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité concernant les dispositions relatives aux mesures de détention provisoire (C. pr. pén., art. 137-3, 144 et 144-1), et d’autre part, décide d'examiner la conventionalité des dispositions au regard des articles 3 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Dans cet arrêt il est question de savoir si, l’existence de conditions de détention provisoire qui violent le principe de la dignité humaine constitue un motif de mise en liberté par le juge judiciaire ?

La Cour réponde par l’affirmative et consacre ainsi un revirement de jurisprudence prenant appui sur le droit européen des droits de l’homme. Par cet arrêt la Cour de cassation affirme que le juge judiciaire, s'il constate l'existence de conditions de détention contraires à la dignité humaine auxquelles il n'a pas été remédié, doit prononcer la remise en liberté du détenu provisoire, éventuellement accompagnée d'une mesure d'assignation à résidence sous surveillance électronique ou de contrôle judiciaire.

Cette décision, reconnaître la possibilité de mise en liberté en raison de l’existence de conditions indignes de détention provisoire (I). Et, apporte des changements profonds vers un respect effectif de la dignité des détenus (II).

  1. L’indignité des conditions de détention provisoire motif de mise en liberté par le juge judiciaire 

On verra dans un premier temps, le constat d’absence d’effectivité de recours en droit interne par la CEDH (A) et dans un second temps, le revirement de la jurisprudence et l’établissement de nouveaux principes apportés par cette décision (B).

  1. Le constat d’absence d’effectivité de recours en droit interne par la CEDH

La Cour européenne des droits de l’Homme, intervenant par une décision rendue le 30 janvier 2020 (CEDH, 30 janvier 2020, J.M.B c. France, n° 9671/15, AJDA 2020) a condamné la France sur la base de deux dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme. Un appel a été saisi par trente-deux requérants qui se croyaient soumis à des conditions de détention indignes dans plusieurs centres de détention français.

Premièrement, elle lui reprochait les conditions de détention indignes infligées à la plupart des détenus, notamment en raison de la surpopulation carcérale (les détenus ne disposaient pas d’un espace personnel au moins égal à 3 m²). A cet égard, il considère que la France a manqué à ses obligations au titre de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme : "Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants." 

La Cour a également constaté une violation des règles établies par l'article 13 de la même Convention : "Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles." En d’autres termes, selon ce texte, tout citoyen d'un pays membre du Conseil de l'Europe qui souffre d'une violation d'un de ses droits fondamentaux a le droit de déposer un recours contre la décision contraire.

Elle a constaté ainsi qu’en droit français, il n'y avait pas de recours préventif en matière judiciaire.

La justice européenne observait que le pouvoir d'injonction du juge administratif a une portée limitée et que le référé offert aux détenus ne constitue pas un recours suffisant, au sens de l'article 13 de la Convention.

Dans l’arrêt en espèce, la chambre criminelle de la Cour de cassation décide de tirer des conséquences de cette condamnation. En admettant que les recommandations des juges de la Cour européenne s'adressent avant tout au Gouvernement, qui aura pour mission de modifier la législation, la Cour de cassation estime également qu'elle a un rôle à jouer dans la préservation de la dignité des détenus.

Ainsi, la chambre criminelle de la Cour de cassation procède à un changement dans sa jurisprudence antérieure et établit de nouveaux principes plus protecteurs à la dignité des détenus.

  1. Le revirement de la jurisprudence et l’établissement de nouveaux principes

Dans son arrêt du 8 juillet 2020, la chambre criminelle de la Cour de cassation infléchit sa jurisprudence antérieure.

Avant, la chambre criminelle faisait une application stricte des articles 137-3, 144 et 144-1 du code de procédure pénale. Elle avait en effet indiqué dans un arrêt du 18 septembre 2019 (n°19-83.950) que l’invocation d’une atteinte à la dignité de la personne en raison des conditions de détention ne pouvait pas faire obstacle au placement et au maintien en détention provisoire. Ce moyen ne permettait qu’engager la responsabilité de l'État en raison d’un dysfonctionnement du service public, et d’obtenir réparation.

Cependant, une exception à ce principe a été autorisée dans le cas où l'état de santé du requérant serait jugé incompatible avec des conditions de détention particulièrement dégradées. Ainsi, ce n'est que dans les cas où les conditions d'emprisonnement ont des conséquences graves mettant en danger la santé physique ou mentale du détenu qu'une demande de mise en liberté fondée sur son caractère inhumain peut aboutir (Crim., 29 février 2012, n°11-88.441), et ces hypothèses restent relativement rares.

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