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Commentaire d'arrêt crèche de Melun 9 novembre 2016

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Par   •  28 Février 2018  •  Commentaire d'arrêt  •  1 609 Mots (7 Pages)  •  4 893 Vues

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CE, Ass., 9 novembre 2016, Fédération départementale des libres penseurs de Seine-et-Marne

« L’Eglise chez elle et l’Etat chez lui », disait Victor Hugo en 1850, dans une France concordataire où le fait religieux était encore présent et puissant. Un siècle et demi plus tard, et malgré l’avènement du principe de laïcité dans notre société, la cohabitation de l’espace public et des religions n’a peut-être jamais été aussi tendue, notamment à cause d’une certaine recrudescence de la foi, mais également à une affirmation plus poussée de la part des citoyens de la neutralité que le service public doit adopter. Une relation qui sent le soufre, d’autant plus depuis quelques années avec notamment le contexte des fêtes de Noël, où la question de la conciliation entre l’impartialité de l’Administration et les quelques manifestations plus ou moins religieuses s’impose. C’est ce problème qui se posa pour le Conseil d’Etat dans un arrêt rendu le 9 novembre 2016.

En l’espèce, en décembre 2012 le maire de la ville de Melun installe dans l’enceinte de l’hôtel de ville de la commune une crèche de Noël, dans le cadre des festivités de fin d’année. Aussitôt, l’association « la fédération départementale des libres penseurs de Seine-et-Marne » forme un recours pour excès de pouvoir devant le Tribunal administratif de Melun, demandant le retrait de cette crèche jugée non conforme au principe de laïcité, qui sera rejeté par celui-ci dans sa décision du 22 décembre 2014. La cour administrative d’appel de Paris, par un arrêt du 8 octobre 2015, a fait droit à l'appel formé par la Fédération des libres penseurs de Seine-et-Marne contre ce jugement. Par la suite, le demandeur se pourvoit en cassation contre cet arrêt en demandant l’annulation de cette décision. Le demandeur soutient que cette décision méconnaît les dispositions des articles 2 et 28 de la loi de 1905 relative à la séparation entre l’Eglise et l’Etat, et donc, en méconnaissance des principes de neutralité du service public et de la liberté de conscience des citoyens.

La difficulté réside ici dans le fait de savoir si l’installation d’une crèche dans l’enceinte d’un établissement public est régulière ou non au regard du principe de neutralité. De manière plus générale, quelle devrait être l’approche juridique de la laïcité au sein du service public, notamment en ce qui concerne la distinction nécessaire entre représentation culturel et cultuel ?

En l’espèce, le Conseil d’Etat, dans sa décision du 9 novembre 2016, rejette la requête en considérant que l’installation de cette crèche ne revête d’aucun caractère culturel, artistique ou festif, ce qui fait de celle-ci un emblème religieux et qui va à l’encontre du principe de laïcité dans les établissements publics.

Il paraît donc pertinent de se concentrer dans un premier temps, en guise d’introduction et de rappel, sur le principe fondamental de laïcité, ainsi consacré par les textes constitutionnels et législatifs, et ce qu’ils impliquent (I), avant de se pencher sur l’application plus ou moins souple de ce principe par le juge, ainsi que la position de ce dernier (II).

  1. Le principe de laïcité, entre liberté de conscience et devoir de neutralité.

Il convient naturellement d’étudier ce qu’implique la loi de 1905, s’inscrivant dans le grand principe d’égalité dans et devant le service public, avec dans un premier temps la définition de la laïcité et du principe de liberté de conscience (A), puis le devoir de neutralité des agents de l’Administration et à fortiori, de l’Administration elle-même (B).

  1. Une liberté de conscience reconnue par le Conseil d’Etat.

Le principe de laïcité, tel qu’il est connu depuis le début du XXème siècle et la troisième République, est tel qu’il s’applique aujourd’hui à l’égard des personnes publiques, est en effet l’objet de tensions dans le débat public et au sein de la doctrine : tantôt analysée comme une négation totale du fait religieux dans l’espace public, tantôt vu comme une liberté illimitée des manifestations relatives aux convictions. Il paraît donc nécessaire pour introduire un problème aussi récurrent de rappeler ce qu’implique ce principe pour les administrés, et surtout son objectif premier.

En l’espèce, dans sa décision du 9 novembre 2016, le Conseil d’Etat évoque l’alinéa 1er de l’article 1 de la loi de 1905, pierre angulaire de la laïcité, disposant que « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ». Mais également que « la République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public ». Ainsi, la République laïque, consacrée par la Constitution est une affirmation de la liberté religieuse des usagers du service public, et par extension, une interdiction de discrimination tenant compte des convictions religieuses des individus. Telle est l’idée fondamentale du principe s’imposant au sein de l’Administration.

 Toutefois, si la liberté est le principe, il convient également dans les textes d’imposer des obligations de neutralité aux agents publics et à l’Administration de manière plus générale.

  1. L’exigence de neutralité de l’Administration.

Si d’un côté, la liberté de croire et de manifester sa croyance est consacrée pour les usagers, sauf exceptions législatives (comme la loi de 2004 relative au port de signes religieux des élèves de l’enseignement public primaire et secondaire), l’Etat et son Administration, séparés des Eglises, ont l’obligation d’adopter une certaine neutralité religieuse. Celle-ci doit notamment être appliquée dans l’exercice des missions qui revêtent un intérêt général. C’est pourquoi la question de la bonne conciliation entre les symboles dit religieux, en l’occurrence, les crèches représentant la scène de la naissance de Jésus de Nazareth dans les lieux servant au service public ici, pose problème. Il est ainsi important d’analyser et de comprendre le contenu des textes s’imposant à la gestion et l’organisation des établissements publics à ce sujet.

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