Commentaire d'arrêt - Décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987
Commentaire d'arrêt : Commentaire d'arrêt - Décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar AnaIzquierdo14 • 24 Janvier 2016 • Commentaire d'arrêt • 2 327 Mots (10 Pages) • 7 527 Vues
Décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987
“Pour que l’on puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir » (Montesquieu, De l’esprit des lois, 1748). La Décision 86-224DC rendue le 23 janvier 1987 du Conseil Constitutionnel illustre parfaitement le grand débat qui tourne autour de la séparation des autorités administratives et judiciaires.
En l’espèce, le Parlement a adopté une loi, celle du 2 juillet 1986 (nº86-793), qu’au visa de l’art 38 de la Constitution autorise le Gouvernement à modifier ou abroger par voie d’ordonnance, des mesures d’ordre économique et sociale. Sur le fondement de ladite loi, l’ordonnance nº86-1243 du 1er décembre 1986 crée un Conseil de la concurrence doté d’un grand pouvoir en ce qui concerne la répression des pratiques anticoncurrentielles. La rédaction initiale de l’ordonnance disposait dans sa première rédaction que les décisions du Conseil de la concurrence pouvaient faire l’objet d’un recours de pleine juridiction devant le Conseil d’État de la part du ministre chargé de l’économie ou de l’entreprise sanctionnée. Si bien, la loi portant ratification de l’ordonnance précitée, définitivement votée le 20 décembre 1986, modifie certains articles de cette dernière transférant avec ces modifications à la juridiction judiciaire le contentieux des décisions du Conseil de la concurrence « La décision du Conseil de la concurrence peut faire l’objet d’un recours […] devant la Cour d’appel de Paris ». C’est ainsi que ce dernier texte, une fois voté et avant sa promulgation a été déféré par plus de soixante députés devant le Conseil Constitutionnel pour que celui-ci se prononce sur sa constitutionnalité.
Au moment de la saisine, les députés alléguèrent non seulement la violation des dispositions de la loi des 16 et 24 août 179 sur l’organisation judiciaire mais aussi la violation du principe de la séparation des pouvoirs affirmé par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen.
Les Sages de la rue Montpensier devaient donc répondre au problème de droit suivant : peut-on transférer à une juridiction judiciaire le contentieux des décisions d’un organe administratif ?
La réponse faite par le Conseil constitutionnel à l’argumentation des députés tourne autour de trois analyses différentes : la conformité à la Constitution de la procédure législative ayant abouti à la loi qui lui est déférée en premier lieu, la conformité à la Constitution des dispositions transférant à la Cour d’appel de Paris le contrôle des décisions du Conseil de la concurrence en deuxième lieu, puis la conformité à la Constitution de la ratification implicite par le législateur de tout ou partie des dispositions de l’ordonnance du 1er décembre 1986 en troisième lieu. Quant à leur première analyse, ils conclurent au visa de l’article 41 de la Constitution et vu qu’au cours de la discussion devant le Parlement de la proposition de loi examinée le Gouvernement n’a opposé aucune irrecevabilité comme il aurait eu la faculté de le faire, que la procédure législative suivie n’avait comporté aucune méconnaissance de la Constitution Quant à leur deuxième analyse concernant la conformité à la Constitution des dispositions transférant à la Cour d’appel de Paris le contrôle des décisions du Conseil de la concurrence, le Conseil constitutionnel retient que « compte tenu de la nature non juridictionnelle du Conseil de la concurrence, de l’étendue des injonctions et de la gravité des sanctions pécuniaires qu’il peut prononcer, le droit pour le justiciable formant un recours contre une décision de cet organisme de demander et d’obtenir, le cas échéant, un sursis à l’exécution de la décision attaquée constitue une garantie essentielle des droits de la défense », d’où il déclare comme étant non conforme à la Constitution la loi en question dans son ensemble. Pour en finir, le Conseil constitutionnel se voit obligé de ne pas se prononcer sur la conformité à la Constitution des dispositions de l’ordonnance du 1er décembre parce-que, en vertu de la déclaration de non-conformité à Constitution qu’a été faite dans son deuxième analyse, la loi est privée d’effets, d’où elle demeure en sa totalité pour l’instant un texte de valeur règlementaire dont la régularité juridique ne peut être appréciée par le Conseil constitutionnel.
La jurisprudence issue de cette décision du 86-224 DC du 23 janvier 1987, dite « Conseil de la concurrence » se présente encore aujourd’hui comme fondamentale dans l’histoire du droit administratif. Pour bien comprendre l’intérêt de cette décision, nous étudierons tu d’abord les fondements du système juridictionnel et plus particulièrement le principe de dualité des juridictions (I), puis ensuite, la consécration explicite au niveau constitutionnel du principe de l’existence de la juridiction administrative (II).
- Les fondements du système juridictionnel et plus particulièrement du principe de dualité des juridictions.
- La théorie classique de la séparation des pouvoirs.
Le principe de la Séparation de pouvoir est énoncé pour la première fois en 1748 par Montesquieu, philosophe français, dans son célèbre ouvrage "De l'esprit des lois".
Dans cet ouvrage, Montesquieu analyse le régime de monarchie absolue qui prévaut alors en France et le compare au régime de monarchie constitutionnelle de l'Angleterre de l'époque.
Il constate qu'en Angleterre, chacune des fonctions est exercée par des personnes ou des institutions distinctes jouissant chacune d'une grande indépendance par rapport aux autres. Cela contraste fortement avec la monarchie absolue française où tous ces pouvoirs sont concentrés entre les mains du Roi. Montesquieu en tire la conclusion qu'un État moderne qui cherche à garantir les libertés individuelles doit opérer nécessairement une telle séparation des pouvoirs au sein de ses institutions. Le philosophe identifie alors trois fonctions de l'État : faire la loi (pouvoir législatif), appliquer la loi (pouvoir exécutif) et trancher les différends (pouvoir judiciaire).
La théorie de séparation des pouvoirs plaide ainsi pour que chacune d’entre elles soit exercée par des organes distincts, indépendants les uns des autres, tant par leur mode de désignation que par leur fonctionnement. Chacun de ces organes devient ainsi l’un des trois pouvoirs : le pouvoir législatif est exercé par des assemblées représentatives, le pouvoir exécutif est détenu par le chef de l’État et par les membres du Gouvernement, le pouvoir judiciaire, enfin, revient aux juridictions.
Cependant, nous verrons que ce principe évoluera au cours du temps, notamment avec deux dispositions, la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III entre autres, qui seront cruciales pour une nouvelle conception de cette première approche de la séparation du pouvoir.
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