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Commentaire d'arrêt, Cour de Cassation, Assemblée Plénière, 9 mai 1984, 80-93.481 (arrêt dit Derguini)

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Par   •  27 Novembre 2017  •  Commentaire d'arrêt  •  1 746 Mots (7 Pages)  •  2 044 Vues

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Commentaire d'arrêt : Cour de Cassation, Assemblée Plénière, 9 mai 1984 (arrêt Derguini)

Selon Pothier, « il n’y a que les personnes qui ont l’usage de la raison qui soient capables de délits ou de quasi-délits car celles qui ne sont pas raisonnables ne sont capables ni de malignité ni d’imprudence ». Il semblerait pour autant que la Cour de Cassation, dans son arrêt du 9 mai 1984, ne partage pas cet avis.

Le 10 avril 1976, la jeune Fatiha, âgée 5 ans et 9 mois, est accidentellement mortellement heurtée par un automobiliste en traversant soudainement un passage piéton. La fillette succombe à ses blessures. Les parents attentent une action en justice. D'abord jugée en première instance, puis devant la Cour d'appel de Metz, l'affaire est renvoyée par la Cour de Cassation devant la Cour d'appel de Nancy, qui statue le 9 juillet 1980. L'ensemble des juridictions confirment le jugement rendu en première instance, qui partage la responsabilité des conséquences dommageables de l'accident. Si « l'automobiliste a commis une faute d'attention à l'approche d'un passage pour piétons sur une section de route où la possibilité de la présence d'enfants est signalée par des panneaux routiers », la victime a fait commis une « faute » par son « irruption inconsciente » sur la route. Pour le moins insatisfaits de la décision rendue, les parents font un pourvoi en cassation. Ils font grief à l'arrêt au motif que la Cour d'appel de Nancy n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations. Elle a considéré l'enfant et l'automobiliste tous deux responsables alors même que d'une part la victime était privée de discernement du fait de son jeune âge et d'autre part que l'automobiliste a commis une faute d'attention. La Cour de Cassation dans sa formation d'Assemblée Plénière entérine la décision de la Cour d'appel de Nancy le 9 mai 1984, au motif qu'elle n'est « pas tenue de vérifier si la mineure était capable de discerner les conséquences de ses actes » et rejette le pourvoi en affirmant une position objectiviste sur l'interprétation de l'article 1382 au regard des jeunes enfants. Cet arrêt fait partie d'une série de cinq, tous décidés le même jour, où l'on a consacré une position singulière vis-à-vis des juridictions pénales : outre l'handicapé mental, l'enfant privé de discernement est responsable de sa faute. On retient donc une conception objective de la faute, et cette solution de principe est toujours de droit positif.

Le malaise que peut naturellement provoquer une telle solution est au cœur du problème de droit qui sous-tend au cas d'espèce. Devrait-on prendre en compte l'absence de discernement d'un infans responsable d'un dommage ?

S'il apparaît évident que cette prise en compte est désormais nécessaire, il convient d'observer comment et pourquoi la solution consacre une conception objective de la faute (I), pour mieux en saisir son aspect relativement pervers et les évolutions que cette solution appelle aujourd'hui (II).

I. Une solution consacrant la conception objective de la faute

Dans les règles de la responsabilité civile, nous sommes responsables de notre propre dommage. Ce qui peut poser problème dans le cas d'individus qui n'ont pas la faculté de discernement. On s'intéressera donc d'abord aux motifs du rejet de la faute subjective concernant l'infans (A), ainsi qu'au refus par la Cour de Cassation de reconnaître la nécessité du discernement (B).

A) Une solution qui rejette la subjectivité de la faute

La faute à laquelle on soustrait le discernement constitue la faute objective : elle ne correspond pas à ce que la société attend du fautif, mais celui-ci n'a pas conscience de mal agir. C'est donc le tuteur qui est responsable. Cette conception de la faute permet, grâce à la loi de 1968 (ancien article 489-2), que la victime de la personne démente soit indemnisée. Néanmoins cette loi ne vise pas les infans (enfants de moins de 7 ans) car ils ne sont pas déments.

Dans un arrêt du 28 février 1965, qui a fait jurisprudence jusqu'en 1984, on a considéré que l'infans n'était pas capable de discernement, et donc qu'il était impossible qu'il commette une faute. Mais contrairement aux déments, desquels leurs responsables répondent, les infans n'avaient pas de loi qui permettait à leurs victimes d'être indemnisées par leurs responsables. Le fait que l'infans ne puisse pas commettre de faute empêchait l'action contre les parents, et donc l'indemnisation.

Dans une série de cinq arrêts le 9 mai 1984, l'assemblée plénière de la Cour de Cassation, dans un contexte juridique où les thèses victimiologistes et la logique d'indemnisation avaient (et ont toujours) le vent en poupe, considère désormais que la responsabilité civile des infans peut être engagée afin d'obtenir une meilleure indemnisation des victimes. On a donc décidé que l'imputabilité était un obstacle à l'indemnisation, et devait être abandonnée, comme le prônait alors l'avocat général Cabannes.

B) Une solution qui refuse de reconnaître la nécessité du discernement

On remarque dans l'arrêt que l'automobiliste « a commis une faute d'inattention ». Sa faute, au regard d'une appréciation objective, n'est pas normale vis-à-vis d'un automobiliste prudent. La fillette a commis une faute d'« irruption », par rapport à un comportement prudent. De ce point de vue, il est question de deux personnes responsables et rationnelles qui ont commis une faute, l'une traversant le passage piéton à la

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