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Commentaire d'arrêt - Civ. 1ère, 4 juillet 2018, n°17-20.281

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Par   •  16 Octobre 2020  •  Commentaire d'arrêt  •  2 112 Mots (9 Pages)  •  1 974 Vues

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Commentaire – document n°6 : Civ. 1ère, 4 juillet 2018, n°17-20.281

        L'arrêt de cassation du 4 juillet 2018 rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation précise les critères à prendre en compte lorsqu'il s'agit de déterminer le montant d'une prestation compensatoire.

        En l'espèce, un divorce a été prononcé. L'époux a reçu l'obligation de verser une prestation compensatoire à son épouse, sous la forme d'une attribution en pleine propriété de ses droits sur un bien immobilier.

        Cette obligation financière du mari a été posée par l'arrêt attaqué. La cour d'appel a en effet imposé au mari l'attribution en pleine propriété à son épouse d'un bien immobilier commun. Pour justifier sa décision, la cour d'appel s'est appuyée sur les revenus perçus par le mari, qui a touché 2957 euros mensuels d'indemnités de chômage jusqu'au 1er août 2012, puis 486 euros d'allocation spécifique solidarité. Elle a aussi retenu que l'épouse n'a pas exercé d'activité professionnelle pendant le mariage, que ses revenus ne sont donc constitués que de prestations sociales, et qu'elle est en situation de surendettement. Ainsi, la cour d'appel a déclaré l'épouse créancière d'une prestation compensatoire de 60 000 euros. Un pourvoi en cassation fut formé.

        La seule prise en considération des revenus financiers des époux est-elle suffisante pour déterminer le montant d'une prestation compensatoire ?

        La Cour de cassation répond négativement à cette question, en s'appuyant sur l'article 270 du Code civil qui dispose que « L'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. », et sur l'article 271 du même code qui dispose que « La prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible. » La Cour de cassation indique en effet que la cour d'appel a omis de déduire des ressources du mari la somme d'argent qu'il versait à son épouse pour l'éducation de leur fille, et  qu'elle aurait dû constater si l'épouse partageait ou pas les charges avec son nouveau compagnon, constat que la cour d'appel n'a pas fait, et qui a pourtant une incidence sur les besoins financiers de l'épouse.

        Par conséquent, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt rendu par la cour d'appel.

        On observe que la solution de la Cour de cassation tend vers un maximum d'équité (I), et qu'elle vise un élargissement des critères que le juge prend en compte pour déterminer le montant de la prestation compensatoire, critères listés à l'article 271 du Code civil.

  1. Une solution tendant vers un maximum d'équité 

        La Cour de cassation cherche en effet à émettre une solution la plus équitable possible, en fondant sa décision sur les articles 270 et 271 du Code civil (A), et en remettant en cause les critères limités pris en compte par la cour d'appel (B).

  1. L'équité, principe au fondement des articles 270 et 271 du Code civil

        Les articles 270 et 271 du Code civil ont en effet pour fondement même le principe d'équité.

L'article 270 du Code civil dispose « L'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Cette prestation a un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge. ». Cette disposition permet par exemple à un époux ayant bénéficié d'avantages matrimoniaux considérables, et ayant ainsi connu un niveau de vie élevé, de ne pas connaître un changement de niveau de vie trop brutal après la dissolution du mariage. Il s'agit donc de rééquilibrer les niveaux de vie et d'éviter toute disparité qui aurait été compensée par la communauté de vie des époux. Dans l'arrêt étudié, il est question d'une femme qui n'a jamais travaillé pendant le mariage. Ce sont donc les revenus de l'époux qui constituaient les revenus du foyer. En divorçant, la femme perd ces revenus, tandis que ceux de l'époux subsistent pour lui. L'obligation pour le mari de verser une prestation compensatoire à son épouse est donc légitime, et équitable.

        L'article 271 du Code civil, lui, donne des indications au juge pour déterminer le montant de cette prestation compensatoire. L'article dispose d'abord que le montant de cette prestation dépend des « besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre ». s'en suit une liste de critères sur lesquels le juge se base pour prendre sa décision, afin que celle-ci soit la plus adaptée à chaque situation : « la durée du mariage » ; « l'âge et l'état de santé des époux » ; « leur qualification et leur situation professionnelles » ; « les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne » ; le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial » ; « leurs droits existants et prévisibles » ; « leur situation respective en matière de pensions de retraite ». En l'espèce, le juge a pris en compte la situation professionnelle de chacun des époux, ainsi que les prestations sociales auxquelles chacun ont droit.

        Mais la solution de la Cour de cassation a révélé que les critères pris en compte par la cour d'appel ne suffisaient pas à refléter avec justesse les besoins de l'épouse créancière ni les ressources de l'époux débiteur.    

  1. L'insuffisance de la seule prise en compte des revenus des époux par la cour d'appel

        En effet, la cour d'appel n'a pris en compte que les revenus de chacun des époux.

Pour l'époux débiteur, la cour d'appel a constaté qu'il recevait 2957 euros mensuels d'indemnités chômage jusqu'au 1er août 2012, puis 486 euros de l'allocation spécifique de solidarité. Pour l'épouse créancière, la cour d'appel a constaté qu'elle n'avait aucune activité professionnelle donc aucun revenu salarial, et qu'elle ne dépendait donc que des prestations sociales. On peut d'abord remarquer que même si jusqu'en 2012, l'époux a perçu largement plus de revenus que son épouse, et qu'on peut alors admettre la disparité entre leurs deux situations financières, cette disparité n'est plus aussi conséquente. En effet, à partir du 1er août 2012, l'époux n'a gagné que le montant de l'allocation spécifique de solidarité, soit 486 euros. Son revenu a donc été quasiment divisé par six, et s'est ainsi rapproché de ce que doit percevoir son épouse, selon le type de prestation sociale qu'elle reçoit. Ainsi, la décision de la cour d'appel de poser l'obligation pour le mari de verser une prestation compensatoire à son épouse ne paraît plus aussi équitable.

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