Commentaire d'arrêt Quintin CE 17 mai 1991
Commentaire d'arrêt : Commentaire d'arrêt Quintin CE 17 mai 1991. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar pvmrtl • 11 Avril 2021 • Commentaire d'arrêt • 1 600 Mots (7 Pages) • 1 695 Vues
Commentaire de l’arrêt Quintin (Conseil d’Etat - 17 mai 1991)
(Accroche) Dans l’arrêt Quintin, rendu le 17 mai 1991, le Conseil d’Etat (CE) est saisi d’une requête, tendant à l’examen direct de la conformité à la constitution d’une norme règlementaire.
(Procédure et moyens) Les faits de l’espèce étaient les suivants : le requérant (M. Quintin) s’était vu délivrer le 15 novembre 1985 un certificat d’urbanisme négatif par le Préfet du Finistère. Ce document est destiné à informer l’usager des diverses servitudes et de l’éventuelle constructibilité du terrain qu’il a acquis. Le Préfet avait estimé que le requérant ne pouvait faire construire sur un terrain très éloigné d’une zone urbanisée. Il s’était appuyé sur les dispositions réglementaires de l’article R. 111-14-1 du code de l’urbanisme qui interdisait les constructions « de nature, par leur localisation ou leur destination, a) à favoriser une urbanisation dispersée incompatible avec la vocation des espaces naturels environnants, en particulier lorsque ceux-ci sont peu équipés ... c) à compromettre les activités agricoles ou forestières, notamment en raison de la valeur agronomique des sols, des structures agricoles, de l’existence de terrain produisant des denrées de qualité supérieure ou comportant des équipements spéciaux importants ».
Le requérant avait demandé l’annulation, par le Tribunal administratif (TA) de Rennes, de cette décision préfectorale. Il soutenait que cet acte administratif reposait sur l’article R. 111-14-1 précité qui aurait méconnu deux normes de valeur supra législative :
- la constitution (et notamment ses dispositions relatives à la protection du droit de propriété),
- la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH).
Le CE a été saisi par la voie de l’appel du jugement du TA de Rennes, en date du 28 juillet 1988, qui avait confirmé la décision du préfet. On notera, en effet, que les Cours administratives d’appel, créées par la loi du 31 décembre 1987, n’étaient pas encore pleinement opérationnelles. Le CE a confirmé le rejet des prétentions de M. Quintin par le TA de Rennes dans son jugement précité. Le CE, d’une part a écarté les écritures de Monsieur Quintin lui enjoignant de saisir la CEDH (contrairement à la CJUE le Conseil ne peut saisir la CEDH dans le cadre d’une question préjudicielle ; il appartenait éventuellement au requérant de la saisir directement après la notification de l’arrêt de rejet du Conseil). D’autre part le CE confirme que le Préfet « a fait une exacte application» des dispositions précitées du code de l’urbanisme, après s’être assuré directement de leur conformité à la constitution.
(Problématique) Le CE devait se prononcer, outre sur la recevabilité d’une saisine de la CEDH au titre d’une question préjudicielle, sur le possible examen direct de la conformité d’un règlement par rapport à la constitution, sans que la loi qui en constituait la base puisse faire « écran ».
(Annonce du plan) L’arrêt Quintin marque ainsi une évolution certaine de la notion « d’écran législatif » en ménageant au Conseil d’Etat la possibilité, dans une hypothèse bien circonscrite (celle de « l’écran transparent » dans laquelle la loi, qui est la base du règlement, est très peu normative), de contrôler le règlement par rapport à des normes supra législatives (1). Cependant le Conseil d’Etat, malgré un récent élargissement de la « jurisprudence Quintin » en 2013, et même s’il contribue par ailleurs depuis 2008 au contrôle de constitutionnalité, continue à s’interdire d’être un juge constitutionnel et conserve ainsi à la « loi écran » sa pertinence (2).
1 – Le début d’une évolution notable de la notion d’ « écran législatif »
(Chapeau) Bien que n’ayant pas été rendu par une formation solennelle du Conseil statuant au contentieux (Section ou Assemblée) et « inédit au recueil Lebon » cet arrêt revient sur une jurisprudence ancienne mais toujours valide (A) et ouvre ainsi la voie à de nouveaux dépassements de cette dernière (B).
A. La notion d’écran législatif a été appliquée strictement par le juge administratif jusqu’en 1991
Par l’arrêt de section Arrighi, rendu le 6 novembre 1936, le Conseil d’Etat a, en effet, consacré la notion d’ « écran législatif ». Saisi d’une requête sollicitant la déclaration en inconstitutionnalité d’une loi, il a indiqué qu’ « en l’état actuel du droit public français ce moyen n’est pas de nature à être discuté » devant lui. Par ce considérant, particulièrement ramassé, le Conseil signifie donc son incompétence pour statuer sur ce type de contentieux constitutionnel par ailleurs inédit en France à l’époque (inexistant sous la troisième république, embryonnaire sous la quatrième république, prévu par la constitution de 1958 et considérablement utilisé depuis 1974 avec l’élargissement de la saisine à 60 députés ou sénateurs).
Cette position de principe, qui n’a pas évolué pendant plus d’un demi-siècle, peut recevoir deux explications. D’abord elle intervient historiquement
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