Commentaire d'arrêt Civ. 1ère, 24 mai 2005
Commentaire d'arrêt : Commentaire d'arrêt Civ. 1ère, 24 mai 2005. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Manon-Lisa Mehentel • 30 Octobre 2015 • Commentaire d'arrêt • 1 644 Mots (7 Pages) • 6 786 Vues
La première chambre civile de la Cour de cassation nous apprend, dans un arrêt du 24 mai 2005, que, « si le silence ne vaut pas à lui seul acceptation, il n’en est pas de même lorsque les circonstances permettent de donner à ce silence la signification d’une acceptation ».
En l’espèce, le préfet de la région d’Ile de France a notifié un arrêté à un propriétaire, titulaire d’un permis de construire lui enjoignant de faire réaliser une opération préventive de fouilles archéologiques. A cet effet, le propriétaire a accepté un devis « diagnostic archéologique » établi par l’Association pour les fouilles archéologiques nationales (AFAN). Celui-ci s’est révélé positif estimant que « la partie arrière de la parcelle nécessitait une investigation plus approfondie, une petite fouille de sauvetage urgent devant être réalisée ». A cet effet, le préfet a pris un nouvel arrêté dans lequel il notifiait que l’AFAN procéderait à une opération préventive de fouilles entre deux dates spécifiées. Elle a alors adressé au propriétaire un second devis pour la réalisation des travaux que celui-ci a refusé de régler au motif qu’il n’avait pas accepté ledit devis.
L’association a assigné en paiement le propriétaire. La Cour d’appel a rendu un jugement favorable à l’AFAN à Versailles le 1er mars 2002. Le défendeur s’est alors pourvu en cassation invoquant la violation des articles 1101 et 1108 du Code civil au motif que le silence ne saurait valoir à lui seul acceptation ainsi que la violation de l’article 1315 du même code, déclarant que les juges du fond auraient inversé la charge de la preuve en estimant qu’il n’avait pas montré de manifestation expresse de volonté de rupture de ses relations contractuelles.
Dans cette affaire, la Haute cour devait décider dans quelle mesure le silence peut valoir acceptation.
La première chambre civile de la Cour rejette le pourvoi et énonce dans un attendu de principe que « si le silence ne vaut pas à lui seul acceptation, il n’en est pas de même lorsque les circonstances permettent de donner à ce silence la signification d’une acceptation ».
En droit, le silence ne vaut pas acceptation (I), cependant comme souvent il existe des exceptions à ce principe (II)
- Le silence en principe inefficace pour valoir acceptation.
En principe, le silence est inefficace pour valoir acceptation, il ne procure aucun effet (A) en revanche, dans cette affaire, le silence s’avère très circonstancié (B).
- L’absence d’effet du silence.
La condition de validité d’une convention dépend du consentement qui nécessite la rencontre de deux parties : l’une d’elle émet une offre et l’autre l’accepte. L’acceptation crée l’accord des volontés et donne naissance au contrat. Si l’acceptation qui se doit non équivoque peut être tacite ou expresse, elle ne peut en principe se déduire du silence. Contrairement à l’adage « qui ne dit mot consent » le droit refuse de voir dans un silence une acceptation. Cette position est ancienne, dès la fin du XIXème siècle la Cour de cassation retenant « en droit, que le silence de celui qu’on prétend obligé ne peut suffire, en l’absence de toute autre circonstance, pour faire preuve contre lui de l’obligation alléguée (Cass civ, 25 mai 1870). Ce principe est rappelé dans le premier attendu de l’arrêt du 24 mai 2005 qui dispose que « le silence ne vaut pas à lui seul acceptation.
En droit, le silence n’est rien, il n’est pas seulement l’absence de parole ou de bruit, il suppose encore l’absence d’action, d’expression d’une quelconque position. Le silence se distingue de la manifestation tacite de volonté, c’est-à-dire d’une acceptation non extériorisée par oral ou par écrit mais par un comportement ou une attitude. Une poignée de main pourra, par exemple, valoir acceptation tacite.
Comme souvent en droit, le principe est assorti de divers exceptions jurisprudentielles. En effet, si la parole est une condition à la vérification de la réalité du consentement, certains silences doivent être perçus comme des mots. Il existe 3 exceptions au principe de l’inefficacité du silence : l’existence de relations d’affaires antérieures, les usages de la profession et l’offre faite dans l’intérêt exclusif du destinataire.
En l’espèce, le propriétaire a laissé faire la réalisation des travaux sans contester. Cela ne traduirait-il pas une attitude positive ? En effet, il aurait pu réagir et déclarer de manière orale, ou écrite qu’il ne souhaitait pas que ces travaux soient mis en œuvre, et qu’il ne souhaitait pas en régler les frais. Or, cela n’a pas été le cas. Nous sommes donc en mesure de nous demander si son inaction ne doit pas être assimilée à une acceptation tacite car son silence était, en l’espèce très circonstancié.
- Les circonstances du silence en l’espèce.
En l’espèce, le domaine visé est très spécifique, il s’agit du droit de l’archéologie préventive qui vise à assurer la sauvegarde du patrimoine enfoui. A savoir que le Code du patrimoine a vu sa partie législative promulguée en 2004, notre affaire se déroulant un an plus tard, les juges ont pu être influencé par l’importance prise par la protection du patrimoine, qui relève de plus de l’intérêt général.
La loi du 27 septembre 1941, dite Loi Carcopinoa a permis l’essor de l’archéologie préventive en confèrent à l’Etat le pouvoir d’autoriser et de réaliser des fouilles archéologiques. L’AFAN, crée en 1973 a été institué via une convention comme gestionnaire d’opérations archéologiques autorisées ou décidées par l’Etat ainsi que des missions qui lui sont attribuées dans le cadre des fouilles programmées et des opérations d’archéologie préventive.
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