Commentaire affaire Clément Bayard
Commentaire d'arrêt : Commentaire affaire Clément Bayard. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Kira2.0 • 19 Novembre 2018 • Commentaire d'arrêt • 2 417 Mots (10 Pages) • 1 982 Vues
Commentaire d’arrêt de l’affaire Clément Bayard du 03.08.1915
Dans le “Traité élémentaire de droit civil”, datant de 1899, le jurisconsulte Marcel Planiol, déclare que : “ le droit cesse où l’abus commence”. De cette manière il nous amène à nous interroger sur une théorie qui s’est développée au début du XIX -ème siècle, laquelle est : l’abus de droit.
Pour traiter cette question d’abus de droit, nous allons nous rapporter à l’arrêt de la chambre des requêtes de la cour de cassation datant du 3 août 1915. Il s’agit de l’affaire Clément Bayard, qui opposa, d’un côté le demandeur M. Coquerel Jules, à M. Clément-Bayard Adolphe, le défendeur. Cet arrêt de la cour de cassation met en évidence la confrontation du droit de propriété à la notion d’abus de droit.
En l’espèce, M. Clément-Bayard est propriétaire d’un terrain voisin de celui de M. Coquerel, où il a installé un hangar à ballons dirigeables. A la limite de ce hangar, ce dernier a installé quant à lui des carcasses en bois de 10 à 11 mètres de hauteur surmontées de tiges de fer pointues. Lors d’une sortie d’un des dirigeables de M. Clément-Bayard, le ballon a été endommagé par le dispositif mis en place par M. Coquerel. Suite à quoi M. Clément-Bayard intente une action en justice contre M. Coquerel pour abus de droit de propriété.
Par la suite, la cour d’appel d’Amiens condamne le 12 novembre 1913 M. Coquerel à indemniser M. Clément-Bayard des dommages causés à son dirigeable, et à retirer les tiges de fer qui surplombaient les carcasses de bois. Coquerel se pourvoit alors en cassation et souhaite que soit annulée la décision de la cour d’appel d’indemniser son voisin et de retirer ses tiges de fer. Face à lui, M. Clément-Bayard, le défendeur, demande le rejet du pourvoi et souhaite que lui soit indemnisés les dommages causés à son ballon et la suppression du dispositif de clôture.
En cassation, M. Coquerel, le demandeur, indique une violation des articles 544 et suivant et 552 du Code civil qui mettent en évidence la possibilité pour un propriétaire de disposer de son bien de la manière la plus absolue tant que ce dernier n’exécute aucun aménagement, qui occasionne une gêne pour le propriétaire voisin, dans les limites de sa propriété, ce qui n’était pas le cas. De plus, il indique de la même manière une violation de l’article 1382 du Code civil qui stipule que le juge ne doit admettre les présomptions qui ne sont pas établies par la loi, que si elles sont graves, précises et concordantes, dans les cas seulement où la loi admet la preuve par tout moyen ce qui n’était pas le cas dans cette affaire.
Le défendeur lui, basait son argumentation principalement sur l’article 7 de la loi du 20 avril 1810, qui déclare que : “s’il est loisible au propriétaire d’un fonds de chercher à en tirer le meilleur parti possible et si la spéculation est par elle-même et en elle-même un acte parfaitement licite, c’est à la condition que les moyens employés pour la réaliser ne soient pas illégitimes et inspirés exclusivement par une intention malicieuse”. Or dans ce cas-ci, l’installation de cette clôture ne présentait aucune utilité pour le demandeur, et paraissait avoir été construite dans l’unique objectif de nuire au défendeur.
Ces arguments exposés, le juge de la cour de cassation décide de ne pas contredire la décision de la cour d’appel de condamner M. Coquerel, qui n’a pas pu démontrer de quelle manière lui était utile la construction de ce dispositif. Le juge considère alors que l’installation de cette clôture, constitue un abus du droit de se clore, et de surcroit, un abus du droit de propriété.
Cet arrêt de rejet bénéficie d’une importance particulière dans la jurisprudence française car il s’agit du premier arrêt de la Cour de cassation qui applique la théorie d’abus de droit du droit de propriété.
Face à ces observations, il semble fondé de se demander : Le droit de propriété est-il absolu ? La théorie d’abus de droit limite t – elle la possibilité pour le propriétaire de disposer de son bien ? Sur quels critères un juge peut-il admettre qu’il y’a eu abus de droit du droit de propriété ?
Afin de répondre à ces questions, il convient de s’intéresser en premier lieu à un droit de propriété limité par l’application de la théorie d’abus de droit, puis dans un second temps, d’aborder les difficultés que présente la mise en œuvre de cette théorie.
La théorie d’abus de droit, limite à l’exercice absolu du droit de propriété
Dans cette première partie nous verrons dans un premier temps l’application de la théorie d’abus de droit, entrave au caractère absolu du droit de propriété, puis dans un deuxième temps nous parlerons du fondement de cette théorie sur le motif d’intention de nuire.
L’abus de droit, limite au droit de propriété
Le droit de propriété est historiquement né à l’époque de la révolution française. Epoque à laquelle le droit de propriété s’inscrit dans l’article 17 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen comme étant : “ un droit sacré et inviolable, dont nul ne peut être privé”.
A cette époque, le but de ce droit était de garantir aux propriétaires une protection juridique de leurs biens, une protection face à une éventuelle mainmise de l’Etat notamment.
Le droit de propriété présente un caractère naturel dans ce contexte-là : le droit de propriété serait donc un droit fondamental de l’Homme. Ainsi nous comprenons la place de ce droit de propriété dans le code civil français. L’article 544 de ce même code indique que : “La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue” Il s’agit de l’usus, fructus et abusus : le propriétaire a le droit de disposer de son bien comme il le souhaite, d’en tirer un bénéfice ou encore de s’en séparer.
L’article 552 du code civil indique que : ”Le propriétaire peut faire toutes les plantations et constructions qu’il juge à propos”. Ainsi cet article du code civil français permet au propriétaire de se clore. M. Coquerel paraissait donc avoir le droit, selon cet article, d’ériger son dispositif et était totalement dans son droit.
Cependant, la conception absolutiste du droit de propriété a dû évoluer au fil des ans en raison de nécessitées sociales qui ont amenés
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