Commentaire Société Le Béton
Commentaire d'arrêt : Commentaire Société Le Béton. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar anna12341 • 27 Septembre 2020 • Commentaire d'arrêt • 2 375 Mots (10 Pages) • 4 381 Vues
Commentaire d’arrêt
Conseil d’Etat, 19 octobre 1956 Société Le Béton
C’est au début du XXe siècle que Léon Duguit se réfère au critère d’affectation à un service public pour déterminer qu’un bien appartient au domaine public : « Le principe de la distinction entre le domaine public et le domaine privé répond à la distinction des activités qui sont ou non érigées en service public ». L’arrêt Société « Le Béton » rendu le 19 octobre 1956 par le Conseil d’Etat a effectivement retenu cette solution doctrinale parmi d’autres quant aux critères de détermination de la domanialité publique.
C’est à l’occasion de cet arrêt du 19 octobre 1956 Société Le Béton que le Conseil d’Etat va se positionner concernant la distinction entre le domaine privé et le domaine public, et va donner une définition nouvelle de la domanialité publique.
Dans cet arrêt, l'Office National de la Navigation qui est une personne morale de droit public, s'est vu concédée par l'Etat, par un décret du 4 février 1932, la gestion et l'aménagement du port fluvial de Bonneuil-sur-Marne dans le cadre d'une délégation de service public. Conformément au cahier des charges annexé à ce décret, l’Office National de la Navigation a conclu un contrat de location d'une partie des terrains concédés avec la société Le Béton, les 24 juin et 27 juillet 1937. Aux termes du contrat, la société Le Béton devait y exercer temporairement une activité industrielle et commerciale. En cela, elle devait aménager un port industriel sur un terrain dépendant du port fluvial. Lors de l'exécution du contrat de location, un différend est apparu entre l'Office National de la Navigation et la société Le Béton.
En première instance, le Conseil de préfecture de la Seine a condamné par décret du 2 avril 1952 la société Le Béton à verser à l’Office National de la Navigation une indemnisation équivalente à 716.263 francs avec intérêts. La société Le Béton a interjeté appel devant le Conseil d’Etat en demandant à la haute juridiction d’annuler cet arrêté lui imposant d’indemniser l’Office National de la Navigation. Au terme de ce litige, la société « Le Béton » requérante, invoque que le contrat de location passé avec l’Office National de la Navigation est un contrat de droit privé car la partie du terrain concédée appartient au domaine privé de celui-ci. Elle demande alors au Conseil de préfecture de la Seine de se déclarer incompétent puisque selon elle, la situation devrait être régie par un tribunal judiciaire.
Le Conseil d’Etat estime finalement dans sa décision que les terrains, participant effectivement au fonctionnement du port, font partie du domaine public. En ce sens, le litige en question relève du droit administratif. Le Conseil de préfecture de la Seine est alors en effet compétent pour connaitre de ce litige.
Dans cette décision de rejet, le Conseil d’Etat devait alors trouver si la situation juridique en cause satisfaisait les critères de rattachement d’un bien au domaine public d’une personne publique. Le Conseil d’Etat est alors amené à se demander si l’affectation d'un bien au service public peut participer à le faire entrer dans le domaine public d'une personne publique.
Ainsi, des critères de rattachement au domaine public existaient déjà, comme l’usage direct du public[1]. La jurisprudence le Béton introduit ici la possibilité de consacrer un nouveau critère déjà rencontré ponctuellement dans une jurisprudence antérieure[2], qui est un critère relatif au service public.
L'arrêt de rejet Société Le Béton consacre avant tout un élargissement de la domanialité publique à la notion de service public (I). Néanmoins, cet élargissement est limité puisque le Conseil d'Etat a théoriquement consacré l'existence d'un critère se révélant réducteur qui est le critère de l’aménagement spécial (II). En cela, le Conseil d’Etat va rendre, sans le vouloir, une jurisprudence incontestablement paradoxale.
L’affectation au service public comme nouveau critère de domanialité publique
Dans un premier temps, le Conseil d’Etat démontre que le bien dont il était question ne relevait pas du domaine privé de l’Etat, mais de son domaine public (A). Ainsi, certains éléments ont été relevés, lui permettant d’affirmer que ce bien était effectivement affecté à un service public (B).
- L’attribution du bien au domaine public
Dans les faits d’espèce, l’Etat a conclu un contrat de concession avec l’Office National de la Navigation, que la société Le Béton a par la suite remplacé. Or, aux termes de ce contrat, le bien était soumis au domaine privé de l’Etat. L’enjeu pour le Conseil d’Etat a alors été dans un premier temps de situer le bien dans le domaine public de l’Etat pour fonder la poursuite de son raisonnement. Le Conseil d’Etat a alors contredit l’idée avancée par la Société Le Béton selon laquelle, lorsque l’Etat cède un bien de son domaine privé à une personne publique, il s’insère alors logiquement dans le domaine privé du concédé.
Aussi, aux termes du décret portant sur la concession du bien, la location ne pouvait être que temporaire, et le terrain ne pouvait pas sortir du patrimoine de la personne publique. Ainsi, l’exploitation dont l’Etat a chargé l’Office Nationale de la Navigation est régie par un système spécial et non pas un régime de droit commun. Le contrat de location du terrain présente donc deux caractéristiques. Premièrement, il y a une prise en charge du bien par une personne publique, même si l’activité litigieuse est exécutée par un organisme de droit privé. Deuxièmement, il y a application d’un régime spécial prévu dans le cahier des charges annexé au décret.
Pour démontrer que le terrain était affecté logiquement au service public, il restait au Conseil d’Etat de prouver le motif de satisfaction de l’intérêt général que poursuivait son aménagement. De ce fait, il pouvait logiquement affecter le terrain au service public.
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- L’affectation du bien à un service public
Poursuivant son raisonnement, le Conseil d’Etat constate que l’Etat a concédé le port fluvial à l’Office National de la Navigation dans un but d’intérêt général qui est celui de construire un port industriel. Il explique notamment que, sous régime de ce décret, la partie de terrain en cause est effectivement un élément de l’organisation que constitue le port et qu’ainsi, cette partie de terrain est « affectée à l’objet d’utilité générale qui a déterminé la concession à l’Office National de la navigation ». Dès lors, toute partie de ce terrain a vocation à satisfaire le même objet d’intérêt général. Or, les terrains loués à la société industrielle Le Béton sont bien une partie du terrain concédé et doit donc subir le même régime que ce dernier : « la partie des terrains que groupe le port industriel constitue l’un des éléments de l’organisation d’ensemble que forme le port de Bonneuil-sur-Marne ; qu’elle est dès lors, au même titre que les autres parties de ce port, affectée à l’objet d’utilité général […] »
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