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Commentaire Dieudonné CE

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Par   •  21 Mars 2016  •  Dissertation  •  4 385 Mots (18 Pages)  •  1 026 Vues

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   « La liberté est la règle, la restriction de police l'exception » (Corneille, commissaire du Gouvernement dans ses conclusions sous l'arrêt Baldy du 10 août 1917). Cette maxime, symbole du libéralisme juridique et politique ayant été source d’inspiration pour la  jurisprudence du Conseil d'État depuis cet arrêt, « dont l'oeuvre volontariste et séculaire pour la protection des libertés publiques doit être reconnue, porte en elle, malgré sa clarté et la force qui s'en dégage, les germes et les termes d'une dialectique rendant malaisée son application. » (C.Tukov)

    C’est dans ce cadre de que s’inscrit l’ordonnance du 9 janvier 2014 Ministre de l’intérieur c/ Dieudonné M’Bala M’bala, ayant trait à l’interdiction par le juge administratif des référés d'un spectacle au motif du risque sérieux que soient portées de graves atteintes au principe du respect de la dignité humaine. Cet arret pose la question de la conciliation entre liberte d’expression et maintien de l’ordre public.

   

   En l’espèce, un arrêté du 7 janvier 2014 du préfet de la Loire-Atlantique portait interdiction d’un spectacle du 9 janvier 2014. Pour ce faire, le préfet a mis en avant que la représentation précédemment interprétée comprend des propos antisémites incitant à la haine raciale et faisant, en méconnaissance du principe de dignité de la personne humaine, l’apologie des discriminations, persécutions et exterminations commis lors de la Seconde Guerre mondiale.      

   De plus, l’intéressé, interprète, a déjà fait l’objet de neuf condamnations pénales pour de tels propos, dont sept définitives. Enfin, pour motiver sa décision, le préfet a mis en exergue que les réactions à la tenue du spectacle , créant un climat de tensions, constituaient un risque sérieux de trouble à l’ordre public qu’il serait difficile de contenir pour les forces de police.

   La société ayant organisé l’évènement ainsi que l’interprète du spectacle saisissent les juridictions administratives d’un référé liberté demandant l’annulation de la décision

    En conséquence de cela, l’arrêté a vu son exécution suspendue par l’ordonnance du 9 janvier 2014 du juge des référés du tribunal administratif de Nantes, qui a fait droit à la requête présentée sur le fondement de l’article L521-2 du code de justice administrative et y ajouta des conclusions relatives à l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

    Le ministre de l’intérieur releva appel de cette décision, demandant au Conseil d’Etat d’annuler l’ordonnance ainsi que les conclusions s’y rapportant.

            Ainsi, la question de droit posée à la Haute juridiction consiste à savoir en quoi une mesure de police administrative interdisant la représentation d'un spectacle du fait d'un risque de trouble à l'ordre public est-elle attentatoire aux libertés fondamentales? La liberte d’expression portant une atteinte  a l’ordre public justifiait l’interdiction du spectacle.

« La liberté, c’est le respect des droits de chacun; l’ordre, c’est le respect des droits de tous. » estimait Eugène Marbeau. Face à cette difficile conciliation entre les deux notions, le juge des référés du Conseil d’Etat répond par la négative et donne raison au ministre de l’intérieur faisant primer l’ordre public sur les libertés fondamentales.

   La Haute juridiction met en exergue qu’aux termes de l’article L.521 – 2 du CJA, il appartient au juge administratif des référés d’ordonner toutes les mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale méconnue par une autorité administrative.  Il faut toutefois mettre en exergue le caractère grave et manifestement illégal à l’origine de l’atteinte portée à ladite liberté.

   En outre, la liberté d’expression est une composante importante de la démocratie, et garanti le respect des autres droits et libertés, il appartient donc aux autorités de police administrative de prendre toutes les mesures nécessaire à l’exercice de cette liberté de réunion. Toute atteinte portée à ces libertés fondamentales dans l’intérêt de l’ordre public doit être nécessaire, adaptée et proportionnée.

   En l’espèce, la réalité et la gravité des risques de trouble à l’ordre public sont effectivement établis, et les arguments selon lesquels les propos litigieux pénalement répréhensibles et mettant en cause la cohésion nationale ne seraient pas pris dans le spectacle en question ne suffisent pas pour écarter de ce risque sérieux d’atteinte au respect des valeurs et principes consacrés par la DDHC et par la tradition républicaine, notamment celui de dignité de la personne humaine.

   Ainsi, étant donné qu’il appartient à l’autorité administrative de prendre les mesures nécessaires pour éviter la commission d’infractions pénales, le préfet n’a pas commis d’illégalité grave et manifeste dans l’exercice de ses pouvoirs de police administrative.

    En définitive, c’est à tort que le tribunal administratif a fait droit à une telle requête. Il s’en suit donc l’annulation cette ordonnance, y compris des conclusions relatives à l’article L.761-1 du CJA. La nouvelle ordonnance sera exécutoire dès qu’elle sera rendue, en application de l’article R. 522-13 du CJA.

 La problématique mise en exergue par la Haute juridiction tourne ainsi autour de la conciliation entre protection de l’ordre public et garantie des libertés fondamentales. Dans cette décision innovante, le Conseil d’Etat a ainsi caractérisé une atteinte à l’ordre public  « traditionnelle » avant de pousser plus loin l’argumentation, fondant sa décision sur une appréciation subjective de la notion d’ordre public et ses éventuels risques de troubles (I), entrainant ainsi une appréciation plus souple de ce trouble, dans le cadre d’une intervention préventive administrative (II).

I-Une appréciation subjective de l’ordre public marqué par la notion de dignité de la personne humaine

Le Conseil d’Etat en l’espèce  élargie la notion d’ordre public en prenant en compte la moralité, constatant l’atteinte à la dignité humaine par des propos répréhensibles (A) constituant d’éventuels troubles à l’ordre public matériel et immatériel (B).

  1. L’incorporation de la moralité dans l’ordre public : le risque d’atteinte à la dignité humaine sanctionné

Pour justifier de la légalité de l’interdiction prononcée par le préfet de la Loire-Atlantique, la décision Dieudonné du 9 janvier se fonde particulièrement sur le risque sérieux d’atteinte « au respect des valeurs et principes, notamment de dignité humaine »

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