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Commentaire Conseil d’État, N° 395911, 5ème - 4ème chambres réunies, lecture du vendredi 28 juillet 2017

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Par   •  30 Novembre 2022  •  Commentaire d'arrêt  •  2 482 Mots (10 Pages)  •  282 Vues

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Commentaire d'arrêt :

Commentaire Conseil d’État, N° 395911, 5ème - 4ème chambres réunies, lecture du vendredi 28 juillet 2017

        Il s'agit d'un arrêt des quatrième et cinquième chambre du Conseil d'Etat, en date du 28 juillet 2017, portant sur la validité d'une expulsion, avec délais d'un mois, d'occupants sans droit ni titre d'un immeuble appartenant au domaine public.

        En l'espèce, l'Etat est propriétaire à Toulouse d'un ensemble immobilier qu'il a été donné en bail à une association d'aide au logement pour les personnes en situation d'extrême précarités. A la suite de l'occupation par des familles d'un des bâtiments en question, le préfet de la Haute-Garonne a saisi le tribunal administratif de Toulouse afin de demander l'expulsion, dans un délais de 24heures, des résidents sans droit ni titre de cette dépendance du domaine public. A défaut, ceux-ci seront expulsés par le concours de la force publique, sans délais, et se verront séquestrer leurs biens présents sur les lieux dans un garde-meuble. Le tribunal administratif a rendu un jugement en date du 29 juin 2012, décidant que l'immeuble devait être libéré dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement aux occupants ou de son affichage dans l'immeuble en question. Les autres requêtes du préfet ont cependant été rejetées.

Une requérante a fait appel de ce jugement, et la cour administrative d'appel de Bordeaux a rendu un arrêt annulant le jugement du 29 juin 2012, au motif que la demande du préfet a été portée devant un ordre de juridiction incompétent dans cette affaire.

Le ministre de l'intérieur a fait une demande de contentieux auprès du Conseil d'Etat qui, par une décision du 6 mars 2015, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux et renvoyé l'affaire devant cette cour.

Par un arrêt du 3 novembre 2015, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rendu les mêmes conclusions que lors de son premier jugement ; elle a annulé la décision du 29 juin 2012 au motif que la demande du préfet de la Haute-Garonne a été faite devant un ordre de juridiction incompétent.

Le ministre de l'intérieur engage donc un nouveau recours auprès du Conseil d'Etat, le 5 janvier 2016, afin de demander l’annulation du jugement de la cour administrative d'appel de Bordeaux, ainsi que le règlement au fond de l'affaire ; le rejet de la demande de la requérante.

        Le tribunal administratif est-il compétent pour traiter d'une demande d'expulsion de résidents sans droit ni titre d'un bien immeuble appartenant au domaine public de l'Etat ? Les conditions nécessaires à la demande d'expulsion ont-elles alors été respectées ?

        Le Conseil d'Etat a répondu par la positive au motif qu'il n'y a pas eu de déclassement clairement édicté permettant de dire que le bien n'appartient plus au domaine public au moment de la notification du jugement du tribunal administratif de Toulouse, que donc la juridiction invoquée par le préfet est compétente étant donné l'appartenance au domaine public de l'Etat du bien en question, et que le délais proposé est envisageable dans la mesure où l'Etat propose un logement d'urgence en contrepartie de cette expulsion et dans la mesure où une situation d'urgence existe, justifiant cette demande d'expulsion.

  1. La détermination de l'ordre juridique compétent en la matière

A. L'appartenance du bien au domaine public

        La cour administrative d'appel de Bordeaux a, à deux reprises, déclaré le juge administratif incompétent pour statuer sur la demande du préfet de la Haute-Garonne. En effet, par ses arrêts des 7 mars 2013 et 3 novembre 2015, la cour administrative d'appel de Bordeaux a  annulé le jugement du 29 juin 2012 du tribunal administratif de Toulouse et rejeté la demande présentée par le préfet de la Haute-Garonne devant ce même tribunal « comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ».

Cependant, afin de déterminer l'ordre juridique compétent, il faut avant tout s'assurer que le bien immeuble en cause appartient bien au domaine public à l'origine. L'article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques dispose que : « Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L . 1 est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public », l'article L.1 s'appliquant « aux biens et aux droits, à caractère mobilier ou immobilier, appartenant à l'Etat, aux collectivités territoriales et à leurs groupements, ainsi qu'aux établissements publics ». En l'espèce, l'ensemble immobilier considéré a été donné à bail à une association effectuant un service public, qui a utilisé et occupé les lieux durant plusieurs années, comme en dispose le premier considérant de l'arrêt étudié. De plus, la requérante a précisée que des aménagements ont été faits par l'association en vu du bon fonctionnement du service public rendu. Il s'agit donc réellement d'un bien immeuble ayant servi à un service public, pour lequel des aménagements ont été effectués, et appartenant par conséquent au domaine public de l'Etat, selon les modalités stipulées à l'article L. 2111-1 précité.

B. La question de la juridiction administrative compétente

        La cour administrative d'appel de Bordeaux a considéré que, l'immeuble en cause ayant fait l'objet d'un déclassement pris par le préfet de la Haute-Garonne le 30 mai 2015, la compétence en matière de jugement revenait dès lors au juge judiciaire. En effet, d'après l'article L. 2141-1 du code général de la propriété des personnes publiques, entré en vigueur le 1er juillet 2006, aux termes de l'article 13 de l'ordonnance du 21 avril 2006 : « Un bien d'une personne publique mentionnée à l'article L.1, qui n'est pas plus affecté à un service public ou à l'usage direct du public, ne fait plus partie du domaine public à compter de l'intervention de l'acte administratif constatant son déclassement », l'article L.1 s'appliquant « aux biens et aux droits, à caractère mobilier ou immobilier, appartenant à l'Etat, aux collectivités territoriales et à leurs groupements, ainsi qu'aux établissements publics ».

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