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CE, ass., 12 oct. 2018, SARL Super coiffeur, req. n° 408567

Commentaire d'arrêt : CE, ass., 12 oct. 2018, SARL Super coiffeur, req. n° 408567. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  6 Novembre 2019  •  Commentaire d'arrêt  •  4 967 Mots (20 Pages)  •  7 042 Vues

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        « Les « actes de Gouvernement », en droit administratif, sont des actes qui échappent à tout recours contentieux en annulation ou en indemnisation, car ils touchent soit aux rapports entre pouvoirs constitutionnels de notre Pays, soit ce qui n’est pas détachable de la conduite         des relations internationales de la France. » Conformément à son arrêt Prince Napoléon du 19 février 1875 ; le Conseil d’État s'inscrit dans une tradition juridique qui veut que l'acte de gouvernement échappe à la compétence de contrôle du juge administratif. Sa décision d'assemblée le 13 octobre 2018 SARL Super-coiffeur illustre la perdurance de cette incompétence.

En l’espèce, l'Office Français de l'Immigration et de l'Intégration (OFII) a estimé qu'une société ayant fait l'objet d'un contrôle employait illégalement deux travailleurs clandestins. L'Office a ainsi émis des titres de perception à l'encontre de la société en vue du paiement de la contribution spéciale prévue à l'article L.8253-1 du Code du travail et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement conformément à l'article L.626-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La société, ayant bénéficié d'une décision judiciaire de relaxe pour  les faits susvisés, a saisi le Tribunal administratif d'une demande d'annulation des titres de perception. Le Tribunal administratif n'ayant que déchargé partiellement le demandeur, celui-ci va conjointement interjeter appel avec l'OFII. La Cour administrative d'appel de Paris va rejeter les conclusions de la société requérante aux fins d'annulation des sanctions susvisées.

Le prévenu précise dans son pourvoi en cassation, d'une part que les sanctions administratives étaient contraires à la règle du ne bis in idem consacrée à l'article 4 du protocole n°7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen. D'autre part, estimant que la réserve d'interprétation émise par la France à l'égard de l'article en question est contraire à l'article 57 de la convention, il demande la saisine de la Cour européenne des droits de l'Homme pour caractériser l'opposabilité de l'acte au cas d'espèce. Le cas échéant, il demande l'annulation de la sanction en raison de la méconnaissance du principe d'autorité de la chose jugée. Le Conseil d’État devra répondre de la conformité d'un contrôle de validité par le juge administratif d'une réserve d'interprétation inscrite en marge d'une convention internationale. Il jugera ensuite si le principe d'autorité de la chose jugée contre-indique ou non le cumul d'une décision judiciaire de relaxe avec une sanction administrative basé sur les même faits.

Une sanction administrative ayant suivi une décision judiciaire de relaxe basé sur les mêmes faits, est-elle conforme tant à l'article 4 du protocole n°7 de la COESDH assorti de sa réserve, qu'au principe d'autorité de la chose jugée ?

Ne lui appartenant pas de répondre de la validité d'une réserve d'interprétation, le Conseil d'État déclare que l'article est opposable au prévenu, et applicable à la lumière de la réserve d'interprétation. De droit, une sanction administrative ayant suivi une décision judiciaire de relaxe basée sur les même faits est conforme tant à l'article 4 du protocole n°7 de la Convention, qu'au principe d'autorité de la chose jugée. Par un arrêt d'assemblée, les juges du fonds rejettent le pourvoi de la société requérante.

La règle ne bis in idem est consacré à l'article 4 du protocole n°7 de la convention. La doctrine définit la règle comme « l’interdiction de poursuivre des faits à propos desquels la justice répressive a définitivement statué ».[1]  

En droit français, l’autorité de la chose jugée se définie comme l’autorité « attachée à un acte de juridiction, servant de fondement à l’exécution forcée du droit judiciairement établi et faisant obstacle à ce que la même affaire soit à nouveau portée devant un juge » ; ou comme « l’ensemble des effets attachés à la décision juridictionnelle, telle la force de vérité légale ».[2] 

Nombreux sont les auteurs qui assimilent pratiquement les deux notions.[3] En l'exemple de Raymond Gassin, évoquant que « le sort de l’action publique au regard de l’autorité de la chose jugée est dominé par la règle ne bis in idem selon laquelle nul ne peut être poursuivi à nouveau pour un fait

qui a déjà donné lieu à un acquittement ou à une condamnation à une peine plus légère ».[4]

La réserve, ici entendue en tant que réserve à un traité international, exprime la volonté d'un Etat à modifier la portée ou à en écarter l'application en certains cas d'espèces de certaines stipulations d'un traité. La signature du traité conformément à la réserve est présumé indissociable du consentement à accueillir la convention internationale.[5] Elles sont, par nature, au carrefour du droit interne et international.

Il parait opportun de relever que le juge administratif a fais preuve de réticence à interpréter le droit international. Il a fallut attendre les années 1990 pour lui concéder cette simple compétence d'interprétation des textes internationaux (CE, Ass., 29 juin 1990, GISTI). Auparavant, quand un doute subsistait, les magistrats se tournaient vers le Ministre des affaires étrangères qui transmettait son interprétation de la norme contraignant les juges à s'y plier. (CE, 3 juillet 1933, Karl et Toto Samé). Les contrôles d'actes internationaux s'inscrivant dès lors dans les sphères diplomatiques et des relations internationales témoignent d'un contrôle prudent du magistrat. (CE, 4 novembre 1970, De Malgaive ; CE, Ass, 11 avril 2002, GISTI et FAPIL ; CE, 18 décembre 1998, SARL du parc d'activités de Blotzheim …). La jurisprudence administrative confirme qu'il ne relève pas de sa compétence d'en contrôler la validité. (CE, 8 juillet, Commune de Porta.) Le juge se contente d'appliquer la règle telle qu'elle quand les conditions d'application et d'applicabilité sont réunies, conformément à l'article 55 de la Constitution, à la lumière des réserves d'interprétations assimilées également à des actes de gouvernement (CE, 26 décembre 2008 Gonzales-Castrillo).

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