CE 12 février 2020, n°418299, conseil d'etat Commentaire d'arrêt
Commentaire d'arrêt : CE 12 février 2020, n°418299, conseil d'etat Commentaire d'arrêt. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar jdgjdgd • 28 Septembre 2021 • Commentaire d'arrêt • 1 782 Mots (8 Pages) • 1 418 Vues
14,5/20: Très bon commentaire d’arrêt. Vous avez su analyser avec rigueur le sens, la valeur et la portée de la décision rendue. Il aurait été judicieux d’approfondir sur les jurisprudences relatives aux signes religieux manifestes ainsi que sur le récent arrêt rendu par la Cour de cassation en ce sens. Poursuivez ainsi.
Commentaire d’arrêt n°2 / Droit administratif
Imane Rafai
- Le combat de la laïcité est compliqué, réclame patience et pédagogie. Mais il n’est pas perdu
d’avance. » Michel Winock
Les vives réactions qu’a suscité la décision rendue le 12 février 2020 par le Conseil d’Etat et ce, depuis le début de la procédure, - tant le sujet de la religion et des services publics est controversée - illustrent parfaitement les propos de Michel Winock, spécialiste de l’histoire de la République française. La Haute juridiction administrative vient ainsi préciser les règles relatives à la délicate mise en oeuvre du principe de laïcité et du devoir de neutralité, au sein de la fonction publique.
En l’espèce, M. A - ressortissant égyptien - est accueilli le 30 septembre 2013 en tant que praticien stagiaire associé, au sein du service de chirurgie générale du centre hospitalier de Saint-Denis. A la suite de son arrivée, le directeur lui demande de tailler sa barbe jugée particulièrement
- imposante » afin « d’en supprimer le caractère ostentatoire » et donc à connotation islamiste selon le personnel hospitalier. Face au refus de l’intéressé, le directeur décide de résilier la convention de stage du praticien le 13 février 2014.
En découle la saisine du Tribunal administratif de Montreuil le 13 février 2014, par M. A afin d’annuler la décision-sanction de résiliation du stage. Débouté de sa demande, le demandeur décide d’interjeter appel devant la cour administrative d’appel de Versailles le 19 décembre 2017 mais en vain. En effet, bien qu’ils ne qualifient pas la barbe en tant que telle de signe ostentatoire, les juges du fond estiment que les refus réitérés face à la demande du directeur de tailler la barbe en question et la perception que s’en est faite le personnel hospitalier, suffisent à caractériser la manifestation de convictions religieuses. De ce fait, le requérant se pourvoit en cassation devant le Conseil d’Etat le 12 février 2020.
Ainsi, il incombe au juge de savoir si le seul port d’une barbe imposante par un agent public est-il objectivement un signe ostentatoire, incompatible avec le principe de laïcité ?
Le 12 février 2020, les juges du droit répondent par la négative en cassant l’arrêt d’appel. En effet, le juge administratif considère que la cour administrative d’appel de Versailles a entaché son arrêt d’erreur de droit, puisque les circonstances de l’espèce étaient insuffisantes pour caractériser la manifestation de convictions religieuses dans le cade du service public.
Pour parvenir à cette solution, le CE affirme le principe de laïcité comme une neutralité qui
s’impose aux agents publics (I), et précise les conditions dans lesquelles le port d’une barbe peut légalement être considéré comme ostentatoire, afin d’éviter une exagération du principe. (II)
Bonne introduction dans l’ensemble. Approfondissez légèrement la solution du CE.
I - L’affirmation du principe de laïcité comme une neutralité
La Haute juridiction administrative rappelle l’importance du respect strict des principes républicains au sein des services publics (B), tout en nuançant son application en qualifiant la barbe en tant que telle, comme non ostentatoire. (B)
A. L’obligation stricte de neutralité des agents publics
- Article 1er de la Constitution -> principe de laïcité = interdiction de manifester dans l’exercice de ses fonctions sa foi, notamment en portant un signe ostentatoire, cela constitue un manquement susceptible de sanction. Principe réaffirmé par le célèbre arrêt Demoiselle Marteaux (CE avis, 3 mai 2000, n° 217017). Cette interdiction a été étendue aux personnes privées, dès lors qu’elles gèrent un service public (CE, 19 mars 2013, Baby Loup)
- Les stagiaires sont également soumis à cette obligation, étant assimilés aux agents publics comme le souligne un arrêt récent concernant les élèves infirmiers (CE 28 juillet 2017, n° 390740)
-> en l’espèce, la soumission du médecin stagiaire aux mêmes obligations que celles pesant sur les agents du service public hospitalier est admise aussi bien par les juges du fond que les juges
du droit. oui
- L’agent public bénéficie de la liberté de conscience qui interdit toute discrimination dans l'accès aux fonctions ou encore dans la prononciation de sanctions (CE, 3 mai 1950, Demoiselle Jamet). Cependant le principe de laïcité fait obstacle à ce qu'ils manifestent leurs croyances religieuses dans le cadre du service public.
- De la JP relative à l’interdiction du port de signe religieux dans l’enseignement a émergé 2 catégories de signes : « matériels » (càd ostensibles : voile, kippa etc) et « par
destination » (càd ostensibles qu’à raison du comportement de la personne l’arborant, cf. CE 5 décembre 2007, n° 295671, Ghazal, Lebon)
De ce fait, le juge doit vérifier si le stagiaire a manifesté ses croyances des l’exercice de ses fonctions afin de déterminer si, oui ou non, le port de la barbe est contraire au principe de neutralité, précisant ainsi son application.
B. La barbe en tant que telle, un signe - per se - non ostentatoire
- Pour la CAA comme le CE, il y a absence de dimension religieuse dans la barbe en tant que telle : « La barbe que M. A portait ne pouvait (…) être regardée comme étant par elle-même un signe d’appartenance religieuse ».
- C’est le caractère subjectivement religieux de celle-ci que le CE a jugé. Il estime que la barbe fait partie des signes « par destination » et donc qu’il doit exister une intention du porteur, de par son comportement, de lui donner cette signification d’appartenance religieuse et donc affirmer qu’il y a violation du ppe de laïcité. (cf. TA, Cergy Pontoise, 12 décembre 2008, Najatt
Kaddouri, Req. n° 054004).
Donc, pour être contraire au principe de laïcité, il est absolument nécessaire qu’un comportement (tel qu’un acte de prosélytisme) accompagne le port de la barbe pour manifester des convictions religieuses. En l’espèce, aucun acte de ce type n’a été rapporté et le seul refus de tailler cette barbe ne saurait être considéré ainsi.
-> De ce fait, le port de la barbe, même quand l’agent est conscient de la perception religieuse que peuvent en faire ses collègues/l’extérieur, n’est pas une manifestation de convictions religieuses :
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