Article 1433 du Code civil
Commentaire de texte : Article 1433 du Code civil. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar illemica17 • 4 Avril 2017 • Commentaire de texte • 4 195 Mots (17 Pages) • 1 211 Vues
Robert-Joseph Pothier, jurisconsulte français du XVIIème siècle affirmait dans son Traité de
la communauté de 1770 que le mari pouvait « laisser les prescriptions s'accomplir, dégrader les
héritages, briser les meubles, tuer les animaux par brutalité ».
Cette citation illustre nos anciennes coutumes selon lesquelles le mari était seigneur et
maître de la communauté. Si les actes d'administration pouvaient être librement faits par lui, il en
allait de même pour les actes de disposition à titre gratuit aussi bien qu'à titre onéreux.
Les rédacteurs du Code civil jugèrent préférable le maintien des structures traditionnelles. Jean Jacques Régis de Cambacérès, déclara d'ailleurs à ce propos que supprimer la domination
patriarcale « détruirait le charme de la vie domestique ». Le mari demeura donc chef de la
communauté.
Bien qu'au cours du XIXe siècle, les textes n'aient pas changé, des premières brèches à la
prépondérance du mari vont venir s'installer, notamment grâce à la pratique
notariale et la jurisprudence.
Le législateur va alors suivre le mouvement par quelques avancées légales. Par une loi du 13 juillet
1907 il crée les biens réservés. Ainsi la femme commune en biens qui exerce une activité
rémunératrice indépendante de celle de son époux l'administration peut garder la jouissance et la
disposition des biens acquis par ses gains et salaires.
Ensuite, la loi du 18 février 1938 va être à l'origine de la suppression totale de l'incapacité générale
d'exercice des femmes mariées. La loi du 22 septembre 1942 quant à elle apporte certaines
restrictions importantes à la suprématie du mari.
Cependant il faudra attendre la loi n°65-570 du 13 juillet 1965 pour opérer un réel changement.
Celle-ci opte pour une nouvelle communauté réduite aux acquêts rénovée tant à propos de la gestion
des biens que pour leur répartition entre les trois masses.
C'est dans ce contexte donc que cette loi de 1965 a instauré un mécanisme devenu aujourd'hui essentiel en droit des régimes matrimoniaux qui est celui des récompenses.
Elle permet en effet d'instaurer le nouvel article 1433 dans le Code civil selon lequel « la communauté doit récompense à l'époux propriétaire toutes les fois qu'elle a tiré profit de biens propres.
Il en est ainsi, notamment, quand elle a encaissé des deniers propres ou provenant de la vente d'un propre, sans qu'il en ait été fait emploi ou remploi.
Si une contestation est élevée, la preuve que la communauté a tiré profit de biens propres peut être administrée par tous les moyens, même par témoignages et présomptions ».
Le texte se trouve dans le livre III : des différentes manières dont on acquiert la propriété, titre V : du contrat de mariage et des régimes matrimoniaux, chapitre II : du régime en communauté, première partie : de la communauté légale, section 2 : de l'administration de la communauté et des biens propres.
On comprend ainsi aisément la place occupée par l'article 1433 dans le Code civil en ce qu'il permet, sous un régime de communauté, d'établir l'équilibre des patrimoine propres des époux et de leur patrimoine commun. Il permet ainsi d'éviter que la masse de biens commune ne se trouve, au moment du partage, augmentée ou diminuée au détriment, ou au profit du patrimoine propre de l’un des époux.
En établissant un commentaire de ce texte il conviendra de voir, comment le législateur a-t-il par le biais de l'article 1433 du Code civil tenté d'établir un équilibre des patrimoines propres de époux et de leur patrimoine commun ?
I/ Mécanisme de récompense de la communauté envers un époux
A) Le champ d'application général de l'article 1433 du Code civil
Avec l'article 1433 du Code civil le législateur instaure un mécanisme de récompense entre les époux et la communauté. Telle est l'idée phare du texte. C'est d'ailleurs pour cette raison que le législateur débute son texte par la formule explicite « la communauté doit récompense » dans l'alinéa 1er. Par le recours au verbe « devoir » le texte impose bien la notion d'obligation. C'est ainsi que le mécanisme de la récompense prend son importance.
Mais alors comment comprendre ce procédé technique qu'est la récompense ? Nous sommes ici dans le cas du régime de communauté. Il s'agit en fait d'une communauté d'acquêts, qui est le régime légal des époux mariés sans contrat. Dans ce régime, seuls les biens acquis pendant le mariage sont communs, à l'exception toutefois des biens qui ont été donnés ou légués sous réserve qu'ils ne tombent pas en communauté. Les autres biens restent des biens propres[1]1. Dans ce cas de figure, il existe souvent des transferts de valeurs entre les différents patrimoines. Ainsi, il y a lieu à récompense chaque fois que la communauté s'est enrichie aux dépens du patrimoine personnel d'un époux.
Attention, la règle édictée par l'article 1433 n'est pas d'ordre public. C'est d'ailleurs plus généralement le cas des règles relatives à la liquidation. Ainsi, elles ne s'imposent pas aux époux. Ils peuvent dès lors modifier les règles prévues par le Code civil, en établissant, par exemple, le calcul d'une récompense sur des bases différentes[2]2.
Après avoir d'emblée affirmé le mécanisme de récompense le législateur énonce les cas où celle-ci s'impose. Il vise « toutes les fois qu'elle a tiré profit de biens propres ». C'est une formule très générale. On peut alors supposer que cette généralité est un dessein du législateur pour pouvoir augmenter la portée du texte.
Attardons nous sur la valeur des mots pour comprendre le réel impact du texte.
Le bien propre désigne un meuble ou un immeuble appartenant exclusivement à l'un des époux, soit que ce bien ait déjà fait partie de son patrimoine avant le mariage, soit qu'il l'ait acquis durant le mariage, par succession, donation ou legs, les vêtements et articles d'usages personnel, les actes actions en réparation d'un dommage personnel, et les pensions incessibles[3]3.
En faisant précédé la notion de « bien propre » par la formule « l'époux propriétaire » le législateur insiste sur la notion de propriété exclusive. Il s'agit bien ici de protéger les biens personnels de l'époux puisque le législateur vise le cas où la communauté a « tiré profit » c'est à dire profité, utilisé, exploité, un bien qui lui appartenait pas.
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