Article 1195 du Code civil
Commentaire de texte : Article 1195 du Code civil. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Nour Hammami • 8 Mars 2018 • Commentaire de texte • 2 935 Mots (12 Pages) • 2 302 Vues
L'article 1134 du Code civil dispose que: ”Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi”. Cet article est un écho aux principe de la force obligatoire du contrat à l'égard des parties et du juge. Cependant, un changement de circonstances extérieures non prévues par les parties au moment de la conclusion du contrat peut intervenir. Ceci peut donc poser des difficultés dans les contrats et surtout dans les contrats à exécution successive qui déroulent leurs effets sur la durée.
Ainsi, créé par l’ordonnance du 10 février 2016, l’article 1195 constitue l’une des innovations majeures de la réforme du droit français des contrats en ce qu’il consacre la révision judiciaire des contrats pour imprévision. En fait, à l’exception de quelques textes, principalement issus de directives communautaires et une jurisprudence abondante qui était venue le compléter tout au long des XIXème et XXème siècles, avec de grands arrêts novateurs, le droit des contrats du Code civil de 1804 n’avait pas été modifié en substance depuis plus de deux siècles. D’où, l’idée d’une réforme du droit des obligations était en germe depuis de nombreuses années et plusieurs avant-projets avaient vu le jour au cours de ces dix dernières années, sans pour autant avoir débouché sur une refonte du Code civil. C’est aujourd’hui chose faite et dans l’attente de la loi de ratification dont le projet a été déposé au bureau de l’Assemblée nationale le 6 juillet 2016, l’ordonnance est applicable aux contrats conclus à compter du 1er octobre 2016. Si la doctrine y voit d’une manière générale une codification ”à jurisprudence constante”, tant elle consacre des solutions jurisprudentielles bien ancrées dans notre droit, plusieurs innovations doivent toutefois être relevées dont la révision judiciaire du contrat pour imprévision qui vient compléter le principe de la force obligatoire des contrats réaffirmé au sein des nouvelles «dispositions liminaires » du chapitre premier du livre III.
L’article 1195 intégré dans une sous-section 1 intitulée ”force obligatoire” , appartenant à la première section intitulée ”Les effets du du contrat entre les paries” d’un chapitre IV relatif aux ”effets du contrat” situé sous le sous-titre 1er: ”le contrat” du titre III ”Des sources d’obligations” qui se manifeste dans le livre III: ”Des différentes manières dont on acquiert la propriété” du Code civil, est composé de deux alinéas, chacun divisé en deux phrases. Il dispose: ”Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation. En cas de refus ou d'échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu'elles déterminent, ou demander d'un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d'accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d'une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu'il fixe.” De facto, l’alinéa 1 de cet article prévoit en substance qu’en cas de changements économiques, les parties renégocient le contrat. Cependant, l’innovation majeure apportée par l’article vient de sa consécration de la révision judiciaire du contrat in fine. Cette consécration de la révision judiciaire du contrat pour imprévision paraît ainsi répondre à l’objectif de modernisation et d’attractivité de la matière et du code assigné à la réforme.
Il semble, en effet, trancher radicalement avec le droit français actuel, toujours fidèle à la solution dégagée par l’arrêt de la Cour de cassation Canal de Craponne du 6 mars 1876 qui avait refusé la révision judiciaire des contrats, au nom du principe de la force obligatoire et rapprocher le droit français de nombreux droits étrangers (droit allemand, droit italien) et des principes du droit européen des contrats qui admettent la révision judiciaire du contrat pour imprévision.
Une lecture plus attentive du nouveau dispositif conduit toutefois à en relativiser la portée. En effet, la révision judiciaire du contrat, clairement dotée d’un caractère subsidiaire, apparaît en quelque sorte comme la solution de la dernière chance. Tout d’abord, la renégociation du contrat par les parties est hissée au rang de condition préalable à la révision par le juge. Ensuite et surtout, les parties sont invitées à saisir le juge ”d’un commun accord” afin de lui demander de procéder à l’adaptation du contrat. Et ce n’est qu’”à défaut d’accord dans un délai raisonnable” qu’une partie pourra demander seule au juge la révision du contrat.
Ainsi, dans quelle mesure le législateur a-t-il consacré la révision judiciaire des contrats pour imprévision par l’article 1195?
Dans ces conditions, la consécration de la révision judiciaire du contrat pour imprévision, principale innovation de la réforme du droit des contrats (I), doit être relativisée, car sa portée ne semble pas à la hauteur des effets d’annonce dont elle a fait l’objet (II).
I/ La consécration de la révision judiciaire des contrats pour imprévision
En cas d’imprévision, dont les conditions sont expressément rappelées (A), l’article 1195 autorise la révision judiciaire des contrats (B).
A. Le rappel des conditions de l’imprévision
La définition retenue par le premier alinéa de l’article 1195 reprend en substance les éléments de la définition classique de l’imprévision. L’alinéa 1er débute en effet par la phrase suivante : « si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie ». Ainsi, trois conditions peuvent être dégagées de cette formule. D’abord on peut déduire la condition selon laquelle la notion d’imprévision est constituée par un changement de circonstances. Cependant, il convient d’observer que le texte ne précise pas la nature des circonstances concernées. On peut donc admettre que les circonstances économiques figurent sûrement au premier rang mais on ne peut avoir la certitude qu’un changement dans les circonstances
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