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Commentaire d'arrêt : Arret. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  16 Novembre 2015  •  Commentaire d'arrêt  •  2 319 Mots (10 Pages)  •  1 521 Vues

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Cass. Civile 2ème 22 octobre 2009

M. X est propriétaire d’un véhicule qui a été endommagé par une chute de pierres, provenant de la voûte d'un bâtiment appartenant à Mme Y, assurée auprès de la société Areas dommages. M. X obtient, en référé, que des expertises soient réalisées. Selon les experts, la ruine du bâtiment ne résulte pas d'un défaut d'entretien et aucun vice de construction n'est établi. Le bois, la charpente et la maçonnerie sont sains. M. X assigne donc Mme Y ainsi que son  l’assureur en responsabilité et indemnisation de son préjudice. Un appel est interjeté.

La Cour d’appel de Bordeaux par son arrêt du 21 mai 2008 rejette la demande, sur le fondement de l'article 1386 du Code civil, et condamne, in solidum, Mme Y et son assureur en  dommages et intérêts ainsi qu'en réparation des préjudices matériels et d'agrément. Les juges du fond estiment qu'il importe peu que ne soit pas exactement déterminé le ou les vices précis dont la charpente était atteinte, l'effondrement s'est produit en raison du mauvais état du bâtiment, de sa mauvaise installation, de son usure, de son inadaptation, ou en raison de toute autre cause interne.

L’assureur de la propriétaire se pourvoit en cassation. Le pourvoi est composé d'un moyen unique divisé en trois branches. Selon la première branche, le propriétaire d'un bâtiment est responsable du dommage causé par la ruine de celui-ci. Il faut toutefois que la victime de ce dommage établisse que la ruine est arrivée par suite du défaut d'entretien ou par un vice de construction de celui-ci. Le propriétaire peut alors,  afin de s'exonérer, invoquer un cas de force majeure. En statuant comme elle l’a fait, sans requérir de la victime la preuve préalable d'un vice de construction, la CA a inversé la charge de la preuve en violation des articles 1315 et 1386 du Code civil. A l'appui de la seconde branche, le demandeur au pourvoi fait valoir la règle selon laquelle en matière de preuve, l'incertitude et le doute doivent nécessairement être retenus au détriment de celui sur qui pèse la charge de cette preuve. Dès lors, en déclarant que la responsabilité du propriétaire du bâtiment devait être retenue, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales et a à nouveau violé les articles 1315 et 1386 du Code civil. Enfin, sur la troisième branche du pourvoi, l'assureur estime que le seul état de ruine d'un bâtiment n'est pas en soi de nature à établir l'existence d'un vice de construction ou d'un défaut d'entretien. En statuant sans préciser le vice de construction du bâtiment,  qui avait selon elle provoqué la ruine du bâtiment, la cour d'appel, qui avait par ailleurs écarté le défaut d'entretien du bâtiment, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1386 du Code civil.

Est-il possible et sur quel fondement d'admettre la responsabilité du propriétaire d’un bâtiment, dont la ruine a provoqué un dommage, alors même que la victime n'a pu établir ni un défaut d'entretien du bâtiment, ni un vice de construction ?

La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle opère une substitution de motif. En l’espèce, sans qu'il soit obligatoire de déterminer le vice dont pouvait être atteinte la voûte, il résulte de l'arrêt que c'est de cette voûte que provenaient les pierres dont la chute a endommagé le véhicule. La responsabilité de Mme Y est engagée en sa qualité de gardien de l'immeuble. Selon elle, si l'article 1386 du Code civil s'applique spécialement à la ruine d'un bâtiment, les dommages qui n'ont pas été causés dans de telles circonstances peuvent être réparés sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du même code qui prescrit une présomption de responsabilité du fait des choses.

La Cour présente dans son arrêt opère une limitation du domaine d'application de l’article 1386 du Code civil (I), au profit d’une application du régime commun de la responsabilité du fait des choses, prévue à l’article 1384 du même code (II).

I.  L’article 1386 du Code civil : un champ d'application restreint

La limitation du domaine de la responsabilité spéciale du fait des bâtiments est liée d'une part à un conditionnement strict (A), et à l’interprétation particulièrement restrictive de la notion de ruine (B).

A. Une responsabilité spéciale : des conditions de mise en œuvre complexes  

A côté du principe général de responsabilité du fait personnel (article 1382 et 1383), le Code civil  édicte aussi une responsabilité spéciale du fait des choses, divisée en deux types : la responsabilité des animaux (article 1385) et celle des bâtiments (article 1386). La responsabilité du fait des bâtiment en ruine  suppose à la lecture de l'article 1386 la réunion de trois conditions cumulatives : le bâtiment, la ruine et le défaut d’entretien ou le vice de construction. Le bâtiment doit être un assemblage de matériaux, autrement dit « une construction quelconque incorporée au sol de façon durable » (Cass, 2ème civ, 19 oct. 2006). Dans l'arrêt étudié, la chose instrument du dommage est bien un « bâtiment ».  La ruine, quant à elle, suppose l’écroulement du bâtiment, provenant d’une chute d’un matériau. L'arrêt  de 2009  retient  que « la chute de pierres qui a causé un dommage provient de la voûte ». Enfin, il faut établir que la ruine est à l'origine soit d' un défaut d’entretien, soit d'un vice de construction. Le défaut d’entretien s’entend par une certaine vétusté (Grenoble, 10 févr. 1892). Cette dernière condition est particulièrement mise en avant dans l'arrêt, du fait que la Cour d’appel, mais également la Cour de cassation ne déterminent pas le vice de la voûte du bâtiment : « la ruine du bâtiment ne résultait pas d’un défaut d’entretien », « aucun vice de construction. » De plus, s’agissant de cette mise en œuvre, il appartient à la victime de réunir les trois conditions susvisées. L’article 1386 du Code civil suppose implicitement que la réparation du dommage impose à la victime de prouver l’imputabilité de la ruine du bâtiment à un défaut d’entretien ou à un vice de construction (Cass, 2ème civ, 17 oct. 1990).  C'est d'ailleurs sur ce point que la Cour de Cassation rejette le pourvoi, « aucun vice précis n’était établi. ». Par conséquent faute de réunir toutes les conditions d'application de l'article 1386 du Code civil , la demande en réparation n'est pas accueillie. La victime doit également établir le lien de causalité entre le défaut ou le vice et le dommage.

Si les conditions de mise en jeu de la responsabilité du fait des bâtiment sont soumises à un contrôle strict de la Cour de Cassation, cette dernière caractérise la ruine d'une manière relativement confinée. (B).

B. La condition de « ruine » : une interprétation limitative

Condition prévue à l’article 1386 du Code Civil , la ruine suppose l’écroulement du bâtiment, par la chute d’un matériau provenant du bâtiment sur une victime. Cet écroulement doit être involontaire. La jurisprudence entend la dégradation de toute partie de la construction ou de tout élément mobilier ou immobilier incorporé de façon indissoluble (Cass, 2ème civ, 19 mai 1953). Le bâtiment doit être en « ruine ». A cet égard, l'arrêt  de 2009 se place dans la ligne d’une jurisprudence entendant très étroitement le terme « ruine » (Cass. civ. 2Ème, 16 octobre 2008), qui considère que le mouvement de basculement d'un immeuble à l'origine de dommages causés à une construction voisine n'est pas une ruine au sens du texte). Jusqu’en octobre 2009, pour que l’article 1386 trouve à s’appliquer, il fallait pouvoir vérifier la chute d’un bâtiment tout entier ou au moins d’un élément du bâtiment (pour le cas de la chute d’une tuile, Cass. civ. 2, 04 mai 2000). En l'espèce, une chute de pierres, provenant de la voûte d'un bâtiment appartenant à Mme Y s'est produit. Pourtant l’article 1386 est considéré comme inapplicable à l'affaire par la Cour de cassation. Il semble que le texte ne puisse plus pouvoir s'appliquer à la simple chute de certains éléments du bâtiment, ici une pierre.  L'arrêt  peut dès lors faire douter de l’autonomie et de la pérennité du régime spécial de l’article 1386, étant donné que la Cour de cassation estime en effet, qu’il n’est pas « nécessaire que soit exactement déterminé le ou les vices précis ». La Cour précise bien qu’il y a une ruine du bâtiment cause de « la chute de pierres provenant de la voûte » mais ne détermine pas l’origine de cette ruine.  Par là, la Cour s’attache plus à la recherche de causalité entre la ruine et le dommage afin d'appliquer l'article 1384 alinéa 1er et non les conditions de l’article 1386 : « dans la mesure où aucune circonstance ne permettait de retenir que l’effondrement pouvait provenir d’une autre cause.  Cette solution semble  justifiée par l’application du régime général de responsabilité du fait de la chose, plus favorable aux victimes. (II).

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