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Faut-il se méfier des mots ?

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Par   •  15 Novembre 2018  •  Dissertation  •  2 802 Mots (12 Pages)  •  7 276 Vues

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George Orwell dans son livre 1984, imagine la création d’une nouvelle langue, la novlangue. C’est la langue officielle d’un monde fictif « Océania ». Cette langue a un principe simple : elle diminue au maximum le nombre de mots dans la langue, ainsi moins le peuple disposera de mots, moins il pourra réfléchir. Cela diminue par conséquent drastiquement le nombre de concepts avec lesquels les individus peuvent réfléchir. Le peuple devient alors de plus en plus imbécile, dépendant, manipulable par les médias de masses (télévision, radio, journaux). Cette langue qu’Orwell invente dans 1984 a pour but d’empêcher toute pensée critique. Cela montre bien l’importance des mots dont on dispose pour s’exprimer, mais aussi de la méfiance dont ils devraient être l’objet, parce qu’ils peuvent être manipulés à notre insu. Les mots seraient alors, une suite de lettres groupée et indissociables qui désignent un concept précis, dont les hommes se servent pour communiquer, à l’écrit comme à l’oral. C’est un moyen de communication spécifiquement humain. La méfiance est un état d’esprit dans lequel on se tient sur ses gardes face à quelque chose qui peut présenter une menace ou une tromperie. Ainsi, faut-il se méfier des mots ? D’un côté, il semble que les mots désignent des concepts précis, qui ne posent aucun problème lorsqu’on les connaît, et donc qu’il est possible d’accéder directement à la vérité grâce à ces mots. Se méfier des mots serait alors futile puisque chaque mot désigne un concept précis qui nous permet d’accéder à la vérité, car après tout le langage, c’est avant tout l’accession à la vérité. D’un autre côté, il semble que les mots puissent être manipulés pour manipuler, c’est-à-dire que certains individus peuvent utiliser le sens d’un mot pour tromper, ce qui nécessite alors de la méfiance et une étude approfondie du sens des mots. Les mots seraient ainsi sournois et fourbes. Il convient alors de se demander : comment les mots, par leur caractère strict, formel mais également sournois, polysémique, nécessitent-ils, méritent-ils ou non, une méfiance, ou au contraire une totalement confiance ? Peuvent-ils être à l’origine de nos maux ?

En premier lieu, il est important de savoir pourquoi il faut donner de l’importance aux mots et pourquoi il faut se méfier des mots, remettre en question leur sens, etc.

Premièrement, les mots sont cruciaux, en effet, ils définissent notre rapport à la réalité, à notre environnement. Les mots ont par conséquent une dimension radicalement ontologique, c’est-à-dire qu’ils sont radicalement liés à ce qui est. Ainsi, les mots et la langue, évoluent dans un environnement et une réalité qui ont des mots de pus en plus précis pour désigner telle ou telle chose. Par exemple, les Inuits, peuple d’Amérique du Nord, ont des centaines de mots pour désigner une certaine sorte de neige, là où le français n’en a que très peu. Cela montre bien que les mots sont notre rapport à la réalité, et que en fonction de notre environnement, les mots vont désigner plus ou moins de concepts précis qui organisent et structurent notre rapport à cette réalité. En fait, sans les mots, il est impossible pour les hommes de connaître la réalité. Si les mots disparaissent, nous perdons les concepts qui nous permettaient de comprendre la réalité, et par conséquent notre rapport à la réalité se dégrade petit-à-petit. L’accession à la vérité devient plus difficile parce qu’on ne dispose plus d’assez de concepts pour réfléchir et penser. L’exemple qui illustre le mieux ce fait est la novlangue inventée par Orwell dans 1984. Dans cette fiction, Orwell imagine la mise en place par un gouvernement totalitaire une langue qui diminue les mots et leur ajoute des doubles sens malsains pour rendre les individus imbéciles. Le but final de cette langue est de rendre impossible la critique et de réduire à néant l’esprit critique des individus, et qu’il se soumettent sans questions et sans rechigner à l’Etat et à Big Brother (le maître incontesté de cette société). En ce sens, il serait réellement important de se méfier des mots parce qu’ils ont une telle importance qu’ils organisent notre rapport à la réalité et notre accession à la vérité. Il suffit d’une simple mauvaise interprétation d’un mot pour fausser notre rapport à la réalité. Par conséquent, si l’on ne se méfie pas et si l’on étudie pas en profondeur la sémantique des mots, ou du moins que l’on connaît mal leur sens, on fausse notre rapport à la réalité. Ainsi, ici il y a nécessité d’une méfiance, parce qu’il est impossible de faire une totale confiance aux mots. Pour se méfier, il faut douter de leur sens, que l’on croît être, et en repenser un nouveau, c’est d’ailleurs ce qu’affirme Descartes : « Pour atteindre la vérité, il faut une fois dans la vie se défaire de toutes les opinions qu'on a reçues, et reconstruire de nouveau tout le système de ses connaissances ».

Deuxièmement, l’homme est doué de pensée, et par conséquent il est, il existe. Cependant, parfois cette pensée est trouble, confuse, imprécise, et selon Hegel inexprimable. L’homme, pour tenter d’exprimer cette pensée, à l’écrit comme à l’oral va organiser et ordonner sa pensée sous la forme de mots, qui transforment cette pensée en pensée claire, précise, organisée et structurée, ce qui permet d’être compris, ou non, par un interlocuteur (les mots sont en effet un moyen de communication entre les hommes). En ce sens, les mots donnent vie à la pensée humaine, mais leur donne également la capacité de réflexion et de questionnement, ce qui est unique. En effet, avant ce processus, la pensée d’un homme n’est qu’un amas d’affects, d’impressions indistincts sans aucune clarté, ne pouvant être exprimé ou transformé en jugement. En ce sens, les mots nécessitent une méfiance parce qu’ils mettent vie à notre pensée, par conséquent, il faut utiliser les bons mots, ceux qui ont le sens souhaité ; sinon on se fait manipuler ou on est dans l’ignorance. Il faut ainsi douter du sens des mots, le remettre en cause.

Dans ces conditions, le mot, et le langage ont pour but, objet, raison principale d’exister le fait de la nécessité de la communication entre les hommes. Par conséquent = les mots servent donc de moyen pour échanger : moyen de communication entre les hommes pour collaborer, et vivre ensemble, mais aussi débattre sur des points où les hommes ne s’accordent pas. Dans ces conditions, le langage doit être articulé de sorte que l’interlocuteur qui n’est pas d’accord avec nous puisse être convaincu, ou persuadé : c’est ce qui s’appelle la rhétorique. La rhétorique c’est l’art de bien parler, l’art du discours, c’est la science à l’effet du discours sur l’esprit, en fait la rhétorique se rapporte à l’éloquence. Par conséquent, un individu disposant d’une éloquence, et d’une bonne rhétorique est enclin à persuader, la plupart du temps, aisément son interlocuteur, parce qu’il utilise de fait les « bons mots ». Platon, dans Gorgias relate une discussion entre Socrate et Gorgias qui cherche expliquer pourquoi le pouvoir la rhétorique est si grand. Gorgias, l’interlocuteur de Socrate lui explique que n’importe quel orateur doué de rhétorique, s’il est en compétition électorale pour exercer dans un certain domaine face à un artisan où spécialiste dans ce domaine, ce sera l’orateur doué de rhétorique qui sera élu. En effet, selon lui « il n’est pas de sujet sur lequel l’homme habile à parler devant la foule d’une manière plus persuasive que n’importe quel artisan. Telle est la puissance de la rhétorique ». Cela montre bien le pouvoir des mots, quand un interlocuteur dispose du bien parlé, son habilité à l’oral lui confère la capacité d’être plus persuasif dans un domaine qu’il ne connaît très peu, mais dont il est capable de parler, face à un artisan, disposant d’une excellence dans ce métier. Cette discussion de Gorgias avec Socrate sur la rhétorique montre bien la nécessité de se méfier des mots, de rester sur ses gardes face à eux, de toujours étudier leur sens profond et de les remettre en question parce que face à quelqu’un qui les utilise parfaitement, qui dispose de « l’art du bien parlé », il est possible de se faire manipuler. L’importance des mots est ainsi cruciale, ils sont les outils qui nous permettent de nous rapporter à la réalité, qui mettent vie à nos pensées, mais qui ont un pouvoir gigantesque, c’est pourquoi il est nécessaire de douter d’eux, de s’en méfier.

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