Perdre ses illusions

        Du latin « illudere » signifiant « se jouer de, se moquer de », l’illusion est avant tout une croyance. Tout comme Platon nous l’explique dans l’Allégorie de la caverne, ces croyances nous poussent à l’erreur. Nous pourrions alors légitimement nous demander, est-il bon de perdre ses illusions ? Si l’homme doit perdre ses illusions, c’est que les illusions dont nous sommes victimes sont toutes superflues, ou pire encore, dangereuses. Elles porteraient directement atteintes à notre connaissance, mais il a pourtant des illusions qui nous aident à vivre et elles sont donc irremplaçables et indispensables. Elles nous permettent de ne pas avoir à supporter le poids de la vérité qui peut parfois entraver notre bonheur. Perdre ses illusions entrainerait également un sentiment de perte, de vide parfois même de souffrance.

        Refuser de perdre ses illusions, ce serait rester dans l'erreur et l'ignorance, et on a du mal à comprendre en quoi se serait souhaitable. On distingue plusieurs types d’illusions, l’illusion de perception, consistant à prendre faussement une apparence pour la réalité. Correspondant à une mauvaise opération de l’esprit comme nous le montre l’illusion de Müller-Lyer, une illusion d’optique. On pourrait également parler de l’illusion amoureuse décrite par Stendhal dans son ouvrage De l’amour, l’homme projette alors ses désirs sur la réalité. D’une façon plus générale, l’illusion est une perception erronée ayant pour cause, d’après Platon, une apparence trompeuse ou encore une erreur de nos sens d’après Descartes.

D’après Platon dans l’Allégorie de la caverne, les illusions dont nous sommes victimes ont pour unique but de troubler notre perception de la réalité. En effet, les illusions sont par définition des croyances, des erreurs de jugement, elles sont donc en opposition directe avec la réalité. Cependant, il existe bel et bien une différence entre l’illusion et l’erreur, une fois rectifiée, l’erreur disparait alors que l’illusion elle, persiste et ce malgré sa réfutation. Ce qui fait de l’illusion une forme ultime d’erreur, la rendant dangereuse. Cette entrave à notre connaissance nous empêche de remettre en cause quoi que ce soit, nous ne faisons alors pas preuve d’esprit critique. Sans ce dernier, nous sommes dans l’incapacité de démêler le vrai du faux et nous sommes donc sujets a toutes les croyances. Nous serions alors que la simple ombre de nous-mêmes. Perdre ses illusions serait alors accéder à une connaissance certaine, il est donc difficilement envisageable de pouvoir les garder.

        Nous pourrions alors nous demander, quelle différence entre "perdre ses illusions" et "les défaire" ? Perdre ses illusions reviendrait à se débarrasser a jamais de ces dernières et à accepter la vérité. Défaire ses illusions consisterait à démêler le vrai du faux au sein de celles-ci, on pourrait donc se demander si en chaque illusion, une part de vérité ne serait pas à prendre en compte. Conserver ses illusions est une chose nécessaire à l’homme. En effet, certaines illusions sont indispensables et nous aident à vivre. Elles permettent parfois de critiquer la réalité et de nous rendre espoir. L’illusion aide à vivre, elle est « source de jouissance » André Breton. Les illusions donnent un véritable sens à notre vie, elles compensent certains manques et nous procurent bonheur et sécurité. Tout comme nous le montre Bruno Bettelheim dans son étude Psychanalyse des contes de fées, il montre que tous les enfants s’identifient aux différents protagonistes. Cette illusion compense le manque de confiance que grands nombres d’enfants ont en eux.

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