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Faut-il être vertueux pour être heureux ?

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Par   •  30 Novembre 2021  •  Dissertation  •  2 614 Mots (11 Pages)  •  1 369 Vues

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CEZARD
Frédérik

Dissertation de philosophie morale

« Faut-il être vertueux pour être heureux ? »

        Le premier paradoxe que nous pose cette question nous provient de l’origine étymologique du terme « bonheur ». En effet, le bonheur est de manière sémantique la bonne fortune, la chance et il n’apparaît pas comme surprenant d’affirmer que la chance ne dépend pas de la volonté, du mérite et, de toute évidence, de la vertu. A la vue de cette opposition première, prenant racine dans des questionnements terminologiques, il semble nécessaire de pleinement définir chacun des concepts que nous allons aborder. Tout d’abord, il faut définir ce que nous entendrons par « bonheur » et pour cela, une approche du terme apportée par Baruch Spinoza paraît plutôt claire. Comme il l’explique dans le premier livre de l’Ethique, le bonheur n’est que le passage d’un certain seuil de joie à un autre, plus important. Ainsi, le bonheur devient non pas une caractéristique mais bien un mouvement, il n’est pas une fin en lui-même mais une façon d’atteindre un certain état que l’on pourrait qualifier « d’heureux ». De plus, la notion de vertu demande, elle-aussi, une précision non-négligeable. Effectivement, ce terme vient du grec « arété », qui signifie « excellence ». De cette traduction, on peut expliquer ce terme comme la maîtrise parfaite, et le ramenant à l’être humain, l’accomplissement de l’être par le meilleur de lui-même, au-travers de l’expression de sa moralité, de son tempérament ou encore de sa noblesse d’âme. Enfin, l’utilisation du verbe « devoir » nous soumet à une nouvelle contradiction, celle entre devoir et bonheur. Là où le devoir se pose comme imposé par les lois humaines, création des conventions, le bonheur, a contrario, apparaît comme désir naturel, volonté spontanée de tendre vers des joies toujours plus fortes ou bien toujours plus stables pour atteindre le tant désiré stade d’homme heureux.

C’est donc à la lumière de ces éclaircissements que nous nous demanderons si nous nous devons d’être vertueux pour être heureux ou bien s’il est nécessaire de dissocier la moralité de la quête du bonheur. Nous verrons, dans un premier temps, la pensée eudémoniste et la fusion que celle-ci opère entre le plaisir et le devoir. Dans un second temps, nous interrogerons les potentialités de la confrontation du bonheur au calcul moral utilitariste et enfin, dans une dernière partie, nous questionneront l’aptitude ou non de l’homme à exercer et à jouir du bonheur.

Pour commencer, L’eudémonisme aristotélicien alliant les concepts de devoir et de bonheur ne traduit pas un égoïsme ou une quelconque servilité au devoir moral mais bien un accomplissement naturel. C’est dans cette forme d’excellence que ces deux idées se rejoignent pour ne faire alors plus qu’une.

Ainsi, pour Aristote il existe une véritable liaison de causalité entre l’action noble et le plaisir noble. La vie bonne, que l’on pourrait comparer à la vie digne d’un homme heureux, ne s’offre qu’à celui qui agit pour faire en sorte d’obtenir cette récompense. De ce fait, on ne saurait qualifier de noble celui qui accomplira de nobles actions sans aucun plaisir de faire de tel. Le plaisir de mener une existence honorable, conduisant au bonheur, ne doit pas venir se greffer à une existence préétablie mais doit venir d’elle-même car ce plaisir est à considérer comme une partie intégrante de ce choix de vie. Voilà donc ce qu’est une action noble, une action qui trouve le plaisir en elle-même et non en une condition subordonnée et c’est ce plaisir que l’on pourra alors qualifier de noble. C’est bien cette subtilité qui différenciera celui qui aime les choses nobles aux choses seulement agréables, n’apportant pas plaisir par ce qu’elles sont mais uniquement par ce qu’elles procurent. C’est en ce sens que vient se donner une première explication à l’alliance du devoir moral et du bonheur. Seules les actions réalisées non sous la contrainte mais avec une réelle volonté de bien agir conduisent vers ce qu’Aristote appelle le « Souverain-bien », finalité ultime de l’homme heureux.

En effet, chez Aristote plus particulièrement que chez les autres philosophes grecs antiques, le bonheur tant à être la fin de tout. Selon lui, la fonction humaine consiste en la réalisation de notre humanité par une activité de l’âme ainsi que par des actions guidées par notre raison. Ce sont ces deux leviers principaux de l’existence humaines qui nécessitent d’être encadrés par la vertu dans son sens grec, alors à valeur d’excellence. L’homme vertueux qui veut atteindre le bonheur se doit d’agir en permanence dans l’excellence de sa vertu comme dans celle de son prochain. Poursuivre le bonheur selon sa signification hédoniste, c’est agir en tendant toujours vers l’excellence propre de tous et chacun, agir selon la vertu toujours la plus parfaite. Or, cette condition principale à l’accession au bonheur helléniste contient une dernière facette qui est son rapport à la temporalité. C’est en partant de ce principe qu’Aristote utilise l’exemple expliquant qu’une seule hirondelle ne fait pas le printemps pour montrer qu’une seule action vertueuse ne suffit à qualifier une existence entière de la même manière. Il devient alors impératif de mener des actions semblables tout au long de sa vie jusqu’à son terme afin de pouvoir prétendre avoir mené une vie bonne comme il l’était entendu alors. Il nous montre donc que l’accès à une vie heureuse demande une implication perpétuelle et entière, mais, tous les paramètres du bonheur ne dépendent pas forcément de notre volonté.

En outre, pour Aristote, la chance joue un rôle qui n’est pas à omettre dans la formation du bonheur de chacun. Le philosophe grec nous démontre que la fortune, et plus particulièrement la possession ou non de bien extérieurs, intervient de manière significative dans la capacité de réalisation d’actions bonnes et nobles. Ainsi, il sera plus difficile d’être parfaitement heureux si la fortune nous a affublé d’un physique disgracieux, en dépit du fait que ce paramètre ne dépende en aucun cas de notre mérite ou de nos choix. Afin que le bonheur puisse s’installer et perdurer avec pérennité, il lui est nécessaire de collaborer avec une bonne fortune qui ne viendra pas lui nuire de manière impérative comme avec la mort d’un proche ou bien une naissance dans une famille déshonorée. Comme nous pouvons donc le voir, la fortune n’est, selon Aristote, pas à exclure dans la conception du bonheur malgré son extériorité au contrôle humain.

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