Rosalie Prudent, Guy de Maupassant, 1886

                   Rosalie Prudent, Guy de Maupassant, 1886.

 Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les jurés

 Nous sommes ici pour juger de l'infandicide de ma cliente sur ses deux bébés et de la sentence potentielle de la peine de mort pour ce crime conscient.

 Mais avant de juger cette personne pour les horreurs qu'elle a commise, sachez que ma cliente est une mère qui a voulu préserver la vie de son fils par tous les moyens. Une femme qui travaille sérieusement, chaque jours qui donne son maximum. Elle est orpheline, elle a vécu dans la misère puis elle est victime d'esclavage.

 De fait, si elle ne serait pas trouver acculé dans cette situation, elle n'aurait jamais mis atteinte à la vie d'autrui, qui est pêché.

 En effet, laissez-moi vous rappeler les faits: Melle Prudent a fait la rencontre du neveu de Mr. Varambot, Mr. Joseph Varambot, sous-officiers d'atilleurs, pendant sa permission l'été passé chez son oncle. Pendant 2 mois, le jeune homme s'est rapproché d'elle en tant que confident puis l'a séduite avant de profité de son inocence et de sa solitude pour se l'attacher, la manipuler dans le seul but uniquement d'avoir des rapports sexuels avec elle.

 Il est vrai que, même si ma cliente a fini par lui céder, devant son insistance et l'emprise qu'il avait déjà sur elle psychologiquement et émotionellement, elle a refusé aux premiers abords ses avances mais Mr. Joseph Varambot n'a pas tenu compte des demandes de la jeune fille et a fini par la violer avant d'entamer avec elle pendant plusieurs semaines une relation dont elle est tombée amoureuse suite aux propos charmeurs de ce derniers. Toutefois Mr. Joseph n'avait nullement l'intention de la poursuivre et, dès que sa permission fut arrivée à sa fin, il est retourné à son service militaire sans état d'âme pour ma cliente qui a eu le cœur brisé.

 Celle-ci, devant supporter l'absence et l'abandon de la personne qu'elle aimait, dut faire face en plus à la nouvelle grossesse par Mr. Joseph un mois plus tard.

 Nous connaissons tous la représentation de la vie de nos domestiques et que leurs gages leur permettent difficilement de subvenir à leur besoins quotidiens alors vous imaginez bien la détresse dans laquelle ma cliente se trouvait après la découverte de cette malheureuse nouvelle.

 Cependant, courageuse, elle voulut le garder malgré tout, quitte à ruiner sa réputation sans atteindre celle de ses patrons, en voulant se préparer à trouver une autre place de domestique avant qu'on ne remarque son état ou avant qu'elle n'accouche afin de ne pas être renvoyer sans gages et lettres de recommandation, ce qui l'aurait mis dans une situation insurmontable puisqu'elle n'aurait plus pu trouver un autre travail honnête et subvenir aux besoins de son bébé.

 Malgré sa condition précaire, elle a préféré organiser les préparatifs pour la venue de son bébé en prenant sur ses maigres économies afin de préparer elle-même son trousseau de naissance après ses heures de travail  harassantes à l'aide de bougies qu'elle avait dû acheter pour.

 Craignant les douleurs et difficultés de son premiers accouchement, elle en parla à la sage-femme de la région qui lui apporta son aide et ses conseils afin de la préparer à sa venue, voire à anticiper un accouchement imprévu où Melle Prudent  pourrait se retrouver seule face à la situation. Cela prouve bien que ma cliente se montrait déjà comme une bonne mère, prévoyante, rassurante et organisée puisqu'elle se sacrifiait d'avance pour un enfant non prévu dans une situation financière très précaire. On ne peut douter à la lumière de ces informations qu'elle aurait été une bonne mère.

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