Serges Tisseron
Rapports de Stage : Serges Tisseron. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Mag1961 • 19 Mars 2015 • 867 Mots (4 Pages) • 666 Vues
Plaisir d’offrir et joie de revendre sur la toile. A peine déballé, certains se débarrassent déjà de l’objet cadeau, tandis que d’autres stockent dans les placards.
Dans la cave et le grenier : les cravates à papa, des vieux albums de mariage pour oublier le divorce, les 33 tours des années collège, un ouvre-boite qui n’ouvre plus la boite, des bidons d’essence (sans essence) qui peuvent toujours servir : pourquoi avons-nous tant de mal à nous séparer de ces objets doudous ?
Des objets du grenier aux objets interconnectés… Que racontent ces placards de la mémoire à l’heure de l’immatériel et de la crise du pouvoir d’achat ? Quel est cet obscur objet de désir et cet obscur désir pour l’objet ?
Avec:
- Serge Tisseron, psychiatre et auteur de la préface du livre « Boulimie d’objets. L’être et l’avoir dans nos sociétés » sous la direction de Valérie Guillard (Ed. De Boeck, 2014)
L'objet n'est pas nécessairement fabriqué. Mais il a une fonction donnée par l'homme comme, par exemple, le galet presse-papier. Nous réfléchirons à la différence entre objet et chose naturelle.
L'objet est le dépositaire d'un savoir et d'un usage. L'usage est en partie ce que l'on trouve dans le mode d'emploi. Le savoir est plus vaste, pour une épée du moyen-âge, par exemple, c'est non seulement l'escrime mais le code de la chevalerie. En ce sens, les objets nous proposent des usages. On pourrait dire qu'ils nous appellent. Le tournevis nous propose de visser, le cendrier, d'éteindre notre cigarette. Le tournevis peut nous révéler notre don ou notre goût du bricolage. De même, l'épée peut actualiser notre potentialité de devenir chevalier, le violon, de devenir violoniste. En ce sens, les objets exercent sur nous une action qui forme notre action ou même notre vie et notre personne. Si Claude Rawlings, le héros de Corps et âme, n'avait pas découvert dans son enfance un minuscule piano-console désaccordé, il ne serait peut-être pas devenu un grand pianiste.
Un objet n'est jamais isolé. Il appartient à un monde culturel. Une paire de baguettes, par exemple, trouve son sens dans la culture chinoise. En ce sens, on peut dire que l'objet est la matérialisation d'un concept, le concept de saisie des aliments pour les baguettes. L'objet implique toute une culture où il a sa place. Il est pris dans un ensemble d'objets qui forment deux axes, l'axe paradigmatique et l'axe syntagmatique. En ce sens, il en va des objets comme des mots. La fourchette appelle le couteau et tous les autres objets utilisés pour le couvert. C'est l'axe syntagmatique. La fourchette peut être remplacée par les baguettes ou se substituer à elles. C'est l'axe paradigmatique. Ces deux axes forment la syntaxe et le lexique des objets propres à une société. La comparaison entre objets et langage a inspiré aussi bien Veblen que Baudrillard. On peut considérer les objets comme des mots ou des éléments signifiants appartenant à un système. Ils ont un sens qui est leur fonction mais aussi leur valeur sociale ou affective ou esthétique. Le sens d'un tournevis est la possibilité de visser mais si, par exemple, il dépasse d'une
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