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L'homme Libre Peut-il être Injuste

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Par   •  17 Janvier 2013  •  3 730 Mots (15 Pages)  •  2 011 Vues

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Etre libre, cela signifie tout d’abord ne pas être empêché de faire ce que l’on veut, ou encore dire sans crainte ce que l’on pense. C’est aussi une absence de toute contrainte, et la condition de ceux qui ne sont pas esclaves. La liberté, fut, avant d’être une caractéristique universelle de tout homme, un statut. Le mot justice vient du latin jur, juris signifiant le droit, dans le sens d’une permission. La justice, c’est aussi le pouvoir avec lequel les lois vont se faire respecter. Il convient donc de s’interroger du rapport qu’entretient la liberté avec la justice. En effet, on peut penser que la justice regroupe les contraintes qui stoppent l’individu qui aspire à la liberté. Dès lors, en quoi un homme libre peut-il être injuste ? Le concept de justice est-il à distinguer du principe de liberté ? Etre libre, est-ce donc réellement faire ce que l’on veut ? Comment se libérer de toute loi ? Le peut-on ? L’homme libre est donc tout d’abord libre d’être juste comme d’être injuste, ne voulant parfois ne pas se soumettre aux lois juridiques. Mais outre les lois juridiques, il y’a aussi des lois naturelles auxquelles l’homme libre ne doit pas obéir. Enfin, le concept de justice est tout à fait lié au concept de liberté, car sans justice, il n’y aurait de libertés.

Le but principal de la vie d’un homme est la recherche du bonheur. L’homme libre semble avoir la liberté de faire ce qui lui plaît, y compris des actes injustes. Il impose la réalisation de son bonheur à tous. Par exemple, un tyran riche et puissant, qui condamne à mort à sa guise, qui achète ce qu’il veut, qui épouse les femmes qu’il convoite, semble le plus libre des hommes de son pays, rien ne s’opposant à lui. Ses désirs sont des ordres, et la loi résulte de ses plaisirs. L’homme libre serait donc celui qui n’a pas d’autres lois que celles qu’il s’est lui-même données. Notre liberté s’arrête là où commence celle des autres, aussi faudrait-il, pour être libre, devenir tyran, et nier la liberté des autres. L’homme libre serait donc par définition, injuste, puisque pour faire s’étendre sa liberté individuelle, il doit nier la liberté d’autrui. Le vrai bonheur, c’est donc s’affranchir de toute loi pour ne suivre que ses désirs ; la seule loi qui prône, est celle du bonheur maximum. Il semble alors que la plus grande liberté soit celle du tyran qui assouvit ses passions, assuré de son impunité aux yeux de la justice et de la morale. Le mythe de Gygès, issu de La République de Platon, représente tout à fait cette vision. En effet, ce mythe, conté par Glaucon, illustre les dires de Thrasymaque, selon lequel il serait avantageux d’être injuste. Gygès, un paysan simple, découvre un anneau ; il s’avère que celui-ci, lorsque le paysan tourne son chaton, peut rendre invisible. Grâce à ce pouvoir, il séduit sa reine, et tue le roi pour obtenir le trône. Rien ne peut lui résister, doté d’une telle arme. L’assurance d’être impuni permet aux hommes de devenir injustes, aussi « aucun des pouvoirs politiques n’est juste » selon Glaucon.

Être injuste, juridiquement parlant, c’est ne pas respecter telle ou telle loi. Mais dans le cas d’une loi moralement injuste, une loi oppressive, qui ne respecte pas les principes fondamentaux de la légalité, l’homme libre, qui s’affranchit de celle-ci, semble injuste au regard de la tyrannie qui a instauré ladite loi. L’homme libre doit parfois, au nom même de la justice (nom pas au sens judiciaire du terme, sinon au sens moral), s’opposer à ce qui incarne la justice mais qui ne l’est pas au sens moral. Dans une dictature, l’écrivain qui s’oppose à la censure, et qui exprime son désaccord idéologique dans ses écrits, est considéré comme un homme injuste, alors même qu’il est libre, car il n’obéit pas aux lois qui l’oppressent. Dans Lorenzaccio, le drame romantique de Musset, Lorenzo, le héros, commet un acte injuste : tuer le tyran Alexandre, mais il le fait au nom de la justice et du rétablissement de celle-ci dans la ville de Florence. Pour se libérer de l’injustice, il commet l’injustice, et son acte de liberté est le meurtre. Aussi est-il difficile de qualifier Lorenzo de bon ou de mauvais… En effet, le concept de justice est relatif, d’une part, ce qui est juste moralement ne l’est peut-être pas juridiquement, et d’autre part, ce qui est juste quelque part, ne l’est peut-être pas autre part. Lorsque nous jugeons quelqu’un pour le qualifier de juste ou d’injuste, nous le faisons subjectivement, et sommes de très mauvais juges. Un chef d’entreprise qui fraude des millions à l’Etat trouvera scandaleux qu’on puisse voyager sans ticket dans un bus, et inversement, un jeune pourra excuser un acte de violence commis par l’un de ses camarades. L’homme véritablement libre sera donc pour les uns justes, et pour les autres injustes…

D’un autre côté, la liberté s’oppose à l’asservissement. Tout homme esclave, aussi juste soit-il, n’est donc pas libre ; aussi tout maître, aussi injuste soit-il, n’est pas esclave. Et l’on peut tout à fait trouver dans le travail moderne une forme d’assujettissement du travailleur. En effet, on travaille par pure nécessité, et le travail est pour nous avant tout une contrainte. Simone Weil fait l’expérience du monde ouvrier dans La Condition ouvrière. Elle parle de déracinement vers la frontière de ce qui est humain pour évoquer le travail industriel. Tel un « écureuil qui tourne dans une cage », le travailleur travaille pour vivre, et vit pour travailler. L’existence du travailleur n’a plus de finalité, plus de but, l’homme sert la machine et non pas le contraire. Dans le monde des machines, on ne décide plus, la liberté est supprimée, et les droits perdus. En effet, les conditions de travail sont telles que l’homme se soumet, si bien qu’il ne pense plus : « ne plus penser, seul et unique moyen de ne pas souffrir » disait Simone Weil. Le travail est un esclavage moderne. Le travail moderne n’est qu’en apparence libre. Certes un ouvrier semble travailler pour lui, il est rémunéré, mais l’on vend sa force de travail. Il existe un temps de surtravail durant lequel le travailleur n’est pas payé. Le profit, la plus-value, va à l’employeur, aussi le capitalisme est une véritable exploitation de l’homme par l’homme. L’homme libre, ici, c’est celui qui exploite la force de travail des autres. Les hommes libres sont donc des « maîtres » vivants du travail de leurs « esclaves », en cela ils sont tout sauf justes…

Le principe même de liberté est à différencier du concept de justice. En effet, si selon la Déclaration des Droits de l’Homme, tous les hommes naissent libres et égaux en droits, l’individu peut tout à

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