L'art, l'artiste et l'artisan: en quoi pouvons-nous les différencier ?

L'art, l'artiste et l'artisan ont la même racine, le même radical mais en quoi pouvons nous les différencier ? Étymologiquement, le mot « art » renvoie d’abord à l’idée d’un savoir-faire. Dans la Grèce antique, les Beau-Arts et l'art n'étaient pas distingués. Le terme de technè, que l'on trouve chez Aristote dans sa Poétique, désigne la «  production » ou « fabrication matérielle », l’action efficace. C’est une technique, une habile façon de s’y prendre dans un domaine donné. D'ailleurs, Aristote l'oppose à la praxis qui est la sphère de l’action proprement dite, la technique. Ainsi, l’Antiquité ne faisait pas de différences strictes entre le métier de l’artisan et l’activité de l’artiste et considérait que le potier et le poète étaient tous deux des hommes de l’art. L’art était en effet d’abord vu comme une habileté, une méthode acquise par apprentissage et reposant sur des connaissances empiriques. Cependant, au fil des siècles, la différence entre l’artiste et l’artisan devient plus marquée. Au 18e siècle, on parle désormais de Beaux-Arts pour désigner exclusivement les productions de l’artiste et ainsi, le différencie de l'artisan. L’artiste n’est plus un artisan particulièrement habile mais un homme doué de génie, comme dit Kant ; et capable de créer un inédit porteur de sens. Pour permettre ses réalisations, l'artiste ou l'artisan utilise des techniques particulières. C'est-à-dire des méthodes de production. Généralement, la technique pour réaliser telle ou telle chose est enseignée mais il peut aussi s'agir d'outils. La technique est donc un ensemble de règles et/ou d'outils permettant la production d'objet. La technique est aussi, au sens moderne, les amélioration dans différents domaines tels que la science, dans le cinéma … L'artiste et l'artisan ont donc besoin de technique mais une question reste en suspend : quelles différences y a-t-il entre l’artiste et l’artisan ? Peut-on comparer leur activité ou bien, au contraire, doit-on les opposer aussi bien dans leur manière de produire que dans leurs intentions créatrices ? Un artisan peut-il être artiste ou au contraire un artiste un artisan ? Et comme l'a posé Heidegger, Supposons maintenant que la technique ne soit pas un simple moyen : quelles chances restent alors à la volonté de s'en rendre maître ?

1. Quel rapport y a-t-il entre les arts et la technique ?

Ce n'est qu'au xviiie siècle que le terme d'art a été réduit à la signification que nous lui connaissons actuellement. Il avait jusque-là servi à désigner toute activité humaine ayant pour but de produire des objets : en ce sens, l'art s'oppose à la nature, qui est l'ensemble de tout ce qui se fait sans que l'homme ait à intervenir. L'art réclame souvent des règles : il y a des règles à observer lorsque l'on est charpentier, comme lorsque l'on est musicien, si l'on veut produire l'œuvre désirée. C'est exactement ce que veut dire le mot téchnè en grec : la technique, c'est l'ensemble des règles qu'il faut suivre dans un art pour produire un objet donné.

Selon Aristote, tout objet produit non par la nature, mais par l'homme, est déterminé par quatre causes : la cause matérielle (la matière dans laquelle il est fait), la cause formelle (la forme qu'on va lui donner), la cause finale (ce à quoi l'objet va servir) et la cause efficiente (l'artisan qui travaille l'objet). La technique est l'ensemble des règles permettant d'ordonner ces causes dans un art donné : une règle technique nous dit comment travailler telle matière, quelle forme lui donner, si l'on veut en faire tel objet.

Pourtant, un artiste, s’il se borne à imiter, à reproduire, il demeure un technicien habile qui peut certes innover mais qui, pour l’essentiel, répète ou reproduits des modèles existants. Prenons l’exemple du musée Grévin, à Paris : on y présente des figures de cire qui imitent à la perfection des personnalités du monde sportif, politique ou artistique. Ces « statues » de cires, fidèles aux modèles originaux, sont dépourvues de tout intérêt artistique, et l’équipe de techniciens spécialisés qui les a conçues peut aisément expliquer les processus de leur fabrication. Leur manière de faire, adroite et maîtrisée, demeure impersonnelle, et l’ouvrage n’est pas signé, comme le sont les sculptures exposées au musée Rodin. L’artiste choisit, interprète, transforme un matériau brut, et tout son art relève d’une intelligence technique mise en service d’une imagination créatrice. L’oeuvre d’art ne se réduit donc pas à l’application répétitive de « recettes » ou de règles.

2. Comment différencier les beaux-arts de l'art de l'artisan ?

Alain nous dit que l’artiste dans la mesure où il travaille la matière (la Pierre pour le sculpteur, les idées pour l’écrivain) peut être considéré comme un artisan. Là où on aurait tendance à accorder de l’importance à tout ce qui relève de la fantaisie, de l’imagination, Alain insiste au contraire sur le rôle de l’observation et le travail chez l’artiste. L'artisan a pour but de produire des objets d'usage : c'est l'usage qu'on va faire de l'objet qui détermine ses caractéristiques et donc la façon dont on va le fabriquer. L'artiste,

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