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Epicure et sa lettre à Ménécée

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Par   •  4 Janvier 2015  •  2 110 Mots (9 Pages)  •  915 Vues

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Qu'on ne remette pas à plus tard, parce qu'on est jeune, la pratique de la philosophie et qu'on ne se lasse pas de philosopher, quand on est vieux. En effet, il n'est, pour personne, ni trop tôt ni trop tard, lorsqu'il s'agit de veiller à la santé de son âme. D'ailleurs, celui qui dit que le moment de philosopher n'est pas encore venu, ou que ce moment est passé, ressemble à celui qui dit, s'agissant du bonheur, que son moment n'est pas encore venu ou qu'il n'est plus. Aussi le jeune homme doit-il, comme le vieillard, philosopher : de la sorte, le second, tout en vieillissant, rajeunira grâce aux biens du passé, parce qu'il leur vouera de la gratitude, et le premier sera dans le même temps jeune et fort avancé en âge, parce qu'il ne craindra pas l'avenir. Il faut donc faire de ce qui produit le bonheur l'objet de ses soins, tant il est vrai que, lorsqu'il est présent, nous avons tout et que, quand il est absent, nous faisons tout pour l'avoir.

[123] À propos des recommandations que je te fais continuellement, mets-les en pratique et fais-en l'objet de tes soins, en saisissant distinctement que ce sont les éléments fondamentaux du bien-vivre.

En premier lieu, quand tu considères le dieu comme un vivant incorruptible et bienheureux, conformément à l'esquisse qu'en donne la notion commune1 du dieu, ne lui ajoute rien qui soit étranger à son incorruptibilité ni rien qui ne serait pas approprié à sa béatitude. Mais figure-toi à son propos tout ce qui peut lui conserver la béatitude qui accompagne l'incorruptibilité. Car les dieux existent - évidente en effet est la connaissance que l'on a d'eux -, mais ils ne sont pas tels que [la multitude] les considère. {Celle-ci, en effet, ne les respecte pas tels qu'elle les considère : est donc impie non pas celui qui abolit les dieux de la multitude, mais celui qui rattache aux dieux les opinions de la multitude. [124] Car les déclarations de la multitude à propos des dieux, ce ne sont pas des préconceptions2, mais des suppositions fausses3, desquelles il ressort que les plus grands malheurs échoient aux méchants du fait de dieux, en même temps que les plus grands avantages. En effet, comme elle s'en tient en toutes circonstances à ses propres vertus, la multitude accueille les êtres qui lui ressemblent, et considère tout ce qui n'est pas tel comme étranger.}

Accoutume-toi, en outre, à la pensée que la mort n'est rien pour nous, puisque tout bien et tout mal résident dans la sensation et que la mort est privation de sensation. De là vient qu'une connaissance correcte du fait que la mort n'est rien pour nous a pour effet de nous permettre de jouir du caractère mortel de la vie, parce que cette connaissance, au lieu de nous attribuer un temps problématique4, [125] nous ôte le regret de l'immortalité. En effet, il n'y a rien de terrible dans le fait de vivre, lorsqu'on a réellement saisi que dans le fait de ne pas vivre il n'y a rien de terrible {(aussi est-il stupide, celui qui dit craindre la mort non pour la peine que sa présence lui causera, mais pour celle que sa perspective lui cause; car ce dont la présence ne nous tourmente pas ne cause qu'une peine sans fondement lorsqu'on l'attend. Ainsi, le plus terrifiant des maux, la mort, n'est rien pour nous, puisque précisément, quand nous existons, la mort n'est pas présente et, quand la mort est présente, alors nous n'existons pas. Elle n'est donc ni pour les vivants ni pour ceux qui sont morts, puisque précisément elle n'est pas pour les premiers, et que les seconds ne sont plus. Mais la multitude fuit la mort, parce qu'elle voit en elle tantôt le plus grand des maux, tantôt la cessation de tout ce que comporte la vie)}; [126] et on ne craint pas de ne pas vivre, car alors, vivre n'est pas un poids et ne pas vivre n'est pas tenu pour une sorte de mal.

Et de même qu'on ne choisit nullement la nourriture la plus abondante mais la plus plaisante, on ne cherche pas non plus à jouir du moment le plus long, mais du plus plaisant. {D'ailleurs, qui recommande au jeune homme de bien vivre, et au vieillard de bien finir sa vie, est stupide, non seulement à cause du contentement que la vie procure, mais aussi parce que le bien-vivre et le bien-mourir relèvent d'un seul et même soin. Et il est encore bien pire, celui qui dit qu'il est beau de "ne pas naître", "et, une fois né, de franchir au plus vite les portes de l'Hadès" ; [127] car, s'il est convaincu de ce qu'il affirme, comment se fait-il qu'il ne quitte pas la vie? De fait, c'est à sa portée, pourvu qu'il s'y soit fermement déterminé. En revanche, si c'est plaisanterie de sa part, il fait montre d'impertinence sur des questions qui ne l'admettent pas.}

Il faut en outre garder en mémoire que le futur n'est pas sous notre gouverne et qu'il n'y échappe pas non plus tout à fait, afin que nous ne nous attendions pas à ce qu'il advienne à tout coup, et que nous ne désespérions pas de le voir jamais advenir.

Il faut en outre prendre en compte que, parmi les désirs, les uns sont naturels et les autres sans fondement ; que, parmi les désirs naturels, les uns sont nécessaires et les autres seulement naturels ; et que, parmi les désirs nécessaires, les uns sont nécessaires au bonheur, d'autres à l'absence de tourments corporels, [128] et d'autres à la vie elle-même. En effet, une observation rigoureuse des désirs sait rapporter tout choix et tout rejet à la santé du corps et à l'absence de trouble de l'âme, puisque c'est là la fin de la vie bienheureuse. {De fait, ce pour quoi nous faisons tout, c'est pour éviter la douleur et l'effroi. D'ailleurs, une fois que cet état nous advient, toute la tempête de l'âme se dissipe, le vivant n'ayant pas à se mettre en marche vers quelque chose qui lui manquerait ni à rechercher quelque autre chose, grâce à laquelle le bien de l'âme et du corps atteindrait sa plénitude (de fait, c'est quand l'absence du plaisir nous cause de la douleur que nous avons besoin du plaisir) : nous n'avons plus besoin du plaisir.}

Voilà

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