Jakobson Essais de linguistique générale
Commentaire de texte : Jakobson Essais de linguistique générale. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar raphtds • 29 Janvier 2020 • Commentaire de texte • 4 034 Mots (17 Pages) • 797 Vues
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Lorsque l’on entend le groupe de mots « Martin Luther King », ce n’est pas sa personne qui ressort le plus, c’est-à-dire sa fonction de ministre, d’écrivain ou de pasteur, mais ce sot ses combats qui résonnent le plus, et au-delà de cela, c’est la lutte pour les droits civiques aux Etats-Unis ayant entraîné une vague de soulèvements promouvant la liberté pour tous, partout dans le monde. Martin Luther King, aujourd’hui comme à l’époque, est une figure de la liberté, et -sans vouloir être offensant- est devenu une aujourd’hui une marque de cette liberté plus qu’il qu’être un homme comme il l’était en réalité à son époque. Si l’on cherchait à mettre une image sur le concept universel des droits de l’homme, M.L.King en serrait la parfaite représentation. L’emploi du nom de cet homme a complètement changé à travers les différentes décennies, si bien qu’il est possible de concevoir qu’il sera employé différemment dans le futur. Un mot a donc apparemment besoin d’une signification pour se rapporter à un objet. C’est ce que développe Roman Jakobson dans Essai de linguistique général. Jakobson est un penseur devenu linguiste du début du XXème siècle et devint l’un des plus influents de son époque. C’est précisément en 1963 que paraît le premier tome de cet ouvrage en France, à une époque au cours de laquelle cette dernière vit une puissante vague structuraliste. Inspiré notamment par Saussure et par Claude Lévi-Strauss, il développe ses idées de fonction de langage, d’axe syntagmatique et d’axe paradigmatique. Au cours de cet extrait, Roman Jakobson se pose la question de savoir quelles sont les conditions nécessaires à réunir afin de déboucher à la compréhension de la signification d’un objet. L’auteur délivre un message simple dans cet extrait : il est indispensable que d’autres signes existent pour pouvoir apporter des négations ou des précisions pour un autre signe. Les signes linguistiques que l’on emploie sont-ils alors indépendants de l’objet qu’ils indiquent ? Jakobson répond en trois parties majeures. La première, au cours de laquelle il dément la vertu des expériences non linguistiques, une deuxième où il expose sa vision et les conditions nécessaires à la compréhension, et une dernière dans laquelle Jakobson impose sa vision en ridiculisant les approches alternatives du processus de compréhension auxquelles il ne croit pas.
Dans un premier temps, Jakobson décide de citer Bertrand Arthur William Russell, mathématicien, philosophe et épistémologue britannique du début du XXème siècle : « personne ne peut comprendre le mot fromage s’il n’a pas d’abord une expérience non linguistique du fromage ». Cette « expérience non linguistique du fromage » pourrait s’apparenter à l’avoir vu, humé ou goûté, sans même avoir la connaissance d’un mot dans le code lexical servant à désigner ce fromage. Cela veut donc signifier que, d’après Bertrand Russell, une personne privée du goût, de la vue ou même de l’odorat serait tout bonnement incapable de comprendre et de saisir le sens de ce mot « fromage ». En effet, cette personne n’ayant qu’eu qu’une expérience linguistique du mot fromage-c ’est-à dire en entendant ce mot- a pu saisir son emplacement différentiel dans le « code lexical », mais ne peut pas comprendre le sens de ce signe linguistique puisqu’il n’a pas vécu d’expérience vis-à-vis d’un fromage, indépendante à la langue. Roman Jakobson reprend contre cette affirmation de Russell un « précepte fondamental » du même auteur et le cite de nouveau. Ce « précepte » articulé par Russell est de mettre « l’accent sur les aspects linguistiques des problèmes philosophiques traditionnels ». Ces problèmes philosophiques qu’évoque Russell sont l’ensemble des questions que les philosophes se sont posées au cours des siècles passant, qu’elles soient de questions métaphysiques, dogmatiques, anthropologiques ou ontologiques, etc. Russell appelle à se questionner notamment sur les « aspects linguistiques » de ces problèmes énoncés. Il est en effet tout à fait concevable que les philosophes s’étant penchés sur ces questions essentielles ne se soient intéressés que superficiellement à l’aspect l’linguistique qu’ils usaient afin de promouvoir leurs pensées, jugeant peut-être que le fond valait plus que la forme. La forme peut se sublimer dans l’art de la rhétorique que Platon, par exemple, haïssait puisqu’il bannit dans sa cité parfaite développée dans La République les artistes et notamment les écrivains, maîtres de la rhétorique. Russell dénonce donc ici cette approche linguistique des problèmes philosophiques puisqu’il se questionne sur la théorie affirmant les mots servant à illustrer les « problèmes philosophiques traditionnels » apporteraient une influence majeure quant à la compréhension de ces derniers. En effet, le choix de traduction de certains mots accompagne différentes interprétations et possiblement de nouvelles problématiques philosophiques. Les mots Gedächtnis et Erinnerung sont des mots allemands traduits tous deux couramment par mémoire. Toutefois, les deux se différencient dans la langue allemande et il ne faut pas comprendre les deux. Das Gedächtnis est le processus de mémorisation ou la faculté de mémoriser quelque chose, tandis que die Erinnerung est l’objet de la « remémoration », autrement dit ce dont on veut se rappeler. Cette fine nuance est toutefois importante puisqu’elle altère la compréhension en allemand, et cette finesse de langage ne se retrouve pas dans la langue française : l’aspect philosophique de cette nuance linguistique est donc essentiel. L’importance de la linguistique est effectivement essentielle à l’interprétation d’idées philosophiques. C’est ce dont parle Henri Bergson dans La pensée et le Mouvant lorsqu’il pose la question à un élève « Le plaisir est-il ou n’est-il pas le bonheur ? ». Bergson se rend compte de la complexité de sa question en vue des termes qu’il a choisis, et il décide de reformuler sa question : « Vu le sens habituel des termes plaisir et bonheur, doit-on dire que le bonheur soit une suite de plaisirs ? Alors, c’est une question de lexique qui se pose ; on ne la résoudra qu’en cherchant comment les mots « plaisir » et « bonheur » ont été employés par les écrivains qui ont le mieux manié la langue ». Jakobson rejoint cette vision et celle du « précepte fondamental » de Russell et expose sa thèse qui semble contredire celle de « l’expérience non linguistique » de Russell : « Personne ne peut comprendre le mot fromage s’il ne connaît pas le sens assigné à ce mot dans le code lexical du français ». Jakobson intègre le mot « fromage » dans un sens conceptuel : il n’est pas qu’un objet sensible, mais c’est davantage une idée que l’on ne peut représenter. Cette assertion se confirme puisque la définition donnée au fromage est un « aliment obtenu par la fermentation du lait caillé », puisque Jakobson ne met pas en valeur l’aspect visuel, le goût ou l’odeur du fromage, mais la manière dont tous les fromages sont conçus. Selon lui, cette définition ostensive n’apporterait aucune indication quant au sens réel de ce qu’est le fromage et non un fromage en particulier. C’est dans ce sens que Jakobson empreinte l’exemple de « l’ambroisie » et du « nectar ». En effet, ces seules connaissances que nous avons de ces notions sont des écrits de l’Antiquité et sont donc floues : Dans l’Odyssée d’Homère, le nectar est présenté comme un fluide de couleur rouge, sans savoir réellement ce qu’il est, et Ibycos décrit dans Deipnosophistes l’ambroisie comme « neuf fois plus sucrée que le miel », et qu’il s’agit d’un breuvage ou d’un onguent. Ils sont donc, encore plus que le fromage, des concepts auxquels nous ne pouvons liés aucune représentation. Il est donc possible de « comprendre » ces mots, malgré le fait que « nous n’ayons jamais bu d’ambroisie ni de nectar » puisque son utilisation – c’est-à-dire la nourriture des dieux- est connue. C’est dans la continuité de cette pensée que conclut Jakobson la première partie de sa pensée : « Le sens des mots français (…) est décidément (…) un fait sémiotique. ». Cette pensée rejoint la notion de l’importance de l’aspect linguistique dans les débats philosophiques, puisque ce que cherche à démontrer Roman Jakobson est que le mot (le signe) est la production, la codification et la communication de signaux et qu’il n’est pas simplement rattaché à la description sensible l’objet dont il dépend.
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