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Autrui

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Par   •  21 Avril 2013  •  Dissertation  •  1 452 Mots (6 Pages)  •  1 842 Vues

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Autrui

Qu’est-ce que « autrui » et d’où vient ce mot ? Le mot vient du latin alter qui signifie « autre ». Autrui, c’est donc l’autre.

Quel autre ? Ce ne peut pas être un autre moi car je suis unique.

Autrui n’est donc pas un autre moi, mais un moi autre, c’est un moi qui n’est pas moi. Autrui est à la fois le même que moi et l’autre que moi.

C’est le même, en effet, car c’est un sujet, c’est mon semblable, c’est mon prochain ; comme moi, c’est une personne.

Mais autrui n’est pas seulement le même, il est aussi l’autre car il n’est pas moi car nous ne sommes pas transparents l’un pour l’autre. Il y a donc moi qui suis un sujet et autrui qui est un autre sujet.

Le rapport entre plusieurs consciences ou plusieurs sujets se nomme l’intersubjectivité, c’est une relation où chacun se pose comme sujet face aux autres.

Mais cette intersubjectivité est-elle vraiment essentielle ? Autrement dit, ai-je vraiment besoin d’autrui ? Il est vrai que l’égoïsme naturel ou spontané de l’homme le porte plutôt à fuir ses semblables. Il est vrai qu’autrui, bien souvent, nous gêne et semble nous empêcher d’être pleinement nous-mêmes. Mais pourrait-on vraiment vivre sans autrui ? Autrement dit, autrui ne nous apporte-t-il pas quelque chose d’absolument essentiel ?

Le philosophe français Gilles Deleuze nous dit qu’autrui est « l’expression d’un monde possible ». Comment comprendre cette formule ? Gilles Deleuze commente ici le roman de Michel Tournier, Vendredi ou les Limbes du Pacifique, qui imagine un naufragé coupé de tous rapports à autrui. Et, en montrant ce que nous enlève l’absence d’autrui, on mesure en effet tout ce que sa présence nous apporte car, dans sa solitude, Robinson ne parvient plus à imaginer d’autres points de vue que le sien. Mais alors, il finit par ne plus savoir si ce qu’il voit existe vraiment. Privé du point de vue d’autrui, Robinson sombre progressivement dans la folie.

Mais autrui ne me permet pas seulement de saisir le monde dans sa complexité et d’accéder au réel. Il me permet aussi d'accéder à moi-même car paradoxalement je ne suis pas forcément le mieux placé pour savoir qui je suis. Trop proche de moi-même je manque souvent de recul et d’objectivité. Or, pour prendre le recul nécessaire à l’objectivité, nous avons besoin d’un peu de distance par rapport à nous-mêmes, et cette distance, seul autrui peut nous la donner. C’est en ce sens que Jean-Paul Sartre, dans L’Être et le néant, écrit qu’« autrui est le médiateur indispensable entre moi et moi-même ». Selon Sartre, en effet, le regard d’autrui me relie à moi-même. Ce regard fait de moi une chose regardée. Sartre dit qu’« il me chosifie » et, en me représentant ce qu’autrui voit de moi, je me vois moi-même. Bref, le regard d’autrui porté sur moi me donne une distance par rapport à moi-même qui me permet précisément de prendre conscience de ce que je suis.

Sartre dit que le regard d’autrui nous « chosifie » ou nous réifie (en latin, res c’est « chose ») ; c’est que le regard d’autrui nous fige. Jean-Paul Sartre prend l’exemple d’un homme épiant sa compagne par le trou d’une serrure. Celui qui le surprendra ainsi l’épinglera immédiatement comme étant un jaloux mais alors cet homme va devenir comme l’otage de cette étiquette de cet être jaloux dans lequel l’enferme le regard d’autrui. Le regard de l’autre, le regard d’autrui, sera donc vécu, par celui qui est regardé comme une aliénation, c’est-à-dire une perte de liberté. C’est pourquoi, selon Sartre, l’intersubjectivité est essentiellement conflictuelle.

Cependant, il n’est pas impossible d’établir une relation non conflictuelle et authentique avec autrui. Cela peut être le cas, par exemple, dans le dialogue parce qu’en fait l’intersubjectivité est mise au service de la recherche commune de la vérité, en lieu et place de quoi il n’y a, hélas, entre nous, trop souvent qu’un dialogue de sourds, c’est-à-dire que la juxtaposition de monologues est séparée.

Une relation non conflictuelle avec autrui peut aussi avoir lieu dans l’amitié ou dans l’amour. Mais l’amitié ou l’amour véritable ne s’adresse qu’à quelques-uns. Comment pourrait-on être amis ou aimer authentiquement l’ensemble des hommes ? « Tu aimeras ton prochain comme toi-même », nous commande l'Évangile selon Matthieu dans le Nouveau Testament. Mais l’amour peut-il vraiment se commander ? S’il est un sentiment, comment pourrait-il être un devoir ? Écoutons ici

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