Le conseil d'Etat et le droit international
Dissertation : Le conseil d'Etat et le droit international. Recherche parmi 301 000+ dissertationsPar dfcoue • 5 Janvier 2025 • Dissertation • 1 716 Mots (7 Pages) • 19 Vues
Françoise TERRIEN COUE - INE : 12304194 – Francoise.Coue@etu.univ-paris1.fr
Droit administratif 1 et institutions administratives - Devoir n° 1 - IED EDS Sorbonne : L2S3 – 2024/2025
LE CONSEIL D’ETAT ET LE DROIT INTERNATIONAL
« Les rapports du Conseil d’Etat avec le droit international sont moins marqués par la résistance que par la perception, l’entrainement, l’enrichissement et l’interaction ».
Bernard STIRN, président du Conseil d’Etat, lors d’un colloque de droit public comparé, à Paris II Panthéon Assas II, résume ici la relation entre le Conseil d’Etat et le droit international. Ancien conseil du roi, le Conseil d’Etat a été créé en 1799 afin de répondre aux conflits juridiques administratifs. Au fil des décennies, son influence s’est accrue, d’un simple organe consultatif, le Conseil d’Etat affirme sa compétence juridictionnelle, notamment par l’arrêt Blanco (Tribunal des conflits, 8 février 1873) affirmant l’autonomie de la juridiction administrative et ouvrant la voie à la jurisprudence ; mais surtout par l’arrêt Cadot, le 13 Décembre 1889, consacrant le Conseil d’Etat comme juge de droit commun et mettant fin au pouvoir de justice « retenue » par le pouvoir exécutif.
Cependant, dans un pays où le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation (article 3 de DDHC), la suprématie du droit national ne semble plus suffire. La fin du XXème siècle voit apparaitre de nombreux traités internationaux, particulièrement la charte de l’Organisation des Nations Unies (signée à San Francisco en 1945 précisant en l’article 26 que les traités diplomatiques régulièrement ratifiés et publiés ont force de loi) et les traités européens (Traités de Paris 1951, Rome 1957, CEDH 1950, Maastricht 1992, Lisbonne 2007…). Ces évolutions ont amené à réviser la Constitution française a maintes reprises, soit au titre VI des traités et accords internationaux (article 52 à 55), soit au titre XV des communautés européennes et de l’Union européenne (article 88-1). Dans son article 55, la Constitution précise que les traités ou accords régulièrement ratifiés ont, dès leur publication une autorité supérieure aux lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie (contrôle de réciprocité). Ce nouveau champ de compétence tend donc à redéfinir la hiérarchie des normes. Au-delà d’une réflexion que l’on pourrait porter sur la pertinence de reconnaitre une prééminence du droit international à l’égard du droit national public, il me semble intéressant de s’interroger sur la contribution du Conseil d’Etat à l’intégration du droit international en droit national.
Si l’on observe la pyramide de hiérarchie des normes de Hans KELSON, on constate que le droit international est supérieur aux lois, celles-ci doivent être compatibles avec les traités. Toutefois, la Constitution étant la norme suprême les lois doivent également être compatibles avec cette dernière. De fait, le droit national et le droit international refusent de renoncer à leur suprématie. A travers ce prisme juridique, force est de constater que l’intégration du droit international fut progressive (I) et engendra une subsidiarité complexe (II).
I – Une intégration progressive du droit international au sein du Conseil d’Etat :
La Constitution est la norme supérieure hiérarchique dans l’ordre juridique français. Par conséquent, l’acceptation de la primauté d’un droit international a fait face à une certaine réticence (A) que la jurisprudence a fait évoluer (B).
- Une réticence à la primauté de la légalité externe :
Les sources externes de légalité ont subi une forte mutation après la seconde guerre mondiale. Le souhait de vivre une période de paix a favorisé l’essor du droit international par la création de l’Organisation des Nations-Unis en 1945. Le développement du commerce mondial et la volonté d’avoir une institution puissante engendre la création de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier en 1951, puis de la CEE en 1957 et enfin de l’Union Européenne en 1992. Ces évolutions ne sont pas sans incidence sur le droit administratif français où l’accroissement constant des traités internationaux interroge quant à l’articulation avec le droit public : à l’aune de la Constitution du 4 octobre 1958, axée sur la forte souveraineté de l’Etat, il semble complexe de trouver la place du droit international au regard de la suprématie de la Constitution. En effet, une constitution dominée par le droit international affaiblirait, voir anéantirait un Etat souverain. Dans son arrêt Sarran, Levacher du 30 octobre 1998, le Conseil d’Etat affirme la primauté de la Constitution dans l’ordre interne et relaie les traités au rang inférieur. La jurisprudence a toutefois permis de clarifier certaines situations et a apporté une réponse à des questions juridiques en l’absence de textes législatifs.
- L’aubaine d’une consécration jurisprudentielle ouvrant le champ des compétences :
C’est par le biais de la jurisprudence que le Conseil d’Etat a appréhendé au mieux l’intégration du droit international en droit interne. Le refus du Conseil constitutionnel du contrôle de convention de la loi du 17 janvier 1975 relative à l’interruption volontaire de grossesse (loi Veil) entraine la compétence du Conseil d’Etat comme juge de droit commun sur la conformité des lois aux traités. Cependant, si l’on affirme que la Constitution prévaut sur tous textes de lois, il faut néanmoins trouver une place pour les traités. L’arrêt Nicolo du 20 octobre 1989 en consacrant la supériorité des traités internationaux sur les lois, permet à une jurisprudence fournie de s’assurer que les lois françaises sont bien conformes aux traités internationaux et au droit européen tout en rendant également compétent le Conseil d’Etat. Les traités devant être eux-mêmes conformes à la Constitution, cela annihile la théorie de la loi écran : la loi est conforme au traité qui est conforme à la Constitution (même s’il faut parfois réviser la Constitution pour rendre les traités compatibles avec cette dernière). Ces deux arrêts ont consacré le contrôle de conventionnalité du Conseil d’Etat consistant à vérifier la conformité d’un texte par rapport à la Constitution et au bloc de constitutionnalité. Pour être applicable, un traité doit être signé, ratifié et publié (article 55 de la Constitution) appliqué avec réciprocité et effet direct. Le Conseil d’Etat est devenu compétent pour en vérifier la ratification et en contrôler la recevabilité par l’arrêt Blotzheim du 18 décembre 1998. L’évolution des normes juridiques européennes a également interrogé le Conseil d’Etat dans ses appréciations : s’il s’estime incompétent pour vérifier la conformité d’un acte administratif individuel à une directive lors de l’affaire Cohn-Bendit du 22 décembre 1978, il effectue un revirement de jurisprudence le 30 octobre 2009 dans le cadre de l’affaire Perreux. Enfin, la jurisprudence récente du 8 février 2007, dite Arcelor, reconnait la légitimité du Conseil d’Etat pour vérifier la conformité d’un règlement de transposition à la Constitution en recherchant dans le droit de l’union, le principe constitutionnel invoqué par le requérant et de fait à l’application d’un contrôle de constitutionnalité sur le droit communautaire. Ces contrôles sont notamment renforcés par le mécanisme de renvoi préjudiciel en l’application de l’article 267 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne permettant au Conseil d’Etat d’interroger la Cour de Justice de l’Union Européenne sur l’interprétation ou la validité d’un texte de droit européen. Néanmoins, malgré une constante évolution qui s’est accéléré ces dernières décennies, l’interprétation et l’interaction entre droit interne et droit international reste encore complexe.
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