L'autorité parentale et ses limites
Dissertation : L'autorité parentale et ses limites. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar LaureLsqt14 • 11 Avril 2019 • Dissertation • 5 435 Mots (22 Pages) • 3 008 Vues
Droit civil – Dissertation
L’autorité parentale et ses limites
Plus de dix ans après la réécriture du droit de l’autorité parentale par la loi du 4 mars 2002, la loi du 14 mars 2016 est venue enrichir les nombreuses règles qui régissent cette fonction essentielle de protection de l’enfant dans le Code civil. C’est la dernière retouche légale qui dessine les contours de l’autorité parentale telle qu’elle se présente aujourd’hui.
L'autorité parentale, régie par les articles 371 et suivants du Code civil, est définie par l'article 371-1 du Code civil comme « un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant. Elle appartient aux père et mère jusqu'à la majorité ou l'émancipation de l'enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne ». Selon la présentation qu'en donne le Code civil (livre Ier, titre IX), l'autorité parentale concerne non seulement la personne, mais aussi les biens de l'enfant. Sa définition ambitieuse est le fruit d’une longue évolution historique dont les principales étapes méritent d’être rappelées. Dans l'Ancien droit français, pays de droit écrit et pays de droit coutumier étaient régis par des systèmes très différents. Les premiers avaient hérité de la patria potestas romaine qui donnait au père de famille, tant sur la personne que sur les biens de l'enfant, une autorité en principe perpétuelle et quasi absolue. Dans les pays de droit coutumier, au contraire, la règle était que « puissance paternelle n'a lieu », c'est-à-dire que la patria potestas sur le modèle romain n'était pas reçue. La « mainbournie » coutumière était conçue comme un pouvoir de protection exercé dans l'intérêt de l'enfant par le père avec le concours de la mère et qui prenait fin, notamment, avec la majorité de l'enfant. Après la Révolution, qui voulut reconstruire les rapports entre parents et enfants sur les idées nouvelles de liberté et d'égalité, le Code civil eut le souci de restaurer l'ordre dans la famille comme dans l'État, ce qui conduisit à renforcer la magistrature paternelle, garante de la conservation des mœurs et de la tranquillité publique. Le droit de correction et le droit de consentir au mariage des enfants étaient restaurés, mais de façon limitée. Au cours du XIXème siècle, la jurisprudence réaffirma avec force son pouvoir modérateur de remédier aux abus de la puissance paternelle et cette volonté a été relayée par les réformes nombreuses qui se sont accumulées au cours du XXème siècle. Symboliquement, la loi du 4 juin 1970 remplaça le vieux mot de « puissance paternelle » par celui d' « autorité parentale ». Autorité, car le pouvoir souverain fait place à une autorité conçue comme un complexe de droits et de devoirs. La loi du 22 juillet 1987 sur l'exercice de l'autorité parentale, dite « loi Malhuret », eut pour objectif de permettre aux père et mère d'exercer conjointement leur autorité quel que soit le devenir du couple : elle consacra l'exercice conjoint de l'autorité parentale en cas de divorce et en facilita l'accès dans la famille naturelle. Après la loi du 8 janvier 1993 qui institua le juge aux affaires familiales (JAF), la loi du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale consacra définitivement la coparentalité, entendue comme la prise en charge et l'éducation de l'enfant par l'un et l'autre de ses parents. La consécration de la coparentalité paraît d'autant plus complète qu'elle résulte d'une double démarche : non seulement la coparentalité fait l'objet d'une systématisation, mais un certain nombre de dispositions concrètes assurent son effectivité.
Cependant, la difficulté du sujet ne s’arrête pas à cette longue maturation qui fait de l’autorité parentale aujourd’hui l’héritière de débats et de notions anciennes. En effet, une tension se signale de façon permanente, entre ordre public et autonomie de la volonté, rigidité et souplesse. D’une part, l’autorité parentale est une fonction d’ordre public qui se caractérise par un certain nombre d’impératifs et une indisponibilité : de là un rôle fondamental de l’Etat et une place essentielle du juge, afin de contrôler cette autorité dans l’intérêt de l’enfant. D’autre part, une souplesse est nécessaire car il importe non seulement de tenir compte des volontés en présence, celles des parents et des enfants, mais aussi d’avoir égard à l’évolution de l’enfance, notion plastique, comme à la diversité des solutions particulières : l’enfant en bas âge n’est pas l’adolescent, l’enfant prostitué ou l’enfant éloigné du territoire appellent quant à eux des solutions particulières.
Aussi bien convient-il de mettre en valeur cette tension entre rigidité et souplesse en envisageant l’attribution de l’autorité parentale conçue comme une fonction d’ordre public (I) et l’aménagement de l’autorité parentale saisie comme une fonction évolutive (II).
I . L’attribution de l’autorité parentale, fonction d’ordre public
La dimension d’ordre public de l’autorité parentale est manifeste aussi bien lorsqu’on envisage le contenu (A) que l’exercice de l’autorité parentale (B).
A . Le contenu de l’autorité parentale
Les droits et devoirs des père et mère se déploient en vue d'un objectif précis : « protéger l'enfant dans sa sécurité, sa santé et sa moralité », selon les termes de l'article 371-1, alinéa 2. Au-delà, la fonction parentale s'élargit en une mission plus générale, celle d'assurer la protection de l'enfant jusqu'à la conquête de son autonomie d'adulte. Cet objectif de protection de l'autorité parentale se conjugue avec l'objectif consistant à « assurer l'éducation de l'enfant et permettre son développement dans le respect dû à sa personne ». Même si certains ont pu critiquer la dimension incantatoire de cette formule, elle a le mérite de souligner l’éminente finalité protectrice (1) de l’autorité parentale, qui justifie pleinement son indisponibilité (2).
1 . La finalité protectrice
A la différence de l'ancien article 371-2 du Code civil qui définissait le but et les moyens de l'autorité parentale : « L'autorité appartient aux père et mère pour protéger l'enfant dans sa sécurité, sa santé et sa moralité. Ils ont à son égard droit et devoir de garde, de surveillance et d'éducation », l'article 371-1, issu de la loi du 4 mars 2002, ne contient plus que les objectifs de l'autorité parentale, toute référence aux droits et devoirs de garde, surveillance et éducation est supprimée. Désormais l'autorité parentale ne se définit que par ses fins et non par ses moyens. Il n'empêche que ces droits et devoirs de garde, surveillance et éducation, demeurent et se déduisent des finalités mêmes de la mission assignée aux père et mère. Celle-ci est double selon l'article 371- 1 du Code civil : d'une part, assurer la protection de l'enfant dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, d'autre part, assurer son éducation et permettre son développement. À ces différents droits et devoirs, il convient d'ajouter trois prérogatives « extraordinaires » de l'autorité parentale qui ont pour conséquence de mettre fin à cette autorité : le droit de consentir au mariage de l'enfant désormais exceptionnel (article 148 du Code civil) à son émancipation (article 413-2 du Code civil) et à son adoption (article 348 du Code civil). Ces droits appartiennent aux père et mère en tant que titulaires de l'autorité parentale, indépendamment des modalités de son exercice. Ils sont tantôt discrétionnaires (comme c’est le cas pour le consentement au mariage), tantôt soumis au contrôle du juge (c'est le juge qui prononce l'émancipation à la demande des parents ou de l'un d'eux « s'il en a de justes motifs » : article 413-2 du Code civil) ; selon l'article 348-6 du Code civil, le tribunal peut prononcer l'adoption s'il estime abusif le refus de consentement du père ou de la mère qui se serait « désintéressé de l'enfant au risque d'en compromettre la santé ou la moralité ».
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