Digesta de Julien
Commentaire de texte : Digesta de Julien. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Lilyparrault • 28 Mars 2021 • Commentaire de texte • 2 240 Mots (9 Pages) • 1 705 Vues
Commentaire de texte Digeste 1.3.32 (Julien, au livre 94 de ses Digesta)
Le 30 décembre 533 de notre ère, l’empereur Justinien à la tête de l’empire romain d’Orient rend applicable le Digeste (ou les Pandectes en grec) dont la réalisation a été confiée au jurisconsulte Tribonien. Le terme digeste que l’on peut traduire par un condensé prend aujourd’hui le sens de recueil de droit en référence à celui de Justinien. Cet ouvrage qui s’inscrit dans la période du droit post-classique, à partir de la fin du 3ème siècle de notre ère après l’âge d’or du droit romain classique de 150 avant notre ère jusqu’au 3ème siècle, est une compilation de fragments de jurisconsultes classiques. Elle est assortie d’autres travaux majeurs tels que le Code de Justinien, les Institutes de Justinien ou encore les Novelles. Le vaste projet de l’empereur est censé remédier au vieillissement de la codification, remettre à l’honneur la jurisprudence classique dont la connaissance se perd et raviver la splendeur de l’empire en restaurant le droit romain unique. Il est important de préciser qu’il ne s’agit absolument pas de créer du droit, mais uniquement d’ordonner le droit existant et de le rendre plus facile d’accès, de compréhension et d’utilisation.
Parmi les jurisconsultes classiques cités on trouve de larges reprises et extrapolation du jurisconsulte Julien qui a écrit les Digesta vers 130 environ à la demande de l’empereur Hadrien. Également sous son ordre Julien a codifié l’édit du préteur mettant fin à la fonction créatrice de droit du préteur. Les deux ouvrages, celui de Justinien et celui de Julien ont été créés dans un contexte d’expansion de la législation impériale écrite et d’un recul mitigé de la coutume notamment dans les provinces. L’un comme l’autre avait à cœur d’asseoir la légitimité du droit écrit. Le document proposé est un extrait des Digesta de Julien repris dans le Digeste de Justinien qui conjugue donc ces deux volontés. Comment dans cet extrait la démonstration de l’autorité du droit écrit s’appuie-t-elle sur celle de la coutume ?
Pour répondre à cette question il convient de s’intéresser d’abord à la hiérarchie des normes proposées dans ce texte (I) puis à la promotion de la loi faite au travers de la coutume (II).
I Une hiérarchie des normes en apparence précise
L’extrait du Digeste de Justinien commence par exposer dans l’ordre les différentes sources de droit avec en premier lieu la coutume ayant une fonction supplétive aux lois écrites (A) puis en deuxième lieu les autres sources de droit écrit pouvant pallier les lacunes de la coutume (B).
- Les lois supérieures à la coutume
La première phrase de cet extrait du Digeste de Justinien est sans équivoque : « Dans les cas dans lesquels il n’est pas fait usage de lois écrites, il convient d’observer ce qui est établi par les mœurs et la coutume. ». La formulation indique clairement que la coutume n’est sensée s’exprimer qu’en l’absence de lois écrites. Par extension, si une loi écrite est applicable au cas soumis, celle-ci prévaut sur la coutume, plaçant ainsi le droit écrit au sommet de la hiérarchie des normes. En effet, que ce soit sous le règne d’Hadrien ou bien sous celui de Justinien, le droit écrit au travers des constitutions impériales prend de plus en plus d’ampleur tant au niveau de son volume que de son autorité. Au sujet d’une possible confrontation entre la coutume et le droit écrit, c’est-à-dire un usage allant à l’encontre d’une loi existante et applicable dans une situation donnée, la première position adoptée par les jurisconsultes romains est de dire que la loi étant la volonté du prince, un simple usage ne s’aurait s’y opposer. Il faut cependant replacer cet avis dans son contexte. En effet la législation impériale a vocation à s’étendre et logiquement à empiéter sur le champ d’action de la coutume, voire la remplacer totalement. Pourtant la coutume n’est pas en recul partout dans l’empire, elle persiste notamment dans les provinces de l’empire ou la législation impériale bien que de plus en plus pléthorique, apparaît comme insuffisante pour traiter chaque situation particulière. Or si sous le règne d’Hadrien la mainmise de la législation impériale sur le droit romain est une tendance que Julien tente d’ancrer plus solidement, sous le règne de Justinien, c’est un fait déjà accompli que les projets de l’empereur concernant ses différentes codifications du droit positif ne font que renforcer. En ce sens, les alternatives aux lois écrites et à la coutume citées par la suite dans le texte ne sont également qu’un renvoi au droit écrit.
- Les autres sources possibles de droit
En cas de lacune du droit et de la coutume, les deuxième et troisième recours sont clairement exprimés. Selon la formule du Digeste de justinien, « il y a alors ce qui existe dans le cas le plus proche. Mais si l’on ne peut rien tirer de cela, il convient alors d’observer le droit dont fait usage la ville de Rome. ». Il est évident que cette phrase n’est pas la transcription littérale des Digesta de Julien, en effet si tel avait été le cas, il n’y aurait pas eu de référence au droit « dont fait usage la ville de Rome », il s’agit bien ici d’un texte destiné aux juristes de l’Empire romain d’Orient et non de l’empire romain d’Occident. Il pourrait y avoir une ambiguïté dans la formulation de « ce qui existe dans le cas le plus proche » sur s’il faut se référer ici au cas le plus proche dans la coutume ou le cas le plus proche dans le droit formel, cependant au vu de l’ordre de préférence exprimé dans la phrase précédente, on peut statuer que là encore, le droit écrit a la préséance. En d’autres termes, en l’absence de lois écrites directement applicables à la situation soumise ou d’une coutume permettant de trouver une solution satisfaisante c’est encore à la loi, qu’elle soit locale ou bien celle de Rome qu’il faut se référer. Il n’est ici aucunement fait mention d’une quelconque capacité du juge à statuer lui-même de la solution à adopter. Lorsque Julien écrit ses Digesta, certes la législation impériale obtient une place croissante dans la création du droit et le récent édit perpétuel du préteur a mis fin à la fonction créatrice de droit des préteurs mais l’empereur n’est pas encore la source exclusive du droit écrit, la jurisprudence continue d’exister. En revanche, lorsque paraît le Digeste de Justinien, il y eu entre les deux en 426 la loi des citations qui supprime totalement la libre appréciation du juge. Seuls l’avis de cinq grands jurisconsultes classiques à savoir Papinien, Modestin, Gaius et Paul peuvent être entendu, à moins qu’eux-mêmes ne citent un autre auteur et là encore la procédure rend difficile leur recours. Si ces cinq jurisconsultes sont en désaccords, l’avis de Papinien l’emporte, si aucun n’a exprimé son avis sur une situation semblable à celle soumise au juge, alors seulement le juge est à nouveau libre de choisir la solution qui lui semble la plus adaptée. En conséquence la liberté du juge est sérieusement limitée à l’époque de la création du Digeste de Justinien, la loi est devenue quasiment source exclusive du droit. Recourir au droit en vigueur à Rome, revient également à faire appel à un droit formel, écrit. Cependant comme cela a déjà été constaté, la coutume reste une source importante du droit, et plus particulièrement dans les provinces, de fait ce constat pousse les jurisconsultes romains à redéfinir l’autorité de la coutume et celle du droit écrit.
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