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Commentaire de décision

Commentaire d'arrêt : Commentaire de décision. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  11 Novembre 2020  •  Commentaire d'arrêt  •  1 828 Mots (8 Pages)  •  607 Vues

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        Dans le contexte de la crise sanitaire actuelle, tous concernés par le port obligatoire du masque dissimulant de fait la moitié inférieure du visage, il est opportun de se questionner sur les différentes règles qui régissent cette dissimulation, question qui trouve sa réponse dans la loi du 11 octobre 2010 ayant été contrôlée par le Conseil Constitutionnel à travers sa décision n°2010-616 DC du 7 octobre 2010.

En l’espèce, une loi portant sur l’interdiction de la dissimulation du visage dans l’espace public a été votée et adoptée par l’Assemblée nationale et le Sénat respectivement les 13 et 14 septembre 2010

Cette loi a fait l’objet d’une saisine concomitante du Conseil constitutionnel par l’Assemblée nationale et le Sénat avant sa promulgation pour examen de sa conformité à la Constitution.

Le Conseil constitutionnel s’est retrouvé face à la question de la conformité aux normes constitutionnelles ou non du fait d’interdire la dissimulation du visage dans l’espace public.

Il va alors livrer une solution tout à fait nouvelle à travers une décision originale (I) qui ne tardera cependant pas à intriguer par sa brièveté et son manque d’approfondissement (II).

I. Une décision originale en tous points.

        La décision du 7 octobre 2010 a tout pour surprendre… En effet, elle apporte non seulement une solution nouvelle tout en étant le fruit d’une saisine curieuse et innovante (A) mais elle aborde également une nouvelle vision du concept d’ordre public (B).

A.  Une saisine innovante apportant une solution nouvelle.

1. Saisine du Conseil Constitutionnel concomitante.

        La première aspect remarquable dans cette décision, c’est la manière dont a été saisi le Conseil constitutionnel. Ce contrôle de la loi « a priori » qui est encadré par l’article 61 alinéa 2 de la Constitution a été appliqué de manière originale par une saisine concomitante des présidents des 2 assemblées. Ce qui rend cette procédure si innovante c’est qu’elle n’a jamais été appliquée auparavant, soulignant ainsi l’importance de la saisine et de la décision rendue en conséquence. Ce qui est d’autant plus marquant c’est que cette saisine concomitante est faite sans invoquer de griefs à l’encontre de la loi présentée, traduisant le soutien de cette dernière par les deux assemblées parlementaires.

Ce contrôle a posteriori de la loi peut alors sembler tout à fait curieux. Implicitement, il a en réalité un but préventif : celui d’obtenir du Conseil constitutionnel un brevet de constitutionnalité pouvant être opposable à toute future Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC). En effet, en application de l’article 23-2 de la loi organique du 10 décembre 2009, une QPC ne saurait être mise en œuvre si la loi a auparavant été déclarée comme conforme à la Constitution, sauf si les circonstances changent subitement. C’est une manière pour le législateur de se prémunir d’un contrôle a posteriori qui aurait pu être mis en oeuvre dans le cas d’un procès se basant sur la loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public.

2. La solution délivrée par le Conseil constitutionnel

        La décision du Conseil Constitutionnel de déclarer la loi examinée comme conforme à la Constitution est tout de même accompagnée d’une réserve ajoutée par ce dernier en son cinquième considérant, incluant une nuance concernant l’autorisation d’une telle dissimulation si elle constatée durant l’exercice de la religion dans un lieu de culte ouvert au public afin de ne pas « porter une atteinte excessive à l’article 10 de la Déclaration de 1789 ». Cependant, il faut relativiser cette déclaration de conformité en rappelant que le Conseil d’Etat, saisi le 30 mars 2010 par le Premier ministre sur la question de la possible interdiction du port du voile intégral, avait émis un avis nuancé mais défavorable à une interdiction « générale et absolue » en n’envisageant que les cas de la sécurité publique et de la lutte contre la fraude pour justifier une interdiction relative à certains lieux et certaines pratiques. Le Conseil Constitutionnel va donc à contre-courant de l’avis du Conseil d’Etat en donnant légitimité aux dispositions proposées par le législateur.

B. Vers un nouveau concept d’ordre public

        L’ordre public tel qu’il est présenté dans l’article 10 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen renvoie tout d’abord à un ordre matériel qui peut être vu comme son triptyque original : la tranquillité, la salubrité et la sécurité publiques. C’est à cette notion d’ordre public matériel que fait référence le Conseil constitutionnel lorsqu’il estime, en faisant référence à la dissimulation du visage, que « de telles pratiques peuvent constituer un danger pour la sécurité publique ». En effet, il est aisé d’imaginer qu’il faisait référence à l’impossibilité d’identifier une personne portant atteinte à cette sécurité publique ou simplement à des conducteurs dont le champ de vision serait alors réduit.

Cependant, il transparait aussi à travers cette décision une autre conception de cet ordre public qui pourrait être qualifié d’ « ordre public immatériel ». Celle-ci, envisagée dans une étude du Conseil d’Etat fait entrer en ligne de compte la moralité publique et le respect de la dignité de la personne humaine. Cette notion est reliée à la décision du Conseil constitutionnel car en approuvant la conformité de la loi , ce dernier estime que les pratiques de dissimulation du visage « méconnaissent les exigences minimales de la vie en société », ce qui renvoie à la moralité publique. En effet, l’espace public étant par définition ouvert à tous sans distinction, il paraitrait étrange que certains y circulent sans qu’ils puissent être dévisagés, ce qui serait un comportement « fermé » dans un espace « ouvert » d’où la motivation du Conseil constitutionnel. De plus, l’accent est mis sur « les femmes dissimulant leur visage, volontairement ou non » ce qui ne va pas sans rappeler un manquement à la notion du respect de la dignité humaine car le Conseil constitutionnel argumente que dans ces deux cas elles « se trouvent placées dans une situation d'exclusion et d'infériorité manifestement incompatible avec les principes constitutionnels de liberté et d'égalité ». C’est la raison pour laquelle cet argument est avancé et renforce au passage l’article 4 de la loi déférée concernant les peines liées au fait d’imposer à autrui de dissimuler son visage dont il est fait référence dans son considérant 6.

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