Commentaire d’arrêt : CE Ass., 30 octobre 2009, Perreux
Commentaire de texte : Commentaire d’arrêt : CE Ass., 30 octobre 2009, Perreux. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar luciedroit • 3 Février 2023 • Commentaire de texte • 2 067 Mots (9 Pages) • 250 Vues
Commentaire d’arrêt :
CE Ass., 30 octobre 2009, Perreux
Droit administratif
Ronny Abraham exprime que « les stipulations d’effet directe peuvent être invoquées dans tous les litiges », cette phrase est relative à l’invocabilité d’une norme européenne par un justiciable lors d’un litige donc, selon lui, il serait possible de demander le remplacement d’une norme interne par une internationale peu importe le domaine du litige.
Cette disposition prend tout son sens dans cet arrêt « Perreux » de l’assemblée du Conseil d’Etat en date du 30 octobre 2009 qui est relatif aux sources européennes en droit administratif.
Une magistrate ayant candidaté pour un poste de chargée de formation à l'Ecole nationale de la magistrature, s’est vu refuser le poste qui a été attribué à une autre magistrate. Elle estime avoir été lésée pour discrimination car elle est engagée dans un syndicat et que l’administration le savait.
Dans un décret du 24 août 2006, le ministre de la Justice l’a nommée vice-présidente chargée de l'application des peines au tribunal de grande instance de Périgueux. Dans l'arrêté du 29 août 2006, le garde des sceaux a nommé une autre magistrate, juge de l'application des peines au tribunal de grande instance de Périgueux en tant que chargée de formation à l'Ecole nationale de la magistrature. Le 24 octobre 2006, des requêtes ont été déposées au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat par la magistrate s’estimant lésée. Un mémoire a été enregistré le 17 janvier 2007 dans lequel cette dernière se désiste de sa demande d’annulation du décret du 24 aout 2006. Le Conseil d’Etat en assemblée rend donc sa décision concernant le reste des demandes le 30 octobre 2009.
La magistrate demande l’annulation de l’arrêté pour excès de pouvoir, elle souhaite également le versement de 5000€ à l’Etat au titre des dépens. Elle évoque ses compétences et sa correspondance avec les critères fixés par la description du poste. Elle avance également que sa candidature a été rejetée en raison de son engagement syndical connu par l’administration, ce qui entacherait la décision du ministre de la Justice d'une erreur manifeste. Afin de corroborer cela, elle s’appuie sur une délibération en date du 15 septembre 2008 de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité ainsi que sur l’article 13 de la loi du 30 décembre 2004 qui permettrait à la Haute Autorité de lutte contre les discriminations de présenter des observations sur l’affaire. Elle s’appuie sur la directive européenne du 27 novembre 2000 mettant en avant le principe d’égalité de traitement de l’administration et le respect de la non-discrimination.
Le ministère de la Justice se défend en expliquant que la décision de choisir une autre magistrate repose sur des motifs tenant aux capacités, aux aptitudes et aux mérites respectifs des candidates ainsi que sur une analyse comparée des évaluations professionnelles des deux magistrates et d’appréciations que comportait l'avis motivé par la commission de recrutement mise en place par l'école, qui a révélé une meilleure correspondance de l’autre magistrate pour ce poste.
Il s’agit de savoir si une directive non transposée dans le droit interne français peut s’appliquer à un justiciable malgré qu’il s’agisse d’un acte administratif individuel.
Le Conseil d’Etat donne pour partie raison au ministère de la Justice concernant le décret du 24 aout 2006 en ce qu’il n’était pas recevable en vertu de l’absence de la nomination au poste concerné. Il rappelle un principe : tout justiciable peut demander l'annulation d’un acte règlementaire qui serait contraire à une directive. En l’espèce, la décision prise doit être regardée comme ne reposant pas sur des motifs entachés de discrimination donc que l’arrêté préférant une autre magistrate au poste pourvu n'est pas entaché d’erreur manifeste d’appréciation donc ne contient pas d'erreur de droit. Le conseil d’Etat ne refuse pas de prendre en compte la directive mais rejette donc la requête de la magistrate au visa des autres pièces du dossier ; de la Constitution (son Préambule et les articles 1er, 55 et 88-1) ; du traité instituant la Communauté européenne ; de la convention européenne des droits de l'homme ; de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ; de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ; de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité et son article 13 ; du décret n° 99-1073 du 21 décembre 1999 régissant les emplois de l'Ecole nationale de la magistrature et du code de justice administrative.
Afin d’établir si une directive non transposée dans le droit interne français peut s’appliquer à un justiciable, il faut d’abord étudier le rôle du juge administratif par rapport à l’obligation d’intégration du droit européen en droit interne (I) puis le rejet du motif de discrimination pour manque de preuve malgré la possibilité pour un justiciable de demander l’invocabilité d’un acte administratif individuel (II).
- Le rôle du juge administratif vis-à-vis de l’obligation d’intégration du droit européen en droit interne
Le juge administratif joue un rôle important dans l’articulation du droit français avec le droit européen, tout d’abord en vérifiant la transposition des directives européennes en droit interne français (a) ainsi qu’en en contrôlant la conventionnalité d’un acte administratif (b).
- Une vérification du juge : un manque de transposition de la directive en droit interne
Une directive lie les Etats dans un but à atteindre tout en laissant libre les instances nationales quant aux moyens pour l’atteindre. Les Etats membres de l’Union européenne doivent transposer les directives dans leur droit interne. En France, les directives supposent un acte de transposition exécuté par les autorités internes, cet acte est obligatoire pour que la directive intègre le droit français. Cette obligation est d’ordre constitutionnelle comme nous l’indique l’article 88-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 mais aussi d’ordre communautaire comme indiqué dans le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
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