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Commentaire d'arrêt : Civ., 1, 8 déc. 1993, D. 1994, 212

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Par   •  13 Novembre 2022  •  Commentaire d'arrêt  •  3 871 Mots (16 Pages)  •  361 Vues

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Lucas Gottero

Commentaire d'arrêt : Civ., 1, 8 déc. 1993, D. 1994, 212 :

« On ne saurait se satisfaire de baptiser carpe un lapin dans le seul but de pouvoir en manger le vendredi » (F. Collart-Dutilleul et P. Delebecque, op. cit.).Cette citation illustre bien en quoi la distinction entre la garantie des vices cachés et l’obligation de délivrance conforme de la part du vendeur s’avère parfois être comme un casse-tête juridique, établissant une différence assez alambiquée entre les deux notions, qui plus est depuis l’avènement de la garantie légale de conformité prévue par le Code de la consommation. Par ailleurs, avant 1993, l’obligation de délivrance conforme avait une certaine tendance à s’immiscer sur le terrain des vices cachés.

Néanmoins, l’engagement de la garantie des vices cachés ou de l’obligation de la délivrance conforme dans le droit en vigueur, mène à des répercussions différentes dans les choix de réparation, mais également sur les délais qui permettent d’engager ou non une action contre le vendeur.

C’est sur ce point précis que viendra appuyer un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 8 décembre 1993. Dans cette affaire, Monsieur Y avait acheté une véhicule fourgon Peugeot à Monsieur X, le 2 novembre 1987. Cependant, Monsieur Y assigna Monsieur X pour procéder à la résolution de la vente pour cause de vices cachés dans le fourgon acquis.

Après une interjection en appel, un arrêt fut rendu par la Cour d’appel de Grenoble en date du 27 juin 1991. Ainsi la Cour d’appel considéra que la vente en cause faisait l’objet de vices cachés, et que par voie de conséquence, l’article 1648 devait s’appliquer, imposant donc un bref délai qui doit s’imposer en matière de vices cachés. La Cour d’appel de Grenoble considère donc que Monsieur Y n’a pas agi dans les délais convenus par le Code civil.

Ce faisant, Monsieur Y forma un pourvoi en cassation au moyen que la Cour d’appel de Grenoble n’aurait pas parfaitement qualifié les faits en ce qu’elle aurait pu, au vu des circonstances de l’affaire, analyser la situation comme une violation de l’obligation de la délivrance conforme de la chose, et en l’espèce, conforme à sa destination normale. Le moyen au pourvoi énonce donc que cette qualification aurait permis l’exclusion du bref délai fixé par l’article 1648 du Code civil et lui aurait donc permis d’engager son action.

En ce sens la Cour de cassation a dû répondre à la question de savoir en quoi la distinction entre les notions de garantie des vices cachés et d’obligation de délivrance conforme de la chose détient une pertinence et apporte un régime propre à chaque notion.

En d’autres termes, en quoi cet arrêt s’inscrit-il dans un mouvement de clarification de la situation nébuleuse de la distinction entre les vices cachés et l’obligation de délivrance conforme ?

L’intérêt de cet arrêt repose donc sur le fait que ces deux notions en droit de la vente semblaient que trop similaires et que la distinction s’avérait parfois complexe. L’année 1993 sera riche de décisions allant en ce sens, même si la transposition de la garantie légale de conformité dans le Code de la consommation en 2005 ne fera qu’accentuer encore cette ambiguïté.

A ces questions la première chambre civile de la Cour de cassation, le 8 décembre 1993 a répondu que « que le défaut de conformité de la chose vendue à sa destination normale constitue le vice prévu par les articles 1641 et suivants du Code civil et qu'ayant reconnu l'existence de cette impropriété du véhicule acheté par M. Y..., la cour d'appel a retenu à bon droit que l'article 1648 du même Code devait recevoir application en l'espèce ; Par ces motifs : Rejette le pourvoi ».

Si cette solution semble pouvoir s’analyser comme pertinente au vu d’une exclusion tangible de la qualification d’obligation de délivrance conforme (I) ; elle va également mettre en exergue une appréciation générale oscillante de la notion de vices caché (II)

I – Une exclusion tangible de la qualification d’obligation de délivrance conforme

        Cet arrêt va venir faire état d’une situation très embrouillée de la distinction entre les notions de vices cachés et d’obligation de délivrance conforme. Le contexte juridique de ces deux notions va pourvoir s’analyser comme complexe avant 1993, notamment sur la difficulté d’analyser ces deux notions de façon isolé et autonome.

C’est donc en ce sens que la solution de la Cour de cassation va opérer un rappel pertinent et même élémentaire des caractéristiques des vices cachés (A) ; puis va tenter de mettre fin à ce manque de distinction entre les deux notions en cause, en confirmant un éclairssicement qui s’inscrit dans une lignée jurisprudentielle (B).

  1. Un rappel pertinent et simpliste des caractéristiques des vices cachés

La Cour de cassation va venir opérer un rappel des caractéristiques de la notion de vices cachés en y posant une définition simple et élémentaire qui aura pour effet que la Cour retiendra une qualification qui ne permettra pas à la partie demanderesse que l’action des vices cachés soit opérationnelle en raison de son délai. Le qualificatif de simpliste prend son sens en ce que la Cour de cassation ne va pas entrer dans une réflexion juridique profonde mais va simplement faire état des dispositions en vigueur au sein du Code civil.

Ainsi la Cour énoncera en guise de définition des vices cachés que « le défaut de conformité de la chose vendue à sa destination normale constitue le vice prévu par les articles 1641 et suivants du Code civil ».

La Cour de cassation va donc établir un rappel aux allures simplistes de la définition des vices cachés. Elle va fonder son argumentaire sur le point précis que le défaut de conformité du fourgon en cause à sa destination normale ne peut être considéré comme une violation à l’obligation de délivrance conforme.

L’argumentation de la Cour de cassation parait pouvoir s’analyser comme enfantine en ce qu’elle fait face à une situation qui ne peut être plus claire compte tenu des arguments du pourvoi qui qualifie lui-même cette situation de vices cachés. Par voie de conséquence une simple lecture de l’article 1641 et 1648 du Code civil aurait suffis pour se rendre compte que l’action était impossible. En effet, l’article 1641 du Code civil dispose que les vices cachés se définissent par une utilisation de la chose vendue qui la rend « impropre à l’usage auquel on la destine ». Ce faisant, les dispositions du Code civil sont on ne peut plus claires sur la qualification et l’interprétation que l’on doit retenir pour qualifier une vente comportant des vices cachés. C’est en ce sens que la Cour de cassation parait expéditive dans son analyse juridique du pourvoi. Le pourvoi énonce effectivement clairement que le problème de la vente de ce fourgon réside dans le fait qu’elle manquerait à l’obligation « de délivrer un véhicule conforme à sa destination normale ».

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