Commentaire Arrêts « Bergoend » et « Epoux Panizzon c/ Commune de Saint Palais sur mer »
Commentaire d'arrêt : Commentaire Arrêts « Bergoend » et « Epoux Panizzon c/ Commune de Saint Palais sur mer ». Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar charly17a • 26 Octobre 2017 • Commentaire d'arrêt • 3 898 Mots (16 Pages) • 5 737 Vues
Commentaire combiné de droit administratif sur :
Arrêts « Bergoend » et « Epoux Panizzon c/ Commune de Saint Palais sur mer »
La jurisprudence a su exposer au fil du temps certaines théories admettant la dérogation à la séparation des ordres juridictionnels. A ce titre, les théories de la voie de fait et de l’emprise irrégulière admettaient le recours au juge judiciaire en cas d’atteinte grave au droit de propriété. Cependant, des récents changements furent opérés au cours des années 2000, et cette théorie s’est vu restreinte au profit du juge administratif. Les arrêts que nous commenterons sont à l’aune de ces dits changements.
Dans l’arrêt Bergoend du 17 juin 2013, il est question d’un homme devenu propriétaire d’un terrain sur lequel la société ERDF avait implanté un poteau électrique préalablement. Il estime qu’il est porté atteinte à son droit de propriété : en effet la société n’avait pas demandé l’autorisation préalable au propriétaire, méconnaissant ainsi des dispositions législatives.
En parallèle, l’arrêt du 9 décembre 2013, « Époux Panizzon contre Commune de Saint Palais sur mer » a pour instigateurs principaux deux époux ayant mis temporairement (par convention) leur terrain à disposition de la commune de Saint Palais sur mer. La commune a cependant maintenu sa présence sur le terrain une fois le délai prévu expiré. Par délibérations du conseil municipal, la commune a entendu prolonger cette occupation. Les époux s’y opposent, et estiment subir une atteinte à leur droit de propriété.
L’intérêt du sujet réside dans la proximité temporelle des décisions, elles sont rendues à quelques mois d’intervalle. En effet à travers l’arrêt Bergoend, le tribunal des conflits restreint le champ d’application de la théorie de la voie de fait : la voie de fait est alors re-définie et rend alors illogique toute application de la précédente théorie de l’emprise irrégulière. Il a alors fallu adapter la théorie de l’emprise irrégulière à cette nouvelle voie de fait, c’est en cela que l’apport de la décision « Époux Panizzon contre Commune de Saint Palais sur mer » réside : il s’agit de compléter l’arrêt Bergoend. Il est donc éclairant de mettre en relation ces deux décisions. De plus, ces arrêts s’inscrivent dans un contexte particulier : l’institution du référé-liberté en l’an 2000 venait déjà questionner la légitimité de la théorie de la voie de fait, et le débat fût relancé avec l’ordonnance du conseil d’Etat « Chirongui » de 2013. Les plébiscites de la doctrine s’orientant vers une remise en cause de ces théories apparaissent plus fondés que jamais.
Quelles sont les conséquences de la nouvelle définition de la voie de fait sur la répartition traditionnelle des compétences en matière d’emprise irrégulière ?
Comment ce resserrement opéré présage t-il la disparition de ces théories jurisprudentielles, en accord avec un objectif d’efficacité de la justice?
Au sein de l’arrêt Bergoend, le tribunal des conflits rappelle dans sa décision que la voie de fait admet une entorse au principe de séparation des deux ordres juridictionnels. Le juge judiciaire est en effet compétent pour ordonner la cessation ou la réparation de cette atteinte dans l’hypothèse où l’administration procède à l’exécution forcée d’une décision dans des conditions irrégulières et que cela porte atteinte à une liberté individuelle ou crée une extinction du droit de propriété, ou bien alors le juge est compétent dans une autre hypothèse selon laquelle la décision prise a le même effet (extinction d’un droit de propriété, atteinte à une liberté individuelle) et est manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l’autorité administrative. Elle se rattache à l’espèce en expliquant que l’implantation d’un ouvrage public sur le terrain d’une personne privée consiste en un pouvoir susceptible de se rattacher aux prérogatives de l’administration. De ce fait, un poteau électrique destiné au service public qu’est EDF a la qualité d’ouvrage public. Cela ne procède pas à l’extinction du droit de propriété. De ce fait, la qualification de voie de fait ne saurait être appliquée en l’espèce et c’est la juridiction administrative qui est compétente pour connaitre du litige.
Concernant l’arrêt « Époux Panizzon contre Commune de Saint Palais sur mer » le tribunal des conflits rappelle le principe dégagé par l’arrêt Blanco, à savoir que la responsabilité incombant à l’Etat est particulière et relève de la juridiction administrative. Une entorse peut être faite à cette séparation dégagée par les lois du 16 et 24 juin 1790 dans le cadre de matières dévolues au juge judiciaire, ou protégées par des règles/principes à valeur constitutionnelle. Le juge administratif est compétent pour se prononcer sur le recours en annulation d’une décision portant atteinte au droit de propriété et de ce fait pour connaitre des conclusions relatives à la réparation du préjudice
résultant de cette occupation hormis si cette occupation a pour effet l’extinction du droit de propriété.
Le tribunal des conflits explique donc que l’occupation du terrain par la commune n’a pas eu pour effet de déposséder les époux définitivement, il en résulte donc que le tribunal administratif est alors compétent pour connaitre de ce litige, et des demandes d’indemnisation qui en découlent. Si une extinction totale du droit de propriété avait été présente, le juge judiciaire aurait été en mesure de connaitre du litige.
Pour mettre en relation ces arrêts, nous expliquerons premièrement que le juge administratif bénéficie désormais d’une main-mise sur le contentieux du droit de propriété (I), pour plus tard expliquer que la posture prise par le Tribunal des Conflits témoigne d’une volonté évidente d’améliorer le contrôle de l’action administrative (II).
I - L’attribution quasi-exclusive du contentieux relatif au droit de propriété au juge administratif
Cette attribution s’articule ici autour de deux axes. Premièrement, l’objet de l’atteinte concernée par la voie de fait se voit drastiquement resserré, rendant les cas constitutifs de voie de fait exceptionnels et transférant au juge administratif une partie conséquente des anciens cas de voie de fait (A). Aussi, les règles de compétence en matière d’emprise irrégulière ont du, par soucis de cohérence, être accordées
...