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Cassation, Assemblée plénière, 15 avril 2011

Commentaire d'arrêt : Cassation, Assemblée plénière, 15 avril 2011. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  5 Mars 2017  •  Commentaire d'arrêt  •  1 958 Mots (8 Pages)  •  5 481 Vues

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Le 15 avril 2011, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a rendu deux arrêts concernant la conventionnalité du régime juridique français de la procédure de garde à vue.

Dans les deux espèces, deux ressortissantes de pays étrangers en situation irrégulière sont mises en garde à vue du fait justement de leur situation irrégulière sur le territoire français. La première personne a demandé à voir un avocat au début de la garde à vue. Elle fut entendue par les fonctionnaires de police avant de pouvoir s’entretenir avec un avocat. Concernant la deuxième espèce, l’heure de l’entretien de la prévenue avec les fonctionnaires de police ne fut même pas mentionnée, empêchant, ainsi, toute possibilité de vérifier si celle-ci avait pu s’entretenir avec un avocat avant l’interrogatoire. En conséquence, dans les deux affaires, le Préfet a procédé au placement en rétention des deux ressortissantes étrangères et à la notification d’un arrêté de reconduite à la frontière. Dans les deux cas, le Préfet a demandé au juge des libertés et de la détention (JLD) la prolongation de la rétention des deux ressortissantes.

Dans la première espèce, la prolongation de cette rétention fut prononcée par le JLD laquelle eu pour conséquence que la personne retenue interjeta appel. En appel, cette prolongation fut confirmée. Dans la seconde espèce, le JLD a jugé que la procédure de garde à vue avait été menée de manière irrégulière. Le Procureur général a donc interjeté appel de cette décision. A l’inverse, cette décision fut confirmée par la Cour d’appel de Rennes qui refusa de prononcer la prolongation de la rétention et ordonna la remise en liberté de la ressortissante étrangère.

Pour ce qui concerne la première espèce, la Cour d’appel avait rejeté la demande de la requérante, fondée sur les arrêts de la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH). Elle avançait notamment que la CEDH avait eu l’occasion de rendre des arrêts importants qui énonçaient qu’une procédure de garde à vue impliquait le droit, pour la personne mise en garde à vue, de consulter un avocat dès le début de la procédure. La Cour d’appel a rejeté cette demande en justifiant que les arrêts de la CEDH qui étaient invoqués ne concernaient pas le France et qu’en conséquence, ils ne sauraient s’imposer aux autorités françaises. De plus, elle ajoute qu’aucune stipulation de la CEDH ni aucune disposition du Code de procédure pénale n’imposent que la personne placée en garde à vue doit impérativement être entendue par les fonctionnaires de police en présence d’un avocat. Dans la seconde espèce, la Cour d’appel juge l’inverse provoquant la contestation du procureur général. Celui-ci forme un pourvoi en cassation selon les moyens qui suivent. Il estime qu’il résulte de l’article 46 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CESDH) que les arrêts de la Cour ne s’imposent qu’aux parties du litige et non à d’autres Etats. Il ajoute qu’aucune disposition du Code de procédure pénale n’impose une telle obligation.

La question posée à la Cour de cassation dans les deux espèces est la même : Les solutions contenues dans les arrêts rendus par la CEDH s’imposent-elles aux Etats qui n’étaient pas parties aux litiges ayant donné lieu à ces arrêts ?

La Cour de cassation pose le principe selon lequel les Etats membres de la CESDH sont tenus de respecter les décisions de la Cour sans attendre d’être attaqués devant elle ni d’avoir modifié leur législation. En conséquence, elle casse la décision rendue pour la première espèce confirmant la prolongation de la rétention et rejette le pourvoi du procureur dans la seconde espèce.

La Cour de cassation proclame donc deux principes clairs en l’espèce. Elle juge le régime juridique français de la procédure de garde à vue contraire à la Convention (I) et énonce également que les décisions rendues par la Cour européenne des droits de l’homme sont applicables immédiatement sans besoin d’attendre que les Etats ne soient uns à uns condamnés par la Cour (II).

I) La violation de la Convention européenne des Droits de l’Homme par le régime français de la garde à vue

Dans un premier temps, nous verrons que ce n’est pas la première fois qu’une autorité juridictionnelle reconnaît l’obligation de l’intervention d’un avocat dès le début d’une mesure de garde à vue (A). Dans un second temps, nous examinerons les fondements de cette décision (B).

A) Une violation antérieurement constatée

La première chose qu'il convient de dire concernant ses arrêts, c'est qu'ils n'ont en aucun cas reconnu la violation des droits de l'homme par la procédure de garde à vue française.

En effet, le conseil constitutionnel avait déjà constaté l'inconstitutionnalité de cette procédure. Par une décision QPC du 30 juillet 2010, le conseil constitutionnel avait reconnu l’inconstitutionnalité de la procédure française de garde à vue. Il avait notamment relevé l'inconstitutionnalité des articles relatifs à la garde à vue au cinq du code de procédure pénale.

Cependant, le conseil constitutionnel avait reporté de près d'un an les effets de sa décision, en enjoignant le législateur de modifier la loi et les conditions légales de la garde à vue avant le 1er juillet 2011.

La Cour de cassation, quant à elle, avait déclaré la garde à vue française contraire à l'article 6 de la Convention européenne des droits de L’Homme le 19 octobre 2010. Cependant, elle s'était aligné sur la position du conseil constitutionnel en décidant que c'est inconventionnalité ne saurait produire d’effets avant le 1er juillet 2011 date à laquelle le législateur était censé avoir modifié la législation relative à la garde à vue selon le conseil constitutionnel.

En somme, jusqu'au 15 avril 2011, aucune autorité juridictionnelle française de quelque ordre que ce soit n'avait décidé que la conventionnalité de la procédure de garde à vue devait produire d’effets immédiatement.

B) La présence obligatoire d’un avocat durant les interrogatoires

Ce qui est sanctionné par la Cour de cassation tant en 19 octobre 2010 que le 15 avril 2011 est en tout point ce qui était sanctionné par le Conseil constitutionnel, à savoir la violation de divers droits à la défense en matière pénale garantis tant par la Constitution de 1958 que par le Convention européenne des

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