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Roberto Zucco - Tableau I - L'évasion

Analyse sectorielle : Roberto Zucco - Tableau I - L'évasion. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  9 Avril 2019  •  Analyse sectorielle  •  2 789 Mots (12 Pages)  •  2 590 Vues

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🙠 Lecture analytique n°4 🙢

Roberto Zucco de Bernard-Marie Koltès

Tableau 1, « L’évasion »

  1. Le dialogue permet de faire germer l’action principale de Roberto Zucco : deux personnages comiques dans une situation absurde.

Ce qui surprend à l’orée de la pièce, c’est le registre de ce dialogue. L’attendu premier du spectateur serait un ton grave, vu le sujet de la pièce. Mais Koltès désamorce immédiatement cela en ayant recours au registre comique. Probablement cela a pour effet d’indiquer aux spectateurs qu’il s’agit bien d’une pièce de théâtre et non pas un énoncé de fait objectif comme le serait un article de journal.

  1. Le comique de situation

C’est tout d’abord le comique de situation qu’il convient de traiter. En effet, nous sommes en présence de deux gardiens. Postés sur le toit de la prison qu’ils surveillent, ceux-ci vont briser les attendus du spectateur.

« Notre présence ici est inutile […] » : ceux-ci remettent en question leur utilité. Ils ne comprennent pas l’intérêt de leur tâche puisque « Même un tout prisonnier ne pourrait pas s’évader. » La situation est alors directement conçue comme absurde car le but même des personnages est inexistant.

A cela, rajoutons également le fait que la troisième didascalie « A l’heure où les gardiens, à force de silence et fatigués de fixer l'obscurité, sont parfois victimes d’hallucinations. » discrédite parfaitement la crédibilité des gardiens. En effet, leur état ne permet pas un plein exercice de leur fonction puisqu’ils sont sujets aux hallucinations. Cela est mis en pratique par la première phrase interrogative : « Tu as entendu quelque chose ? »

Cette inutilité est renforcée par l’emploi répété du terme « rien » répété à 10 reprises dans ce premier tableau. Mais elle est également appuyée par l’évocation de la modernité de la prison à laquelle le dramaturge consacre tout un long paragraphe où il multiplie les images dans un souci d’insistance : « petit comme un rat », « grandes grilles », « passoires », « tamis », « être liquide », etc.

Mais il y a encore comique de situation dans la réalisation de l’évasion. En effet, celle-ci a bien lieu et se passe sous le regard distrait des gardiens. D’autant plus que vient s’ajouter à cela le fait que le premier gardien a pris soin de justifier une forme d’utilité à leur présence, « pour empêcher les évasions ».

Le dialogue lors de l’évasion à proprement dit semble se répéter, il y a alors un comique de répétition qui se met en place : « Tu as entendu quelque chose ? » // « Tu ne vois pas quelque chose ? » ; « Non, rien du tout. » // « Non, rien du tout. » ; « Non, mais j’ai eu l’idée d’entendre quelque chose. » // « Non, mais j’ai l’idée de voir quelque chose. » Cette répétition crée un doute sur la réalité de l’évasion. Celle-ci devient alors comique puisque, devant le doute des gardiens, les spectateurs sont eux en vérité : ils assistent visuellement à l’évasion.

Le rôle des gardiens s’inverse. Alors que le premier gardien s’était évertué à justifier leur présence, c’est lui qui n’accepte pas ce qu’il voit et pense qu’il s’agit d’une hallucination. C’est en effet le second gardien qui se rendra compte de l’évasion.

Le recours au présent et au passé composé sublime le paradoxe entre la réalité et l’hallucination. Tout d’abord, on a « Zucco commence à disparaître. » et « C’est un prisonnier qui s’évade. » L’emploi du présent permet de dresser un constat. Sauf que celui-ci est trop tardif.

« Zucco a disparu. » et « Putain, tu as raison, c’est une évasion. » traduisent ce retard par le recours à l’aspect accompli que passé composé : leur réaction arrive lorsque l’action est terminée. Le comique de situation est à son comble : parce qu’ils ont douté, l’évasion est arrivée.

  1. Le comique de caractères

Mais c’est également un comique de caractère qui s’établit entre les deux gardiens. On peut les qualifier d’inséparables. En effet, on sent bien tout au long du dialogue que leur relation s’établit sur une forme de répétition lassante. C’est ce que prouve l’utilisation répétée de l’adverbe « jamais » dans des phrases tel que « Tu n’entends jamais rien. » ou « Tu n’as jamais d’idée. » ou encore « Tu n’entends jamais rien. » Ils passent leur temps ensemble et ne se supportent pas.

Ils se chamaillent comme des enfants se posant de multiples questions et niant systématiquement. (citez quelques questions et quelques réponses négatives) Eux-mêmes l’affirment : « on finit toujours par s’engueuler ».

Mais derrière cette apparente ressemblance, comme si l’un n’était que le reflet de l’autre, ils se distinguent cependant. Le Deuxième Gardien se lance dans une réflexion sur « l’univers intérieur ». Il n’est donc pas simplement dans une bêtise indéfectible. Ces « paysages intérieurs » invitent le spectateur à penser une vie réflexive, méditative de la part du Deuxième Gardien. D’autant plus qu’il couple cette réflexion à l’emploi du verbe « croire », traduisant une quête de vérité et donc un semblant de spiritualité. Dans cette même veine philosophique, il évoque son expérience par cette phrase « Moi qui suis gardien depuis six années, j’ai toujours regardé les meurtriers en cherchant… » Le recours à l’expérience et à l’analyse est propre à une quête philosophique en quête de sens.

Cependant, comme nous l’avons dit, cette réflexion n’est que passagère et d’autant plus, elle est ridicule. Cela peut se voir dès lors qu’il se met à parler du « sexe des meurtriers ». La tirade qu’il nous livre est particulièrement comique. « […] je les ai même regardés sous la douche, parce qu'on m’a dit que c'était dans le sexe que se logeait l'instinct meurtrier. J'en ai vu plus de six cents, eh bien, aucun point commun entre eux; il y en a des gros, il y en a des petits, il y en a des minces, il y en a des tout petits, il y en a des ronds, il y en a des pointus, il y en a des énormes, il n'y a rien à tirer de cela. » Son analyse philosophique n’a d’ores-et-déjà aucune valeur puisqu’il se conclut par un aveu d’échec car « […] il n’y a rien à tirer de cela. »

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