Privatisation de l'eau en Europe
Étude de cas : Privatisation de l'eau en Europe. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Laura Youyoutte • 21 Février 2022 • Étude de cas • 5 097 Mots (21 Pages) • 381 Vues
LA PRIVATISATION DE L’EAU EN EUROPE : LES CAS DE LONDRES ET PARIS
Introduction
On observe dans de nombreuses industries, un développement du secteur privé s’accompagnant d’une financiarisation de l’économie. Le phénomène de financiarisation se manifeste par une augmentation des actifs financiers et de la spéculation et, plus généralement, de l’attention portée à l’aspect financier d’un marché. L’objectif prioritaire est alors la maximisation des profits, notamment des actionnaires, souvent au détriment de l’économie réelle. Cette financiarisation mène également à l’idée de la maximisation de l’efficience des marchés1.
Le secteur public est souvent jugé comme étant plus efficace que le secteur public, comme l’atteste le mouvement de la Nouvelle Gestion Publique (NGP) ou encore les nombreuses privatisations d’entreprises nationales2. Ainsi, la financiarisation de l’économie s’accompagne souvent de privatisation. Néanmoins, ce phénomène pose des interrogations fondamentales lorsque l’objet de cette financiarisation est une ressource essentielle à la communauté.
Nous traiterons, ici, la question de l’exploitation des réseaux la gestion de l’eau, bien public essentiel par excellence. En effet, sa raréfaction ayant fait naitre des volontés d’en faire une marchandise, la gestion de l’eau n’échappe pas au phénomène de financiarisation. Il reste néanmoins nécessaire de garantir la qualité de l’eau, son accès et une gestion respectueuse de l’environnement. Les conséquences d’une mauvaise gestion de l’eau sont telles que l’idée même de confier cette responsabilité à une entreprise privée peut être débattue. Cependant, l’ouverture à la concurrence peut-être un moyen d’assurer aux consommateur un meilleur service et un prix plus bas3.
Ainsi, faut-il ouvrir l’exploitation du réseau de l’eau au service privé ? Nous tenterons de répondre à cette question en étudiant, dans un premier temps, les théories liées à la gouvernance de l’eau et leurs implications dans les politiques mises en place par l’Union Européenne (UE). Nous étudierons, par la suite, les cas précis de la gestion de l’eau à Londres et à Paris en mettant l’accent sur l’efficacité des différents types de gestion.
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1FINE Ben, « La financiarisation en perspective », Actuel Marx, n° 51-1, 30 mai 2012, p. 73-85.
2HUET Jean Michel, POMPIGNAN Diane et BATT Julien, « Les pionniers de la nouvelle gestion publique », L’Expansion Management Review, N° 149-2, 31 mai 2013, p. 113-121. 3CHOURAQUI Ghislaine, « Les privatisations en Grande-Bretagne: les leçons d’une expérience », Revue française d’économie, 4-2, 1989, p. 43-57.
I. La gouvernance de l’eau : un enjeu crucial pour nos sociétés
A) Les théories de la gestion de l’eau
L’eau et sa gestion sont un élément clé de la productivité urbaine et de la valorisation des espaces urbains ; par conséquent, l’entretien et le renouvellement des réseaux d’eau est une priorité1. L’eau est une industrie de réseau, c’est à dire une industrie ayant un important coût fixe pour l’entretien du réseau lui-même. Des investissements colossaux sont donc nécessaires, d’autant plus que le réseau joue lui-même un rôle majeur dans l’aménagement du territoire et son attractivité. Dans la mesure où les coûts fixes sont importants, la compétitivité du réseau dépend donc de sa taille, posant ainsi la question de la contestabilité du marché de l’eau.
Dans le cas de l’eau, l’importance des coûts irrécupérables rend ce marché peu contestable, en faisant ainsi un monopole naturel. Le client est effectivement desservi par des infrastructures coûteuses sans pour autant avoir un large choix de fournisseurs. La concurrence se fait donc pour le marché et non sur le marché. En revanche, les économistes William Baumol, John Panzar et Robert Willig expliquent que selon la théorie des marchés contestables, le réseau peut être séparé de son exploitation2. Une compétition limitée est donc possible en offrant au client le choix entre plusieurs fournisseurs soumis à une régulation concernant l’usage du réseau.
La régulation, principalement assurée par un organisme public, veille à assurer la protection des consommateurs par le respect des normes afin de garantir un service peu cher et de qualité. Les fonctions administratives sont quant à elles exécutées au niveau local par un organisme public pouvant éventuellement confier ces services à un ou plusieurs opérateurs privés. Enfin, l’aspect opérationnel des services d’eau est assumé par un ou plusieurs opérateurs en charge de la prestation des services. C’est notamment à cet échelon qu’intervient le plus souvent le secteur privé3.
Cependant, le recours au secteur privé pour des services aussi essentiels que l’eau fait débat car il est question de l’appropriation de la ressource, d’autant plus qu’elle se raréfie. Ainsi, les opposants à la privatisation soulignent le caractère vital de l’eau. Le secteur public apparait donc comme le garant des intérêts publics. En revanche, le secteur privé prône son efficacité opérationnelle et son expertise, en contraste avec le manque d’efficacité supposé du secteur public. Le débat est d’autant plus vif qu’il s’agit de concilier une mission de service public et la recherche d’efficience4.
1JAGLIN Sylvy, ZERAH Marie-Hélène, “Eau des villes, repenser des services en mutation. Introduction”, Revue Tiers Monde, 2010/3, n°203, p. 7-22. 2BAUMOL W. J., PANZAR J. C., WILLIG R. D., « Contestable markets and the theory of industry structure », Journal of political economy, vol. 91, n°6, 1983. 3DUPRE Jean-Paul, TREMBLAY Benoit, AUDETTE CHAPDELAINE Marianne, “Les partenariats public-privé dans le secteur des services d’eau”, Revue française d’administration publique, 2009/2, n°130, p. 233-248. 4COLON Marine, GUERIN SCHNEIDER Laetitia, “Réforme de nouveau management public et création de valeurs publiques : des processus compatibles ? Une exploration empirique dans le service public de l’eau”, Revue internationale des sciences administratives, 2015/2, vol. 81, p. 279-295.
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