Le Fractionnement Des Processus De Production
Note de Recherches : Le Fractionnement Des Processus De Production. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Greenwich9 • 23 Mars 2015 • 5 864 Mots (24 Pages) • 1 145 Vues
1.Introduction
Dans la littérature récente sur les délocalisations industrielles et la répartition mondiale des
activités productives au sein des secteurs, des filières industrielles ou des firmes, on évoque
souvent la notion de modularité ou de fragmentation de la chaîne de valeur (Baldwin et Clark,
[2000], Frigan, [2004], Fontagné et alii [2004]). La modularisation relève d’une démarche
visant à décomposer les systèmes complexes. Le produit final est décomposé en une série de
sous-systèmes reliés les uns aux autres par des interfaces standardisées1. La baisse des coûts
de transaction favorise la fabrication séparée des fragments de processus productifs et leur
localisation dans des pays différents. De même, la diffusion des nouvelles technologies de
l’information et de la communication (NTIC) favorise la mise en oeuvre d’une forme
spécifique de fragmentation de la chaîne de valeur dans les services, comme l‘a illustré le
débat récent sur les délocalisations des centres d’appel. Néanmoins, cette liberté de séparer la
fabrication des différents modules est limitée par les contraintes d’interdépendance
fonctionnelle entre les différents segments dans les phases de pré-assemblage et
d’assemblage.
En réalité, ces aspects sont connus depuis longtemps en France sous la dénomination de
décomposition ou division internationale des processus productifs (DIPP) à travers les travaux
de Lassudrie-Duchêne [1982], prolongés par Fontagné [1991], Mouhoud (1993), Moati et
Mouhoud [2000]2. L’un des apports de Bernard Lassudrie-Duchêne est d’avoir compris et
expliqué, il y a déjà plus d’une vingtaine d’années, le fait que la spécialisation internationale
et les avantages comparatifs des nations ne doivent pas être observés seulement au niveau des
produits finals mais aussi au niveau des morceaux des processus de production concourant à
la fabrication d’un bien final. Dans son article de 1982, puis dans un ouvrage de 1986,
Importation et production nationale, coécrit avec Berthélémy et Bonnefoy, Bernard
Lassudrie-Duchêne démontre, dans un cadre ricardien, l’existence d’un gain à l’échange
international spécifique, observé au niveau des segments des processus productifs. Cette
démonstration permettait d’avancer une théorie complète de l’internationalisation des
économies et de mettre en évidence le rôle combiné des firmes et des nations dans la
structuration des spécialisations internationales des économies.
Les firmes multinationales sont les acteurs privilégiés de la mise en oeuvre la DIPP en
délocalisant certains morceaux ou segments de la chaîne de valeur ce qui peut donner lieu à
une exportation préalable de composants intermédiaires réimportés sous forme de produits
finals3. Ce phénomène se traduit dans le commerce international par l’importance croissante
des échanges de biens intermédiaires sous la forme de pièces détachées, de composants, de
« modules » destinés à être utilisés en tant que consommation intermédiaires dans la
production. Ce commerce est également, en toute logique, pour une large part un commerce
intra-firme (la moitié des échanges entre les pays de l’OCDE).
Traditionnellement, la DIPP est supposée refléter une logique d’extension de la division
internationale du travail à l’ensemble des pays selon la hiérarchisation mondiale des
avantages comparatifs. Toutefois, ce phénomène tout en continuant à se développer et à
affecter de nombreux secteurs manufacturiers et de services et en dépit de la baisse des coûts
de transport et de la diffusion des technologies de l’information, s’opère de manière sélective
dans l’espace au profit des pays combinant, outre des avantages en termes de coûts salariaux
et/ou de maîtrise technologique, une position géographique favorable (par rapport aux grands
courants d’échange), des infrastructures de communication de qualité et un potentiel de
marché. Cette sélectivité se décline au niveau infra-national au profit des grandes
agglomérations où se concentrent les ressources productives et la production d’externalités.
La contradiction apparente entre la modularité croissante et la baisse des coûts de transaction
d’une part, et la polarisation spatiale des activités productives d’autre part, souligne
l’insuffisance d’une approche fondée sur la seule prise en compte des avantages comparatifs4.
Notre propos dans cet article est de rendre compte de la complexification de la DIPP par la
prise en compte de la diversité des principes de division du travail qui président à la
fragmentation des processus, et des mécanismes de coordination qui leur sont associés.
L’article est organisé de la manière suivante. Dans la première section, nous remettons en
perspective la réalité du phénomène de la DIPP en analysant en l’évolution des formes et des
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