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Le Travail Est-il Une Valeur Fondamentale De Notre Société ?

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Par   •  4 Décembre 2013  •  3 066 Mots (13 Pages)  •  2 265 Vues

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Introduction

Tripalium : instrument de torture. Telle est l'origine du mot travail. On comprend alors que ce dernier n'a pas toujours eu la connotation positive que notre société lui prête aujourd'hui. Dans l'Antiquité, il était réservé aux esclaves, au Moyen-Âge, il était affaire de serfs et de vilains et, pour un noble, travailler revenait à déroger à sa condition. Mais avec l'approche de la révolution industrielle nous assistons à une valorisation du travail. Dès le xvie siècle, le travail qui amène la richesse devient pour les protestants le signe de l'élection divine, si on suit l'analyse de Max Weber. Au xviiie siècle, Adam Smith place le travail au centre de l'activité humaine, il voit en lui l'origine de l'enrichissement collectif, et dans sa division la cause principale de la croissance économique. Dès lors, le travail se trouve valorisé ; que ce soit dans la paysannerie, la classe ouvrière ou la bourgeoisie, c'est désormais celui qui ne travaille pas, le « fainéant », qui n'attire que mépris et mise à l'écart.

Le travail est ainsi devenu une valeur fondamentale de notre société. Par « valeur », on entendra un grand principe d'ordre généralement moral qui dicte la conduite des hommes en leur donnant une idée du « bien » et du « mal ». Les valeurs finissent par s'imposer aux individus comme des évidences incontournables et forment un système global qui correspond aux idéaux que se donne une société. Depuis la fin du xviiie siècle, le travail s'est hissé tout en haut dans la hiérarchie des valeurs, auprès de nos grands principes (liberté, égalité, solidarité, etc.) et des valeurs familiales. Néanmoins, les évolutions qu'a connues notre société, devenue une société de consommation au sein de laquelle se développent les principes hédonistes, remettent en cause le rôle du travail qui, de plus, se raréfie (chômage de masse depuis les années 1970) et change de nature. Ces évolutions posent la question de la place qu'occupe désormais le travail dans notre société. Est-il toujours une valeur fondamentale ? Nous verrons que si le travail a perdu de son importance dans notre société et qu'il connaît des transformations de nature à remettre en cause sa place première dans la hiérarchie des valeurs, il conserve cependant une place essentielle.

I. Le travail a perdu de son importance dans notre société…

A. L'avènement de la société de consommation a remis en cause le rôle du travail et amené une perte de valeur

À partir de la révolution industrielle, le travail a été considéré comme le pourvoyeur de tous les biens et services utiles à l'homme. Même le capital utile pour produire était considéré comme du « travail cristallisé » (pour Ricardo) ou bien encore comme du « travail mort » (pour Marx). À une époque où le niveau de vie était très bas, se procurer le minimum pour vivre devenait une nécessité absolue que, pour beaucoup, seul le travail pouvait garantir. D'où son rôle fondamental et une valeur très élevée qui lui étaient accordés. Mais avec la hausse du niveau de vie et l'avènement de la société de consommation, le strict nécessaire semble assuré à la plupart avec une quantité de travail bien moindre. Il est alors possible de diminuer la durée du travail qui, en France et du début à la fin du xxe siècle, a été divisée environ par deux en nombre d'heures annuelles, et bien davantage si l'on compte le nombre d'heures de travail effectuées au cours d'une vie. Le travail se situe ainsi moins au centre de l'existence des individus et l'on assiste à l'avènement d'une société de loisirs. Les individus peuvent même choisir d'arbitrer entre travail et temps libre, ce qui ne pouvait être envisagé du xixe siècle jusqu'au milieu du xxe siècle.

À mesure donc que la volonté de disposer de plus en plus de temps libre augmente dans la société, le travail régresse dans la hiérarchie des valeurs. Le débat sur les 35 heures illustre bien ce phénomène. Au départ, l'idée avancée était celle du partage du travail, valeur fondamentale dont chacun devait pouvoir profiter. Mais devant l'efficacité discutée et même contestée de cette mesure pour réduire le chômage, le mérite essentiel des 35 heures semble être d'améliorer la qualité de la vie en réduisant le temps de travail, pour s'occuper davantage de soi et de sa famille, pour vivre mieux. Ce débat souligne ainsi l'affrontement entre des valeurs plutôt axées sur l'individu et la famille d'une part et des valeurs fondées sur le travail. L'affirmation de ces nouvelles valeurs témoignent d'une volonté d'accéder à des satisfactions immatérielles. Or le travail correspond avant tout à une valeur que l'on peut qualifier de « matérialiste » puisqu'il est à l'origine de la production et, par les revenus qu'il procure, de la consommation. Maslow a montré dans les années 1960 que les individus cherchent d'abord à satisfaire leurs besoins vitaux, le travail leur apparaissant alors comme une nécessité absolue ; puis, avec la hausse du niveau de vie, des aspirations plus qualitatives prennent le dessus, que le travail n'est plus en mesure de satisfaire et qu'il peut même contrarier. La recherche d'une meilleure qualité de vie qui accompagne donc le développement économique est de nature à remettre en cause la place du travail dans la hiérarchie des valeurs, et ce d'autant plus que l'on a assisté depuis une trentaine d'années à une dégradation du travail.

B. La montée du chômage, de la précarité, les nouvelles formes d'emploi remettent en cause la place du travail

Depuis le début des années 1970, le chômage est devenu une des préoccupations essentielles de la population dans tous les pays développés. Si cela souligne « en creux » l'importance du travail, cela aboutit aussi, lorsqu'une partie importante de la population est exclue de l'emploi et parfois pour une longue durée, à faire régresser la place du travail dans la société, avec la volonté de trouver de nouvelles fondations pour bâtir le lien social. Ce chômage s'accompagne d'une détérioration des conditions de travail. La précarité est en constante augmentation. Les contrats à durée indéterminée, s'ils demeurent la norme et s'ils concernent toujours la très grande majorité de la population active, sont de moins en moins nombreux, surtout pour les nouvelles embauches. La multiplication des contrats

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