Écriture d'invention inspirée d'un tableau impressionniste (Claude MONET, Saint-Georges-Majeur au Crépuscule, 1908)

Sujet : En vous inspirant d’un tableau impressionniste (Claude MONET, Saint-Georges-Majeur au Crépuscule, 1908.), vous inventerez un incipit qui respecte les caractéristiques d’une nouvelle réaliste et les techniques impressionnistes.

--

Ce matin d’automne, les valises étaient prêtes : les Busardino quittaient Padoue pour Venise. Avant de songer à profiter -les pieds dans l’eau- de cette nouvelle vie vénitienne, le mari avait tout d’abord dû régler les problèmes de logistique, laquelle devait être imparable en vue de ce déménagement de longue haleine. En effet, pas moins de quarante kilomètres les séparaient de la « ville de l’amour ». La calèche avait donc été louée pour cinq jours et Monsieur avait obtenu une réduction en échange de s’occuper du cheval et du nettoyage de la voiture.

Personne ne manquait à l’appel le jour du départ, de la benjamine à la grand-mère, dont le vieillissement certain était visible au premier abord. Son mari, encore plus ancestral, ne payait pas de mine, les années passées l’ayant comme momifié. Le médaillon à sa ceinture en disait long : sa fatigue trouvait ses origines dans la guerre franco-prussienne, à laquelle il avait participé avant de s’exiler en Italie. Les deux antiquités avaient donné naissance à une resplendissante femme, ce qui est un paradoxe, parfaitement vêtue d’une robe bleue rappelant « l’éclat » des nuits noires. Une panoplie de bijoux la faisait briller d’entre les siens : ils servaient d’étoiles dans ce ciel resplendissant. Elle était d’ailleurs la seule source de lumière sur les lieux, le soleil tardant à pointer. Son mari faisait office de Lune comparé à son épouse. Effectivement, celui-ci était habillé d’un costume noir dont le dernier lavage devait remonter à quelques années à présent. Les enfants étaient le piètre résultat d’un mélange improbable. Ceux-ci, un garçon et une fille, dont les chamailleries devaient être régulières, avaient l’air peu satisfaits de devoir s’en aller. L’aîné appréhendait intensément ce moment. La tension montait entre les membres de la famille prenant place dans la calèche.

Le voyage fût long puisque la famille arrivât dans la région de Venise à quelques minutes du coucher de Soleil. Une brume légère commençait à se lever tandis que l’on pouvait observer la fatigue des passagers. Il était facile de deviner le comportement infecte des jeunes tout au long du trajet, les apparences n’étant que rarement trompeuses. Le groupe s’était arrêté dîner dans une charmante auberge mais le mari, étant pressé de reprendre la route et d’entamer les derniers kilomètres avait obligé la tribu à embarquer dans la calèche, qui était sa plus grande fierté. Il faut dire que la location de celle-ci lui avait coûté l’équivalent d’un mois de salaire. Cependant, il s’en moquait : son nouvel emploi lui permettrait de gagner bien plus. Le foyer habiterait plus précisément sur l’île de Saint-Georges-Majeur, que l’on commençait à apercevoir. Malgré le flou imposé par ce fin nuage brumeux, on distinguait aisément le clocher de la chapelle, dont l’ombre se calquait à l’orangé intense de la nuit tombante. Un bateau, atypique de la conception vénitienne, se dévoilait peu à peu à la droite de l’île microscopique. Les passagers étaient émerveillés lorsqu’ils

...