Tirésias Oedipe roi

Le personnage de Tirésias dans Œdipe roi de Sophocle et Pasolini

Apparition(s) : -pièce de Sophocle : premier épisode, scène 2

                -film de Pasolini : 44min18s et 1h04min18s

Son statut et sa fonction : devin (sage) cité Thèbes aux ordres de Loxias (= Apollon, Loxias signifie l'Oblique en raison de l'ambiguïté de ses oracles) frappé de cécité après avoir transgressé un interdit visuel. Un des seuls personnages qui connaît identité et crimes de parricide et inceste d'Œdipe + l'accompagne sur le chemin de la vérité.

Comment le devin Tirésias s'érige-t'il en personnage majeur et particulier dans ces deux œuvres ?

I/ Rencontre Œdipe/Tirésias

•     Un accueil respectueux : a) Sophocle : Œdipe semble vénérer le devin à son arrivée : apostrophe « ô Tirésias » car il est le seul à pouvoir l'éclairer sur l'identité du meurtrier de Laïos.

b) Pasolini : Œdipe voit pour la toute première fois Tirésias après avoir croisé les Thébains fuyant la peste avant d'arriver à Thèbes. Œdipe s'agenouille devant Tirésias, signe d'un profond respect + intertitre « j'aimerais être à ta place. Ton chant te place au-delà du destin ».

•      L'impuissance d'Œdipe face à la supériorité Tirésias : a) Sophocle : Œdipe supplie Tirésias après que les Thébains et le prêtre l'aient supplié lui même. Les paroles se font alors écho. Tirésias est en position de supériorité absolue vis à vis d'Œdipe car contrairement à lui, détient le savoir pouvant libérer Thèbes de la peste (supplication Œdipe « ne nous refuse pas […] réponse prophétique » + impuissance « notre destin est entre tes mains »)

b) Pasolini : lorsque Tirésias arrive devant palais d'Œdipe, l'impuissance de ce dernier est marquée par l'intertitre « Tirésias je t'ai fait venir et par toi je saurais tout », puis lorsque Tirésias se lève pour repartir car la vérité/le destin est irrévocable « ces mots ne seraient d'aucune utilité », Œdipe le supplie «reste ! Tu sais ! Nous t'implorons tous.»

•   Fascination  d'Œdipe pour Tirésias : a) seulement chez Pasolini (dimension nouvelle d'envoûtement ajouté à supériorité) : lors de la première rencontre, Tirésias joue de la flûte sur un muret. En le voyant, Œdipe semble fasciné, il le fixe le devin et ne détournera plus son regard, même en s'en allant.

Dans les deux œuvres, Tirésias apparaît très puissant lors de sa rencontre avec Œdipe.

II/ Comportement de Tirésias lors du conflit

•        Un duel verbal (scène d'agôn = scène d'affrontement) : crescendo de la tension et de l’agressivité entre Œdipe et Tirésias. Chez Sophocle comme chez Pasolini, devin ne veut pas dévoiler la vérité. Par le silence, Tirésias veut mettre Œdipe en garde, la vérité étant destructrice. Face à la colère d'Œdipe, Tirésias finit par avouer à Œdipe qu'il est lui même le meurtrier de Laïos, qu'il est l'homme qui souille la ville. Vérité trop difficile à entendre, Œdipe la rejette violemment.  

a) Sophocle introduit des variantes au schéma traditionnel d'agôn : tirade d'Œdipe (v380)  suivie de quelques vers du choeur, puis tirade de Tirésias suivie de stychomythies, mais au lieu des deux tirades réservées au vaincu et au vainqueur, seul Tirésias conclut et change les enjeux de la scène en révélant la vérité sur Œdipe.

b) Pasolini : longue séquence qui vient en contrepoint de la première scène muette entre Tirésias et Œdipe, Pasolini instaure un dialogue violent pour transposer fidèlement la scène qui conclut le prologue dans la pièce de Sophocle. Mais il conserve moins de la moitié des dialogues du dramaturge grec, voulant (semble-t-il) donner plus de relief à la colère d'Œdipe et l'exaspération Tirésias.

•        Intégrité et véracité des propos de Tirésias remis en question par Œdipe : Tirésias est alors accusé d'être l'acteur d'une manipulation politique et de vouloir évincer le roi du trône au bénéfice de Créon.

a) Sophocle : Œdipe utilise propos vifs pour qualifier Tirésias : « ô toi le plus détestable des hommes », « espèce de sorcier» et de « fourbe intrigant ».

b) Pasolini : ici, Tirésias est d'autant plus violenté par Œdipe, ce dernier l'agrippe violemment et tente de le repousser au loin.

•       Mise en défi de Tirésias : il conteste l'autorité et la puissance d'Œdipe. Le devin se sait hors d’atteinte, car Œdipe, appartenant au pouvoir politique, ne peut rien contre celui qui appartient au dieu Apollon, à la religion :

a) Sophocle : « ce n'est pas de toi dont je dépends, mais de Loxias » (opposition Œdipe/Tirésias marquée aussi par le thème de la lumière + aveuglement (leitmotiv) : Œdipe « suppôt des ténèbres […] quiconque voit la lumière » et Tirésias « tu as des yeux […] tu ne verras plus que les ténèbres »)

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